CONSEIL NATIONAL POUR LE CHANGEMENT DÉMOCRATIQUE
(CNCD)
NATIONAL COUNCIL FOR DEMOCRATIC CHANGE
I- PRÉSENTATION DU CNCD
Le 02 mars 2013, quatre organisations politiques de lâopposition démocratique rwandaise, à savoir le CNR-INTWARI, les FDU-INKINGI, lâODR-DUFATANYE et lâUFDR-IHAMYE, ont décidé dâunir leurs forces pour mettre un terme à la souffrance du peuple rwandais et pour Åuvrer au rétablissement de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans lâensemble de la région des Grands Lacs. Ils ont à cet effet créé une structure dâaction commune dénommée « Conseil National pour le Changement Démocratique » (CNCD en sigle).
1.1. Pourquoi le CNCD ?
1- Depuis le règne de la monarchie absolue qui a présidé aux destinées du pays pendant plus de 4 siècles et la gouvernance républicaine qui fête aujourdâhui son jubilé d âargent, le Rwanda est toujours en quête dâun régime démocratique ouvert à tous, sain et stable. Bien que les fondateurs de la République Rwandaise avaient posé les jalons dâune véritable démocratie, les résultats escomptés nâont pas été atteints. Force est de constater que les pionniers de la démocratie, confrontés aux menaces des guerres incessantes des nostalgiques du pouvoir monarchique, qui tentaient de reconquérir le pouvoir par la force, nâont pas pu faire des choix judicieux qui sâimposaient pour conserver les acquis démocratiques. La crainte permanente du retour de la monarchie a fini par créer en eux un instinct aveugle de protection à outrance. Ils ont finalement basculé dans des systèmes de gouvernance à partis politiques uniques qui ne toléraient aucunement lâémergence dâune réelle force politique dâopposition.
Avec lâ lâinvasion du Rwanda par le Front Patriotique Rwandais (FPR), le 1er octobre 1990, le pays est tombé de Charybde en Scylla et, depuis, le peuple rwandais est plongé dans une tragédie sans fin. Le point de non retour de cette tragédie reste sans conteste le génocide rwandais. Dâautres crimes de sang systématiques et à grande échelle ont été commis dans la foulée et ont même traversé les frontières nationales. Des études sérieuses nâont pas hésité à les qualifier dâactes de génocide.
Aujourdâhui encore, le calvaire continue, avec son lot quotidien de morts victimes dâune armée qui considère le peuple rwandais dans sa globalité comme lâennemi à abattre ; des emprisonnements arbitraires se poursuivent ; la marginalisation dâun pan entier de la communauté nationale et son exclusion de la gestion du pays sont devenues lâobjectif du régime. Ainsi, le désespoir et le fatalisme se sont-ils installés dans la société rwandaise.
Nous sommes en face dâun régime oligarchique aux allures féodo-monarchiques et impériales. Un pouvoir qui sâappuie sur des institutions républicaines de façade, servant seulement dâappâts pour sâattirer des sympathies extérieures et tromper lâopinion internationale, tout en excluant et en phagocytant toute participation citoyenne à la gestion du pays. Le Rwanda est devenu une vache grasse dont profite la dictature oligo-politico-militaire qui sâen sert comme plaque tournante pour une mafia internationale spécialisée dans le trafic des minerais de sang. Un régime machiavélique bâti sur le mensonge dâEtat, la haine et la division.
La voie de l'efficacité contre le régime criminel au pouvoir au Rwanda depuis 1994 ne peut donc pas être celle du fractionnisme et du divisionnisme, mais bien celle du bloc compact, du rassemblement et de la conjugaison des efforts, des intelligences et des moyens autour dâune plateforme politique véritablement engagée dans la défense des intérêts communs et bien compris du peuple rwandais. Se précipiter pour récupérer le pouvoir sans vision et sans lecture géopolitique correcte de lâhistoire de notre pays pour en faire seulement un instrument vindicatif de répression, de non tolérance et de domination ethnique serait catastrophique et conduirait notre pays au suicide collectif.
