Rwanda : The untold story – Le témoignage qui éveille les consciences
Publié : le 5 octobre 2014 à 23:05 | Par Aloys Twagirayezu | Catégorie: A la une, OpinionArticle d'opinion soumis par Aloys Twagirayezu
Alors que les débats vont bon train sur les réseaux sociaux, spécialement sur le réseau social Twitter, suite à la diffusion par la chaîne britannique BBC Two du documentaire Rwanda : The Untold story, ce 1er octobre, 24 ans, jour pour jour, après l'attaque du Rwanda par le Front Patriotique Rwandais (FPR) en provenance de l'Ouganda, un témoignage interpelle particulièrement.
En effet, entre les déclarations, les affirmations et les allégations par les différents intervenants mettant en cause la version officielle propagée par le régime de Kigali sur la vérité de ce qui s'est passé en 1994 au Rwanda, un témoignage semble susciter aucune remise en cause. Il est même sciemment évité lorsque soulevé dans les débats sur le documentaire.
Ce témoignage est celui de Marie, jeune belgo-rwandaise, rescapée des massacres commis contre les réfugiés rwandais, en majorité hutus, en République Démocratique du Congo de 1996 à 1998, et contre le peuple congolais, par l'Armée Patriotique Rwandaise(APR) et son chef, l'actuel président du Rwanda, Paul Kagame.
Petit retour dans l'histoire, les camps qui abritaient plus de deux millions de réfugiés rwandais à l'Est de la République Démocratique du Congo furent attaqués par l'APR dès le mois d'octobre 1996 marquant le début de la guerre au Congo. C'est cette guerre, qui allait causer la mort de plus de 5 millions de Rwandais et Congolais et le déplacement de centaines de milliers d'autres.
Pour revenir à Marie, elle était jeune mineure à l'époque et a été témoin privilégié de la barbarie dont ont fait preuve les soldats de l'APR et leurs alliés dans leur projet d'exterminer les réfugiés rwandais hutus.
« Il fallait tuer le plus grand nombre possible de réfugiés hutus …et on les tuait parce qu'ils étaient nombreux. »
« Je ne peux pas expliquer de voir des enfants mourir comme des mouches. Un jour, je me suis assise à côté de deux enfants morts. Je me sentais rien. Je me sentais morte avec eux dans la forêt. » déclare-t-elle.
Plus loin elle dit encore « On tuait partout les réfugiés et on les tuait systématiquement…. » Et ajoute, « il fallait tuer le plus grand nombre possible de réfugiés hutus …et on les tuait parce qu'ils étaient nombreux. »
Le documentaire « Kisangani Diary » ainsi que le Mapping report du Haut-Commissariat pour les droits de l'Homme des Nations Unies parlent sans équivoque de ces atrocités. Le mapping report publié le 01 octobre 2010, parle de plusieurs attaques généralisées et systématiques contre des populations civiles. Attaques qui pourraient être qualifiées de crimes contre l'humanité voire de génocide par un tribunal compétent selon les enquêteurs onusiens.
La question qui surgit est celle de savoir comment il est possible que la Communauté Internationale, au su de ce rapport, n'a jamais demandé plus d'éclaircissements et d'investigations par rapports à ces crimes ? Et même lorsque les réfugiés de retour au Rwanda sont massacrés à Kibeho sous le nez des forces des Nations-Unies, personne ne s'interroge.
C'est avec des larmes aux yeux que Marie dit tristement : « C'était l'apocalypse. C'était la fin du monde. Un jour je me suis demandée : si la Communauté Internationale existe, pourquoi sommes-nous en train de mourir comme ça sans aucune aide ? »
(…) aucune place n'a été accordée, par les médias ni les politiques d'ailleurs, aux victimes des atrocités commises par l'APR.
Au vu ces éléments, il est légitime de se poser les questions suivantes : serait-il possible qu'un complot général envers les réfugiés rwandais ait été organisé empêchant toute personne de dénoncer l'impardonnable ? Quel rôle ont joué les médias dans la diffusion de l'information et la création de l'opinion publique quant à cette situation ?
Durant ces vingt dernières années, plusieurs interviews des rescapés du génocide des Tutsis ont paru. Aussi il y a eu plusieurs reportages ainsi que des œuvres filmographiques réalisés par certains journalistes et réalisateurs soucieux de faire connaître, les souffrances de ces victimes. Malheureusement, il y a également certains médias, journalistes qui sont allés trop loin, en épousant carrément la stratégie du régime en place pour étouffer l'existence d'autres victimes.
Force est de constater que jusqu'au jour du 1er octobre 2014, aucune place n'a été accordée, par les médias ni les politiques d'ailleurs, aux victimes des atrocités commises par l'APR. Cette guerre du Congo n'a jamais reçu un traitement adéquat dans les médias. Au vu de l'ampleur de la catastrophe – certaines sources évoquant même plus de 10 millions de victimes directes et indirectes de cette guerre et celles qui l'ont suivi jusqu'à ce jour – il n'est pas dénoué de sens de penser que dans l'absolu cette catastrophe aurait pu et dû avoir une couverture médiatique au moins équivalente à celle de la crise du Darfour ou à l'actuelle guerre en Syrie.
Et pourtant, les rescapés de ces actes ne manquent pas. Plusieurs pays partout dans le monde les ont accueillis. Certains d'entre eux ont même essayé d'élever la voix, soit par le biais de livres biographiques, soit à l'occasion de commémorations organisées par certaines associations à l'instar de Jambo asbl qui a rappelé lors de sa commémoration du 26 avril 2014 l'importance de la reconnaissance de toutes les victimes du conflit rwandais dans le processus de réconciliation et le danger de l'utilisation de la souffrance des victimes du génocide des Tutsi à des fins politiques par le régime actuel.
Un triste schéma ne cesse de se produire qui veut que la seule vérité soit celle prônée par les vainqueurs. Pourtant, il est communément accepté qu'il y a toujours deux faces dans chaque histoire et un bon journaliste ou toute autre personne voulant réellement contribuer durablement doit garder ça en tête et entreprendre sa démarche dans cette optique pour arriver à faire une synthèse, la plus complète possible, pouvant aider pour des pistes de réflexion. Or, il y a comme l'impression que certains préfèrent regarder à côté lorsqu'il s'agit de l'autre version de la tragique histoire rwandaise.
Le documentaire de la BBC a tenté de mettre en lumière cette deuxième face de l'histoire du Rwanda et malgré les reproches, fondés ou non, des partisans du régime de Kigali, personne ne pourra prétendre que le témoignage de Marie est faux.
C'est de cette vérité indéniable qu'il est question de mettre en avant dans cet article d'opinion et c'est à partir de cette vérité même que justice doit être demandée et rendue. Les responsables de ces crimes commis envers les réfugiés rwandais hutus et les Congolais depuis 1996 doivent répondre de leurs actes.
L'heure au véritable processus de réconciliation de tous les Rwandais devrait sonner. Le moment d'écouter les souffrances des uns et des autres est vraisemblablement arrivé. Vingt-quatre ans après l'attaque du Rwanda par le FPR, vingt ans après le génocide des Tutsi et dix-huit ans après la destruction des camps des réfugiés rwandais au Congo et la chasse à l'homme dans les forêts congolaises.
Les Rwandais ont plus que jamais besoin de panser les blessures et d'aller véritablement de l'avant ensemble comme un seul peuple.
Vidéo du reportage Rwanda's Untold Story
Rwanda's Untold Story Documentary from RDI-Rwanda Rwiza on Vimeo.
Posted by: Nzinink <nzinink@yahoo.com>
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