Illustration d'une adolescente en détresse.
Illustration d'une adolescente en détresse. - BARKLIE/REX FEATURES/SIpa
Delphine Bancaud
Un jour, Nora Fraisse découvre une scène insoutenable. Sa fille de 13 ans, Marion s'est pendue dans sa chambre avec son foulard. Commence alors un vrai travail de détective pour elle, afin de savoir pourquoi sa fille a mis fin à ses jours. Dans Marion,13 ans pour toujours*qui sort mercredi en librairie, elle raconte cette quête tragique.
Car rien ne laissait présager que cette bonne élève souffrait le martyre, en raison duharcèlement qu'elle subissait au collège. «Je croyais tout savoir de toi (…) Mais les brimades, les humiliations, les insultes, tu les as passées sous silence comme si tu ne voulais pas nous souiller, comme si ça ne devait prospérer que dans le monde d'Internet», écrit Nora Fraisse. Une destruction à petit feu de l'adolescente, dont le comportement avait changé. Mais pour épargner ses parents, celle-ci avait caché le carnet de correspondance qui faisait état de ses retards et de ces attitudes étranges.

Des agressions dans la cour, sur le portable et sur Internet

C'est en lisant la lettre rédigée par sa fille avant de mourir, que Nora Fraisse entrevoit l'enfer qu'elle a vécu: «Ma vie a dérapé et personne ne l'a compris», confie Marion. En consultant son compte Facebook et en recueillant des témoignages, Nora Fraisse comprend que sa fille était devenue le bouc émissaire de nombreux élèves. Elle était régulièrement traitée de «pute» et de «bolosse». Des rumeurs infondées courraient aussi sur elle. Et les humiliations ne s'arrêtaient pas là: un jour des élèves l'ont déchaussé et ont jeté ses chaussures. Un autre, des garçons lui ont peloté les fesses. Des agressions qui ont ensuite envahi sa sphère privée, puisque Marion recevait des messages d'insultes et des menaces au téléphone, sur Facebook, via sms… Avant de se donner la mort, Marion avait d'ailleurs pendu son portable à sa mezzanine «pour couper symboliquement la parole à ceux qui te torturaient à coups d'insultes et de menaces», lui écrit sa mère dans son livre. Enfin, la veille de sa mort, un adolescent lui avait lancé «va te pendre». Marion l'a finalement pris au mot.
A la fin de son enquête, Nora Fraisse estime que Marion n'a pas été suffisamment protégée par l'équipe éducative du collège et constate que celle-ci n'est pas prête à reconnaître sa part de responsabilité dans le drame. «En face de nous, nous avions une administration muette, des enseignants fuyants et des parents parfois hostiles», raconte-t-elle. D'où son action en justice pour que la lumière soit faite sur le drame. Elle espère aussi que son livre «agira comme un détonateur et fera prendre pleinement conscience de la gravité du harcèlement entre élèves». Et invite l'administration scolaire «à s'évertuer à la vigilance, à l'écoute et à la bienveillance à l'égard des enfants en souffrance». Mais pour cette mère courage, difficile d'imaginer une forme d'apaisement: «la vie est trouée de chagrin (…). On a pris perpète», confie-t-elle.