Avec peu de moyens, lâopposition peut beaucoup à la seule condition de les réunir tous pour un seul objectif prioritaire : conduire et imposer le changement intégral au régime du FPR.
2. Le régime en place est un régime militaro-affairiste. Le FPR détient tout le monopole politique, économique, législatif, judiciaire et militaire qui lui permet dâexercer un contrôle total sur un peuple anéanti et meurtri. Le pays est pris en otage par des gangsters sans scrupules, déguisés en politiciens, au service dâintérêts mercantiles nébuleux, et qui utilisent la souveraineté nationale pour le blanchiment dâargent noir et ou de sang.
Le régime du FPR menace la vie des citoyens au lieu de les protéger. Lâabsence totale de volonté d'initier un processus démocratique, de sortir des tranchées et d'ouvrir un débat politique ainsi que lâimpuissance, voire l'inaptitude de l'Etat rwandais à préserver et à protéger les droits et les intérêts légitimes du peuple rwandais sont des faits avérés.
Le Président Paul Kagame et ses proches considèrent le pouvoir comme une jouissance personnelle et non un service au peuple. Dès lors ils y voient une sorte de récompense des efforts consentis pour le conquérir. Faute de volonté politique réelle de servir le bien commun, ils ont toujours recherché la gloire personnelle dans l'effondrement complet du vaincu. Ce pouvoir du vainqueur croit tirer sa légitimité du génocide rwandais, utilisé à tort et à travers comme un fond de commerce et dont pourtant la responsabilité du président Kagame et de sa clique se trouve fortement engagée.
Les mêmes causes engendrant les mêmes effets «ce n'est pas avec ceux qui ont créé des problèmes qu'il faut espérer les résoudre ou s'attendre à un résultat différent». Aujourdâhui le risque dâimplosion du pays est grand si dâores et déjà rien n'est fait pour préparer et asseoir le changement démocratique inéluctable attendu.
1.2. Quâest-ce que le CNCD ?
Le CNCD est une réponse à la problématique de la multiplicité des organisations politiques qui pousse vers la fragmentation des efforts et qui vient le plus souvent d'un déficit d'innovation organisationnelle et de la faillite politique ainsi que des effets d'annonce qui font naître dans l'opinion publique des attentes illusoires, dâenchantement et de désenchantement. L'intégration des efforts constitue un des facteurs du succès de l'innovation organisationnelle que le CNCD entend développer et implanter pour son entrée dans le paysage politique rwandais.
A cet effet, le CNCD se veut un lieu de convergence et de concertations nationales des forces vives sur la nécessité de sauver la nation rwandaise victime d'une dictature militaro-affairiste et criminelle du FPR et de trouver des solutions définitives pour une transition calme et apaisée.
Lâobjectif du CNCD est dâamener les acteurs politiques et de la société civile à décider ensemble de leurs orientations pour ensuite mettre en commun leurs énergies, actions nécessaires au changement collectif espéré (projet commun), se l'approprier et s'en sentir parfaitement responsables.
C'est pour cette raison que les forces démocratiques regroupées au sein du CNCD ont choisi le terme «Conseil». Celui-ci n'est ni un dogme, ni une idéologie ni un système. C'est un espace commun de liberté et d'une réflexion globale plus complète et poussée. Câest le symbole de l'ensemble, du cercle vertueux du changement avec tous les acteurs concernés. Câest le symbole de l'écoute, d'égalité, d'une culture démocratique du débat, du respect des règles du jeu démocratique, de participation vraie et significative, d'approbation commune de décisions très importantes qui affectent ou engagent la vie des hommes et des femmes qui le composent. Ce symbole contribue à la prise de conscience d'une volonté d'approfondir et d'enrichir la démocratie.
À l'inverse d'une pensée unique, le CNCD reconnaît la lumière qui jaillit du choc des idées et donc lâimpossibilité à un seul parti politique dâaccéder et de gérer démocratiquement le pouvoir dâEtat dans notre pays. Une démocratie vivante a un grand besoin de partis politiques. Garants de la défense d'idées et de principes, ces partis permettent de catalyser les grands courants d'opinion et d'ainsi mobiliser la population pour réaliser les objectifs fixés par les pouvoirs publics.
