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Tuesday 22 April 2014

[RwandaLibre] Discours prononcé pendant la commémoration citoyenne des 20 ans du génocide Rwandais à Ivry le 11 avril 2014.

 

Discours prononcé pendant la commémoration citoyenne des 20 ans du
génocide Rwandais à Ivry le 11 avril 2014.

Je n'ai ni le talent artistique, ni la verve de ceux qui m'ont précédé
et qui vont me succéder sur cette scène. Je n'ai pas non plus
l'érudition des faits, la sagesse de l'histoire à partager. Vous avez
pu entendre des artistes, des chercheurs, des hommes de lettre vous
parler avec émotion de la folie humaine, de la rationalité macabre qui
mena à la tentative d'extermination d'un peuple il y a 20 ans dans un
petit pays lointain aux milles collines. Je voulais pour ma part
m'exprimer plus directement en tant que simple citoyen engagé pour
vous faire part et pour exprimer, et peut-être expier, un sentiment
profond de culpabilité.

J'ai le sentiment d'être complice de génocide. En fait, je crois que
je suis... Nous sommes... Vous êtes aussi complices de génocide.

Je suis de ceux, enfants de la République et de son système éducatif
qui inculque ces valeurs universalistes. Je suis de ceux-là,
humanistes forcenés, convaincus de la force du droit international, de
la justesse des droits de l'Homme (avec tous ce qu'ils peuvent avoir
de subjectifs et d'ethnocentriques). En bon Français, j'ai fini par
croire à la philosophie des Lumières, au contrat social, à la
nécessité impérieuse d'un monde ou la paix, l'Etat de droit, les
libertés et droits fondamentaux garanties par un ordre international
au dessus des Nations et tentant d'échapper à la raison d'Etat, grâce
à des institutions fortes, bienveillantes et démocratiques. En somme,
je crois de manière un peu angélique aux Nations Unies comme rempart
contre le chaos et la guerre, je crois en l'Europe comme gage de paix
sur notre continent et comme vecteur de nos valeurs dans le monde et
je crois enfin et sans doute naïvement, dans cette certaine idée de la
France, dans cette France qui, par la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme a partagé avec le monde une certaine idée de
l'humanité dont il m'arrive d'être fier.  Mais c'est précisément
cette humanité, ce sont aussi précisément ces convictions, ces idées
et ces institutions qui ont été tuées au Rwanda. Aussi, mes mots ce
soir, ne seront pas tant pour les victimes, que pour les survivants.
Pas tant pour eux là-bas, que pour nous ici. Car au-delà de la peine
des morts et de leurs familles, c'est un peu de nous tous qui a
disparu en avril 1994. Le devoir de justice, de mémoire est nécessaire
pour eux. C'est le travail de beaucoup et notamment du Collectif pour
les Parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et de la famille Gauthier.
Mais ce travail de justice et de mémoire est aussi impératif pour
nous, car il est la condition la survie de notre morale, de notre
dignité. Il est la condition pour que nous puissions nous tenir debout
comme dirait Bruce Clarke.

Aimé Césaire disait:

"Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les
plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse
avec ses principes est une civilisation moribonde."

Césaire poursuivait sur l'Europe au sujet du colonialisme, mais on
pourrait aisément étendre le propos à la question du Rwanda
aujourd'hui:

"Déférée à la barre de la 'raison' comme à la barre de la
'conscience', cette Europe-là est impuissante à se justifier".

Le génocide des Tutsis au Rwanda nous force à la barre de la raison et
de la conscience et nous sommes obligés d'y plaider coupable car nous
portons des responsabilités au moins à trois niveaux, au niveau
international, au niveau européen et au niveau français.

