Ghana: John Mahama remporte la présidentielle, le candidat du parti au pouvoir reconnaît sa défaite
Le vice-président ghanéen Mahamudu Bawumia, candidat du Nouveau parti patriotique (NPP) au pouvoir, a déclaré, dimanche 8 décembre, qu'il reconnaissait sa défaite lors de l'élection présidentielle de la veille, précisant qu'il avait appelé son adversaire John Mahama pour le féliciter. L'annonce a été faite avant la publication officielle des résultats par la commission électorale. « Le peuple ghanéen s'est exprimé, il a voté pour le changement et nous le respectons en toute humilité », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, dans la matinée de ce dimanche 8 décembre, à Accra, la capitale.
« Mesdames et messieurs des médias, Ghanéens ici et à l'étranger, laissez-moi vous dire que, d'après les chiffres issus de nos propres compilations, l'ancien président, son excellence John Dramani Mahama, a remporté l'élection de manière indiscutable. Je viens de l'appeler pour le féliciter en tant que président élu de la République du Ghana. Je reconnais ma défaite avant la publication des résultats officiels par la commission électorale, pour éviter tout risque de tensions et préserver la paix de notre pays », a encore souligné Mahamudu Bawumia.
Ambiance de fête
Suite à cette annonce, John Dramani Mahama était attendu au siège du Congrès national démocratique (NDC) où se trouvait notre envoyée spéciale à Accra, Bineta Diagne, entourée de militants qui célébraient la victoire dans l'attente de la première prise de parole de leur leader. Ici, la déclaration de Mahamudu Bawumia a détendu l'atmosphère : les gens chantent, dansent et ne cachent pas leur joie. « On fait la fête ! Le NDC a remporté la présidentielle, notre parti va être au pouvoir. Mahama a gagné ! », lance ainsi une sympathisante du président élu tandis qu'une autre se dit « très contente » : « la crise est dure mais John Dramani Mahama va tout changer, on veut un meilleur Ghana », affirme-t-elle enthousiaste.
Pour d'autres, la victoire de John Mahama fait renaître un certain espoir après plusieurs années de crise économique. « On a souffert de la corruption. Ces huit dernières années, rien n'a fonctionné correctement au Ghana, explique Gideon. Alors aujourd'hui, on vit notre deuxième indépendance : on va tout remettre à plat, on va se libérer de toutes les entraves qui existaient jusqu'ici. Je suis tellement content ! », reprend celui-ci.
Beaucoup affirment en effet avoir choisi John Mahama en raison de la mauvaise gestion de la crise économique qui touche, selon eux, le pays, une thématique qui a dominé toute la campagne électorale. Premier producteur d'or d'Afrique et deuxième producteur de cacao mondial, le Ghana est confronté à une inflation et à un endettement élevés, si bien qu'il a dû recourir à un prêt de trois milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI).
Les Ghanéens ont parlé. Les Ghanéens ont fait leur choix. À travers ce vote, les Ghanéens expriment leur souffrance, l'économie… le prix de l'essence est élevé, l'électricité est chère... Nous ne voulons pas de la digitalisation de l'économie comme le propose Bawumia, mais notre liberté.
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Microtrottoir / Les Ghanéens expriment à la fois leur joie et leur soulagement.
Bineta DiagneMettant fin à toute éventuelle polémique sur les résultats, l'appel privé du vice-président Mahamudu Bawumia à son adversaire pour concéder sa défaite suscite aussi de nombreux commentaires chez les vainqueurs et, plus globalement, chez tous les Ghanéens, fiers du visage exemplaire ainsi affiché par la démocratie ghanéenne.
« Je suis fier de l'état de la démocratie dans mon pays », affirme ainsi Andrew, un militant du NDC. « Depuis 1992, nous sommes habitués aux alternances : on fait nos choix grâce aux urnes. Tous les 8 ans, nous changeons de gouvernement », renchérit un autre individu tandis qu'un troisième se félicite que « Nana Akufo-Addo, le président sortant, n'ait jamais osé postuler à un troisième mandat », un comportement qu'il attribue au caractère sacré de la Constitution dans le pays : « La Constitution est suprême au Ghana, les Ghanéens la place au-dessus de tout, on la chérit. Voilà pourquoi, on ne permettrait à personne de la violer ! », explique encore celui-ci. Un homme un peu plus jeune confie quant à lui son espoir que « ce qui arrive ici puisse aussi se produire dans d'autres pays du continent. Tous doivent observer ce qui se passe au Ghana », lance-t-il.
Ambiance plutôt morose au siège du NPP
Notre correspondant Victor Cariou était, quant à lui, au siège du NPP, également à Accra où ont réagi les partisans du vice-président sortant. Ici aussi, globalement, on salue son annonce. Matthew Bonsrah, un chauffeur de 33 ans qui soutient Mahamudu Bawumia, a notamment confié à RFI que « c'était la meilleure chose à faire dans ces conditions. Ce résultat me rend triste compte tenu de tout ce que notre gouvernement a mis en place, mais les Ghanéens ont choisi que c'était au tour du NDC de gouverner, alors il faut l'accepter », affirme-t-il.
Pour la ministre de l'Information sortante, Fatimatu Abubakar, son fair-play est même un message envoyé non seulement aux Ghanéens, mais aussi à tous les chefs d'Etat du continent. « Je pense que cela inspirera les dirigeants des autres pays africains en montrant qu'après avoir effectué son mandat, il faut quitter le pouvoir et permettre à d'autres personnes d'y accéder. Si vous perdez, soyez magnanime. Si vous perdez, reconnaissez votre défaite et permettez à votre pays de se soigner : passez à autre chose ! », a-t-elle déclaré au micro de Victor Cariou.
Le message de ce discours, c'est : «Regardez notre pays, quand il s'agit de démocratie, nous continuerons de montrer l'exemple sur le continent africain !»
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Fatimatu Abubakar, ministre sortante de l'Information
Si tous reconnaissent que cette annonce rapide permet de garantir la paix dans le pays, certains estiment toutefois que le vice-président aurait pu attendre encore un peu pour reconnaître sa défaite, jusqu'à disposer au moins de quelques résultats publiés par la commission électorale par exemple. Et comme après une défaite, l'ambiance était plutôt morose. Beaucoup de personnes disent notamment ne pas vouloir s'exprimer car trop triste. L'expression « faire le deuil » a même été utilisée.
Plus que triste ou déçu, Denis Adjeku, l'un des nombreux organisateurs locaux du NPP, est lui en colère face à cette défaite de son camp qu'il attribue à une campagne « raté ». « L'argent qui aurait du être donné à certains pour faire une bonne campagne a été donné à d'autres. Les militants de terrain ont été ignorés », s'agace-t-il.
A la question de quelle sera la suite pour le Nouveau parti patriotique et ses supporters, un autre des coordinateurs locaux du NPP répond ne pas savoir, que de nombreuses promesses ont été faites, et qu'il faut maintenant attendre de recevoir les directives. Certains ont dit s'accrocher, déjà, à l'espoir d'une éventuelle victoire lors de la prochaine élection présidentielle, en 2028.
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