Lâeffort de rassemblement des partis politiques sâavère être une voie obligée, indispensable et adaptée à la complexité du contexte politique rwandais et aux défis spécifiques que le CNCD doit relever.
Câest pourquoi le CNCD suggère l'organisation des états généraux de l'opposition pour le changement démocratique afin de permettre aux différents partis et organisations politiques dâharmoniser leurs vues dans la perspective d'un dialogue inter-rwandais hautement inclusif à venir et pour articuler une communication politique plus efficace et efficiente afin de provoquer l'adhésion de tous ceux qui sont appelés à les écouter.
Le CNCD veut constituer une base d'appui très représentative, forte et nécessaire des acteurs qui cherchent à mailler leurs actions pour mobiliser bien au delà des frontières organisationnelles et augmenter leur potentiel à produire des changements complexes au Rwanda. Dans ce contexte, le CNCD se positionne comme lâalternative au régime du FPR en place depuis 1994.
Plus qu'un Front commun des forces démocratiques pour le changement (FDC), une plate-forme, une alliance, une ligue et un forum des partis politiques, lâambition du CNCD est de rassembler une plus grande diversité d'acteurs du changement démocratique à l'intérieur et l'extérieur du Rwanda afin de valoriser l'ensemble de leurs apports spécifiques et de les mettre à contribution pour dégager les perspectives allant au-delà des apports individuels.
1.3 Notre vision partagée du changement démocratique
Le CNCD vise une démocratie synonyme de paix, dâune république pérenne, de développement économique, social et culturel.
Sa lutte est dâimplanter une démocratie fondée sur des valeurs communes à tout le peuple rwandais, indépendamment des différences culturelles, politiques, sociales et économiques. Il se bat pour une démocratie exercée dans des conditions de liberté, dâégalité, de transparence et de responsabilité; une démocratie qui respecte la pluralité des opinions ; une démocratie qui assure la primauté du droit et de lâexercice du droit de la personne, une démocratie où «Nul nâest au-dessus de la loi et où tous les citoyens sont égaux devant elle».
Pour ce faire, le CNCD ambitionne de créer un cercle vertueux du changement avec tous les acteurs concernés pour initier, édifier et consolider au Rwanda une culture du débat démocratique, vecteur de changement; pour sauvegarder la diversité, le pluralisme et le droit à la différence dans un climat de tolérance garanti par un nouveau contrat social où, «lâinsurrection est pour le peuple le plus indispensable des devoirs quand le Gouvernement viole les droits du peuple».
Concrètement, la démarche politique du CNCD et le comportement politique qui en découle est celui d'imprimer de nouvelles habitudes démocratiques dans l'espace politique et culturel rwandais, dâintégrer les comportements nouveaux et de faire en sorte qu'ils perdurent et deviennent une nouvelle habitude.
Ainsi, la démocratie que nous voulons au Rwanda a besoin dâhommes et de femmes qui, en la vivant en eux, la font vivre pour tous comme une conséquence d'un état d'esprit de service, et non des règlements et des lois à observer. Elle nécessite lâégalité entre hommes et femmes aptes à sâenrichir de leurs différences, conscients de leurs droits et de leurs responsabilités pour les générations présentes et futures, mus dans leur action politique par la libre concurrence politique pour le pouvoir (accession, exercice et alternance) émanant dâune participation populaire ouverte, libre et non discriminatoire.
Cela exige des hommes et des femmes politiques compétents et dévoués, prompts à servir le bien commun et à être au service de la démocratie pour l'impulser, lâaffermir, lâaffiner, lâaméliorer et la faire progresser dans l'intérêt supérieur des générations actuelles et futures de la nation rwandaise sous la protection d'un Etat de droit de nature à refonder au Rwanda. Pour initier et consolider la culture du débat démocratique qui fait défaut aujourd'hui au Rwanda, le CNCD entend être un Conseil National pour la Culture du Débat Démocratique. A cet égard, et afin de contribuer à l'avènement d'une société démocratique rwandaise, le CNCD entend innover une gamme diverse de «solutions» autour de quatre axes :
1. Sauver la nation rwandaise victime des apparences et des aventures politiques de toutes sortes. Il faut renouer avec les profondes racines historiques de notre identité nationale en valorisant ce qui est précieux dans notre culture, faire que ce qui est nôtre soit à nous. Lutter pour que le Rwanda redevienne lui-même au-delà des divisions séculaires aliénantes du passé.
