Lettre au roi des Belges : « Et le Burundi ne mérite-t-il pas vos regrets ? »
Alors que le Burundi vient de célébrer le 58ème anniversaire de son indépendance, et qu'il a été colonisé comme la République démocratique du Congo par la Belgique, ce dernier vient d'exprimer ses regrets pour son passé colonial en RDC, et non pour le Burundi. Et ce que le Burundi ne mérite-t-il pas aussi ces regrets ?
Ô roi Philippe,
Si je me permets de vous écrire, c'est à cause de vos plus profonds regrets que vous venez d'exprimer pour la première fois, quant au passé colonial de votre pays vis-à-vis du Congo. Mais ce qui m'enrage, vous n'avez pipé aucun regret pour le Burundi, comme si vous étiez des anges lors de votre passage de 1916 à 1962.
Ô roi Philippe, pendant ces 46 ans de mariage forcé, la Belgique a humilié mes ancêtres via la chicotte, les travaux forcés, et le lourd impôt qui les a fait fuir vers le Manamba. Et pas que cela, laissez-moi, sous votre respect, vous rafraîchir la mémoire.
Votre Majesté,
De un, le Burundi a été amputé de son territoire de Bugufi, que votre pays a attribué en 1921 aux Anglais qui géraient le Tanzanie, sans l'accord des Burundais auxquels le pays appartenait. Là, je parle de la convention Orts-Milner. Quelle insulte pour nous, ô roi de Belgique !
De deux, avec votre politique de « divide et impera », vous avez créé des clivages ethniques entre Hutu et Tutsi, alors que cela n'avait jamais été source de conflits dans le Burundi précolonial. Des maux à l'origine des violences cycliques à caractère politique qui ont endeuillé le Burundi pendant des années, et cela, jusqu'à aujourd'hui. Cela ne pèse-t-il pas sur votre conscience ?
De trois, entre 1959 et 1962, un millier d'enfants nés de pères belges et de mères burundaises, ont été séparés de leurs mères, et rapatriés en Belgique où ils y ont vécu la non-reconnaissance, la ségrégation et la perte d'identité. Un enlèvement forcé. Vous avez eu honte et présenté des excuses à ces enfants le 4 avril 2019. Pourquoi alors ne pas demander pardon aussi à leur pays ?
De quatre, alors que votre royaume et traditions demeurent encore, le Burundi n'a plus rien, car vous avez détruit nos traditions. Nous n'avons plus la fête de l'Umuganuro, plus de tambour royal Karyenda ou Semasaka qui auraient sans doute été de véritables patrimoines. Un peuple sans tradition est comme un peuple mort et sans repère, cela ne mérite pas un mea-culpa ?
De cinq, n'oubliez pas que mon pays vous prend comme véritable commanditaire de l'assassinat du Héros de l'indépendance. Rwagasore répondait aux aspirations profondes des Burundais. Depuis lors, mon pays est en train de battre de l'aile et de louvoyer dans son parcours à cause de vous.
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La liste est longue ô roi Philippe. Ainsi, voir la Belgique compatir pour la RDC, devrait être fait aussi pour le Burundi. En présentant vos regrets, mais aussi vos excuses et dédommagements, vous mettrez du baume au cœur des Burundais, ce qui les aidera à tourner la page, pour marquer le début d'un changement profond dans les relations entre nos deux pays.
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