Introduction
Depuis la conquête du Rwanda par les éléments tutsi de l'armée de l'Ouganda en 1994 après près de quatre ans de guerre meurtrière, les nouveaux maîtres du pays ont instauré un régime atypique dont l'étude de certaines de ses caractéristiques n'est pas sans intérêt.
D'un côté, le groupe tutsi ayant désormais le pouvoir politique absolue au Rwanda entendait aussi dominer tous les autres secteurs essentiels de la vie nationale : défense et sécurité, système judicaire, économie, éducation … Mais d'un autre côté, cette clique venue d'Ouganda avaient besoin de bras ne fut ce que pour faire marcher un tant soit peu ces secteurs. Pour concilier ses exigences mais aussi pour donner le change à l'opinion internationale que le vainqueur tutsi a eu l'amabilité d'associer le Hutu vaincu à la gestion du pays, certains Hutu seront associés symboliquement, mais de façon ostentatoire, au pouvoir.
Outre l'aspect médiatique et propagandiste de cette association des Hutu au pouvoir, plus grave et plus cynique est son côté politique et social. Le régime tutsi entendait en effet user de cette association de quelques Hutu au pouvoir pour expérimenter et implémenter la politique de déshumaniser tout Hutu par l'humiliation et par l'auto culpabilisation et la culpabilisation collective de la communauté hutu.
Ces cobayes hutu, généralement appelés « Hutu de service », doivent rivaliser de zèle pour :
- Adorer leurs maîtres tutsi ;
- Dans la campagne de culpabilisation collective de la communauté hutu ;
- Dans l'auto-flagellation.
Tout le long du règne de la clique tutsi de Paul Kagamé depuis 1994, cette campagne a toujours été entretenue sous diverses formes et dans divers occasions. Le paroxysme a été atteint en cette année 2016 comme nous allons le voir.
Voici un florilège des cas illustratifs de la dérive des « Hutu de service » :
Cet homme fut longtemps ministre soi-disant pour le compte de son petit parti : le Parti Socialiste Islamique (PSI). Il a commencé à étonner quand, en préparation d'une des simulacres d'élections que le régime organise, il a juré que son parti ne peut jamais oser présenter un candidat contre Paul Kagame.
L'on se souviendra ensuite que c'est le même Fazil Harelimana qui a lancé pour la première fois l'idée de collecter des pétitions en vue d'un référendum devant permettre à Paul Kagamé de rester président tant qu'il voudra. Il avait alors avancé l'argument comme quoi Paul Kagame avait acquis le Statut de « Baba wa Taifa » ce qui veut dire « Père de la Nation » en langue swahili et que donc les élections ne le concernaient pas.
Ce « Hutu de service » d'un genre particulier étant donné son appartenance religieuse, n'est plus ministre, non pas qu'il fut remplacé mais parce que son département (Sécurité Nationale ayant en charge les prisons…) a été rattaché aux autres et donc a disparu. On entendra donc sûrement encore parler de lui.
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- Jean Philibert Nsengimana
Ce jeune homme d'une quarantaine d'années dont plus de cinq comme ministre de Paul Kagamé semble être le plus gravement atteint par cette campagne de déshumanisation et de chosification des jeunes cadres hutus. C'est en effet une cible vulnérable et symbolique du régime tutsi. Son père Joseph Bugingo, fut Bourgemestre de la Commune Gisovu à Kibuye de1976 à 1992. Il fut caractérisé par son humanité, son souci du bien-être et du développement de ses administrés sans distinction tout au long de son mandat à la tête de cette commune rurale.
Après la conquête du Rwanda par les éléments tutsi de l'armée de l'Ouganda, Joseph Bugingo, tout comme d'autres anciens bourgmestres qui n'ont pas pu fuir ou qui ont été ramenés de force fut jetés en prison. Aucun crime ne lui était reproché sauf le fait d'avoir été bourgmestre sous le régime Habyarimana. Hélas !, il mourra en détention au moment même ou son fils Jean Philibert Nsengimana était fait « ministre ». Ce dernier reçut alors consigne de ses maîtres de condamner publiquement son défunt père et de regretter d'être né de lui.