2. Poser les jalons de la Troisième République par la mise en place dâun gouvernement transitoire chargé de résoudre pendant une période limitée toute les questions urgentes et pertinentes préalables aux élections libres et démocratiques qui mettront en place les autorités élues devant conduire le pays.
3. Profiter de la position stratégique du Rwanda au Centre de lâAfrique pour maintenir les acquis de lâappartenance à la communauté économique de lâEst et de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) en favorisant la libre circulation des personnes et des biens ainsi que le droit dâétablissement.
4. Participer activement et collaborer avec la Communauté Internationale au rétablissement de la paix nationale et régionale dans le strict respect mutuel des frontières nationales et de la souveraineté des pays voisins.
II- LA MISE EN ÅUVRE DU CHANGEMENT
La mise en Åuvre du changement démocratique préconisé par le CNCD comprend deuxétapes complémentaires :
A. Dialogue entre le pouvoir actuel et lâopposition armée et non armée
Faire la guerre pour faire le bien (démocratie et droits de lâhomme) draine quantité de questions sur les objectifs et les moyens pour les atteindre : un ordre juste ne saurait être instauré par des moyens militaires. La guerre crée plus de méchants qu'elle n'en supprime. La solution est à rechercher dans les instruments politiques si lâobjectif réel est de reconstruire la capacité de lâÃtat. Les expériences passées ont montré quâon ne sait pas faire émerger un pouvoir légitime au lendemain dâune crise aussi profonde.
Il importe que le peuple rwandais et la Communauté Internationale, lâONU en tête, mène une action synergique visant à faire pression sur le Président rwandais afin de le contraindre à accepter les négociations de paix entre le régime et ses opposants.
La communauté internationale doit adopter dâune manière contraignante les mesures suivantes :
· Imposer un embargo total sur la livraison des armes au Rwanda.
· Geler les avoirs à lâétranger de Paul Kagame et de son entourage.
· Refuser les visas de voyage à lâétranger à Paul Kagame et à son entourage.
· Suspendre toute aide de fonctionnement du gouvernement rwandais aussi bien bilatérale que multilatérale.
· Faciliter la tenue dâun dialogue inter-rwandais franc et hautement inclusif.
B. Période de transition politique sur base de l'amendement des Accords de Paix d'Arusha.
Le CNCD a la ferme conviction que lâamendement et la mise à jour des accords dâArusha demeurent un cadre privilégié de référence et de négociations fiables pour lâavenir de notre pays.
Le CNCD estime que pour passer de la tyrannie à la démocratie, dans un pays aussi éprouvé que le Rwanda, une période transitoire est nécessaire pour panser les plaies encore ouvertes, réhabiliter les consciences et les sentiments grâce à une pédagogie de réhabilitation appropriée. Pour ce faire, il faut, en premier lieu, mettre fin au fléau actuel.
Il est donc impératif de mettre en place des institutions de transition, dont un gouvernement de transition pour une durée à convenir, et dont les membres seront des personnalités issues de la mouvance du régime actuel, des organisations politiques de lâopposition, ainsi que des autres forces sociales, notamment les associations de la société civile de lâintérieur et de lâextérieur nâayant pas trempé dans des crimes de sang, de corruption et de blanchiment dâargent sale.
La mission de ces institutions de transition sera notamment de :
· Prendre toutes les mesures urgentes dâIntégration nationale
· Implanter une gouvernance démocratique
· Préparer et organiser le Dialogue inter-rwandais hautement inclusif et indépendant.
· Préparer une nouvelle constitution
· Préparer les élections législatives et présidentielles
Fait à Martigny, le 07 août 2013
Pour le CNCD
Général HABYARIMANA Emmanuel
Président