Rwanda-Vatican. Pour la première fois dans l'Histoire de l'Eglise catholique , un "guérillero" est "créé" Cardinal et donc susceptible de devenir Pape
Le 25 octobre 2020, le Vatican a annoncé que le Pape François venait de créer 13 nouveaux cardinaux dont un rwandais, l'actuel Archevêque de Kigali Mgr Antoine Kambanda. La surprise passée, c'est la stupéfaction qui règne chez certains catholiques rwandais. Car en effet, avant d'être un prélat catholique, Antoine Kambanda fut "un combattant de l'ombre" de la rébellion tutsi du FPR qui attaqua le Rwanda à partir de l'Ouganda de 1990 à 1994 avant de se muer en militant de ce mouvement politico-militaire qui elle-même s'est muée en parti-état depuis sa prise du pouvoir en juillet 1994.
L'homme Antoine Kambanda
Antoine Kambanda, comme tous les autres jeunes tutsi qui ont conquis le pouvoir par les armes en 1994, a grandi et étudié en Ouganda. En 1987 à la création du FPR et quand la décision fut prise de conquérir le Rwanda, Kambanda était encore séminariste en formation en Ouganda. Voulant rejoindre les autres jeunes qui faisaient partie de l'Armée régulière de l'Ouganda et qui allaient être le fer de lance de cette conquête, il fut convenu qu'il devait rester dans les ordres car là aussi il pourrait servir efficacement la cause des conquérants.
Sans tarder, une occasion lui fut offerte. Dans le cadre des échanges interdiocésains, entre l'Eglise catholique du Rwanda et celle d'Ouganda, il fut parmi les premiers qui furent choisis pour aller poursuivre les études de théologie au Grand Séminaire de Nyakibanda au Rwanda. Il fut ordonné prêtre en septembre 1990 par le Pape Jean Paul II lors de sa visite au Rwanda du 15 au 17 septembre 1990, soit quelques jours avant l'invasion du Rwanda par le FPR. Dès le déclenchement de la guerre le 01 octobre 1990, les séminaristes et jeunes prêtres des diocèses des pays voisins qui se trouvaient au Rwanda (Burundi, Zaire, Ouganda, Tanzanie,…) demandèrent et reçurent l'autorisation de rejoindre leurs diocèses d'origine dans leurs pays respectifs.. Curieusement, le jeune Abbé Kambanda argua que ces parents étaient originaires du Diocèse de Kigali et demanda donc à ce qu'il soit incardiné dans ce Diocèse et donc de rester au Rwanda. L'Archevêché de Kigali en manque de vocations n'hésita pas une seconde et l'accueillit comme prêtre de ce diocèse.
Son parcours
Antoine Kambanda fut d'abord affecté à la paroisse rurale de Rutongo comme vicaire. C'était en pleine guerre. Ce que sa hiérarchie ne savait pas, c'est qu'il était chargé par le FPR de gérer et de veiller à son "Dump" dans lequel des armes et munitions devaient être stockées pour qu'au moment de fondre sur la Capitale Kigali, les combattants venus de la frontière avec l'Ouganda en simples paysans non armés puissent s'y ravitailler en armes et munitions et conquérir les positions autour de Kigali. Ayant accompli sa mission, Antoine Kambanda pouvait être muté n'importe où dans le Diocèse de Kigali tout en ayant un œil sur ses dépôts de Rutongo et Kabuye. Après la signature de l'Accord de Paix entre le FPR et le Rwanda en août 1993 et surtout après le positionnement des combattants du FPR dans et autour de Kigali, l'Abbé Kambanda pouvait être considéré comme ayant accompli sa mission au sein du FPR et méritait un repos et une récompense. C'est ainsi que peu avant l'assaut final d'avril 1994, l'Abbé Kambanda demandera et obtiendra d'être envoyé aux études de Théologie à Rome.
Signification de sa fulgurante ascension
Après la conquête de tout le pays par le FPR, l'Abbé Antoine Kambanda connaîtra une ascension fulgurante dans les rangs de l'Eglise catholique du Rwanda. De retour de Rome, il fut un petit moment professeur au Grand Séminaire de Nyakibanda avant d'être nommé Evêque du Diocèse de Kibungo en 2013. Sans tarder, il sera nommé Archevêque de Kigali donc Primat du Rwanda en 2018. Il monta sur le Siège de son prédécesseur et Supérieur Hiérarchique feu Mgr Vincent Nsengiyumva assassiné au grand jour par les combattants du FPR le 04 juin 1994 et toujours sans sépulture, tout comme trois autres Evêques assassinés en même temps que lui à Gakurazo près de Kabgayi. Et voilà que deux ans plus tard, il est "créé'' Cardinal.
Lors de son intronisation comme Archevêque de Kigali, le président Paul Kagame avait évoqué, de façon sibylline, leur passé commun. Mais les auditeurs non avertis n'ont rien saisi. Il a en effet dit en s'adressant au nouvel Archevêque et Primat du Rwanda : "Qui aurait pensé que tu serais le Chef de l'Eglise Catholique au moment où moi je suis le Chef politique du même pays"? Ceci pour dire qu'ils s'étaient partagés les tâches quand ils étaient en Ouganda, et que chacun avait atteint son objectif.
Inquiétudes et mauvais précédent
Que le Vatican pratique la Realpolitik dans la nomination des Evêques et Cardinaux dans le sens des autorités politiques en place dans un pays donné, ceci est trop connu. Mais qu'il aille jusqu'à promouvoir les combattants et les extrémistes proposés par des régimes dictatoriaux au moment où les fidèles catholiques pleurent tous les jours des affres de cette dictature (assassinat de Kizito Mihigo,…), cela dépasse tout entendement et l'Eglise Universelle n'en sort pas grandie, surtout pas au Rwanda et dans la région des Grands Lacs longtemps meurtrie.
Plus grave, c'est un mauvais signal donné aux ecclésiastiques ambitieux mais sans foi ni loi pour pactiser avec les forces du mal qui animent les dictatures chez eux, pour pouvoir être promus par le Vatican.
Vous avez dit "l'Eglise Catholique en crise morale"? Le cas Antoine Kambanda au Rwanda en est une éclatante illustration.
Jean-Charles Murego
Posted by: Nzi Nink <nzinink@yahoo.com>
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