Et au passage, il loue l'action des conquérants tutsi qui, selon lui, l'ont libéré en emprisonnant à mort son papa et en même temps en le faisant, lui J Philibert Nsengimana, « ministre ». C'est le discours qu'il tient partout où il se rend dans les coins du pays surtout quand il doit y rencontrer des jeunes. Rien de pire que cela comme humiliation et déshumanisation.
Il est le plus rotors mais aussi le plus farfelu de ces « Hutu de service ». Ce jeune homme avait volé au secours de la victoire des éléments tutsi de l'armée de l'Ouganda qui venaient de conquérir le Rwanda en 1994. Il y resta jusqu'à la déconvenue de son mentor d'alors Faustin Twagiramungu de 2003.
Evode Uwizeyimana se retrouvera alors au Canada d'où il poursuivit des études de Droit. Il se rendra surtout célèbre dans ses interventions sur les grandes radios du monde comme BBC ou VOA comme consultant et commentateur en matière judiciaire. Sa dernière action en exil fut la mise sur pied d'un comité (club) du tout nouveau parti de Faustin Twagiramungu au Canada : le « Rwanda Dream Initiative (RDI) ».
On retrouvera ensuite sa trace à Kigali faisant allégeance à ceux qu'il appelait sur les ondes de la BBC : « des bandits armés s'étant emparés du pays » en justifiant cette volte-face par son retard à l'allumage (compréhension de la réalité). Vulnérable qu'il était, après une brouille familiale, le FPR n'a pas fait d'efforts pour le repérer et le classer dans une catégorie bien définie.
Moins de deux ans après son retour, il vient d'entrer au gouvernement comme « Secrétaire d'Etat ». L'occasion pour monter qu'il est véritablement dans la peau d'un « Hutu de service » comme souhaité par ses maîtres lui fut donnée lors de la dernière réunion dite « Dialogue national » Umushyikirano. L'Evêque de Byumba, Monseigneur Servilien Nzakamwita, a attiré l'attention de l'assistance sur la problématique de la cellule familiale rwandaise afin de trouver des voies et moyens pour maintenir sa cohésion, ce qui constitue aussi un des volets de la sécurité dans toute société. C'est alors que le bouillant et imprévisible Evode Uwizeyimana s'est levé pour asséner à Monseigneur Servilien Nzakamwita qu'il ne devrait pas parler de famille car il n'en avait pas fondé ! Il ne saurait donc rien des problèmes des couples en famille.
A cette sortie, beaucoup dans la salle ont retenu leur souffle, mais les autres y ont vu un signe des temps. Il n'est pas en effet courant qu'un membre du gouvernement fasse taire une autorité morale qui parle des problèmes touchant son domaine pour lui clouer le bec au prétexte qu'il n'a pas vécu l'expérience ou ne se trouve pas dans la peau de ceux qu'il veut défendre. Mais les vrais tenants du pouvoir riaient sous cape car l'Evêque ne pouvait pas être publiquement confondu par un homme politique bien élevé mais cette sale besogne est toujours confiée aux « Hutu de service » de la trempe d'Evode Uwizeyimana qui de ce fait sont perçus comme sans aucune moralité.
Il est le plus zélé parmi les jeunes « hutu de service » mais son excès de zèle commence à embarrasser même ses maîtres. Ce garçon né en 1976 avec une cuiller d'argent dans la bouche (son père était alors Ministre de l'Economie et des Finances de Juvénal Habyarimana depuis 1973 et restera au gouvernement pendant plusieurs années), ne supportera pas la vie d'un exilé même doré en Belgique après la conquête du Rwanda par les éléments tutsi de l'armée de l'Ouganda en 1994.
Pour avoir de nouveau accès aux lambris du pouvoir, il fit allégeance aux nouveaux maîtres du pays et comme gage, il leur adressa des remerciements et même présenta des excuses de la famille, pour avoir assassiné son petit frère Janvier Jean Cyriaque Nduhungirehe qui fut fusillé devant le portail de la résidence familiale à Kigali en avril 1994 par les combattants du FPR.
Pour Olivier Nduhungirehe, en allant sur une barrière (en fait le portail de la propriété familiale) Janvier Nduhungirehe devenait un « Interahamwe » et donc devait être abattu par les combattants tutsi. Devant une telle déshumanisation et un tel cynisme, il fut admis parmi les tout nouveaux « Hutu de service ».
Il vient de monter en grade car nommé « Ambassadeur du Rwanda auprès du Royaume de Belgique du Grand Duché du Luxembourg et de l'Union Européenne… ». J'en oublie !
Dès sa prise de fonction, il multiplie des actes qui gênent non seulement ses hôtes et ses compatriotes en Belgique mais également ses maîtres de Kigali. Toujours pour montrer qu'il est le plus dynamique et le plus intelligeant des ambassadeurs, il multiplie des meetings politiques dans tous les coins du pays dans lequel il est accrédité non seulement sans aviser les services locaux mais surtout sans se soucier de ce que ce genre de meetings politiques du parti au pouvoir sortent de ses missions. De même, à travers les réseaux sociaux et autres canaux de communication, il échange, à longueur de journée, des noms d'oiseaux avec ceux qu'il perçoit comme des opposants au régime de Paul Kagamé et va même jusqu'à leur adresser des menaces (« les mettre hors d'état de nuire »).
Comme si cela ne suffisait pas, le bouillant ambassadeur Olivier Nduhungirehe se croit avoir le droit de parler au nom de toutes les autres représentations diplomatiques du Rwanda en Europe. On l'a vu dernièrement quand il s'est égosillé pour expliquer ce qui s'était passé à l'ambassade du Rwanda à Paris quand un opposant au régime, l'abbé Thomas Nahimana, voulait rentrer au Rwanda pour faire enregistrer son parti. Pourtant, l'ambassadeur en titre à Paris, le tutsi Jacques Kabare qui, de ce fait, a un avis qui est plus autorisé que celui du « Hutu de service » Nduhungirehe, n'avait pas réagi.
De même, Nduhungirehe n'a pas hésité ou n'a même pas pris un petit recul pour trouver des explications au refus d'entrée au Rwanda dont furent victimes l'abbé Thomas Nahimana et son équipe. Il s'était alors fendue en explications juridico-administratives pour prétendre que le refus d'entrée était régulier et totalement justifié. Mais il n'avait pas fini d'embobiner l'opinion qu'il s'est fait taper sur les doigts par son Grand Maître Paul Kagame, lui-même qui, publiquement, a avoué ne pas comprendre le bien fondé de ce refus. Le tonitruant ambassadeur Olivier Nduhungirehe en prendra peut-être compte à sa prochaine sortie. Ce qui n'est pas acquis, le connaissant !
Conclusion
Mais pourquoi en cette année 2016, les « Hutu de service » ont-ils touché vraiment le fond dans leur humiliation et auto-criminalisation conduisant tout droit à leur déshumanisation assurée ? La réponse pourrait peut-être être trouvée dans le calendrier des événements attendus.
En effet, l'année 2017 sera marquée par les simulacres d'élections marquant l'instauration d'une nouvelle monarchie féodale au Rwanda entamée par la dynastie « Kagame ». Les « Hutu de service » sont donc appelés à faire avaler la pilule au peuple déjà déboussolé depuis 23 ans mais qui croyait toujours être sorti de la féodalité en1959.
Malgré tout : Bonne et Heureuse Année 2017.
Emmanuel Neretse
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