International

Le 11 janvier 1994, le Général Roméo Dallaire, canadien, commandant de
la mission des Nations Unies pour le Rwanda envoie un télex
diplomatique crypté au Quartier Général des Nations Unies à New York.
Il mentionne un témoin proche de l'entourage du Président rwandais
l'informant de l'existence de nombreuses caches d'armes dans Kigali,
de listes détaillées de Tutsis par quartier et de plans précis pouvant
mener à leur extermination. Le témoin détaille l'existence de
miliciens entraînés capables de tuer 1000 hommes chaque 20 minutes.
Dallaire demande l'autorisation d'intervenir pour tenter de déjouer le
plan génocidaire en cours de préparation. Il conclut son télex par ces
mots en Français en empruntant au sermon sur l'ambition de Bossuet:
"Peux ce que veux. Allons-y". Une réponse lacunaire vient du bureau du
Secrétaire Général des Nations Unies, refusant toute intervention.
Malgré cela, Dallaire poursuit ses efforts et échange de nombreux
télexs avec New York au cours des mois de janvier et février, il passe
également du temps à essayer de convaincre les Ambassadeurs européens
présents à Kigali de la gravité de la situation. Ceux-ci ne contestent
d'ailleurs ni l'existence des armes, ni celle des milices ni le risque
d'embrasement mais n'en font rien. Finalement, les Nations Unies
réduisent plutôt que d'augmenter les ressources de la Mission des
Nations Unies pour le Rwanda et finissent par retirer tous les casques
bleus dans la précipitation et le chaos d'avril 1994. On se rappellera
alors des périphrases, gesticulations et jeu de langage des diplomates
américains notamment qui souhaitaient éviter à tout prix d'utiliser le
mot génocide dans leurs descriptions "des violences et actes de
génocides" car il fallait préserver l'apparence du droit et de la
morale internationale. En effet, reconnaître l'existence d'un génocide
aurait imposé une intervention militaire internationale à laquelle
personne n'était disposé. Alors on a préféré se taire et se cacher.
L'ONU reconnaîtra des années plus tard, son échec, son aveuglement et
ses manquements et elle continue de souffrir aujourd'hui de la
crédibilité perdue dans les collines du Rwanda.

Europe

L'Union Européenne n'est pas en reste. Même si elle n'avait pas à
l'époque de véritables prérogatives en matière de politique étrangère
et de défense, elle est apparue alors pour ce qu'elle est encore
aujourd'hui sur la scène internationale: un colosse au pied d'argile,
incapable d'alerter ni d'agir. Elle avait pourtant déjà était prise en
tort en 1992, quand elle avait laissé passive, attentiste, l'épuration
ethnique ravager la Bosnie-Herzégovine. On avait alors promis une
nouvelle fois: plus jamais ça! Des "plus jamais ça" ad nauseam voilà
les seuls discours que nous semblons capables de produire. De la même
manière qu'en Bosnie, au Rwanda, ceux qui devaient savoir n'ignoraient
rien. Depuis les années 1990, les diplomates belges et français
alertaient fréquemment leurs chancelleries sur les risques de
génocide. Dans un télégramme diplomatique du 15 octobre 1990,
l'ambassadeur français évoquait clairement la crainte d'un génocide à
l'encontre de la population tutsi. Dès 1992, de nouveaux pogroms ont
lieu et de nombreux charniers sont découverts. Une mission coordonnée
par la ligue des droits de l'Homme tente d'alerter les hommes
politiques et les médias européens. Jean Carbonare, l'ancien Président
de l'association Survie, explique dès janvier 1993 au journal de 20h,
la gorge nouée de douleur et d'impuissance, ce qu'il se passe au
Rwanda dans l'indifférence la plus totale. Aucun dirigeant ne s'est
exprimé à ce jour au nom de l'Union Européenne pour son inaction.
Seule la Belgique l'a fait à deux reprises en 2000 et en 2004 par la
voix de son Premier ministre Guy Verhofstadt, dans des termes on ne
peut plus clairs: "Un dramatique cortège de négligences,
d'insouciances, d'incompétences, d'hésitations et d'erreurs, a créé
les conditions d'une tragédie sans nom. Et donc j'assume ici devant
vous la responsabilité de mon pays, des autorités politiques et
militaires belges, et au nom de mon pays, au nom de mon peuple, je
vous demande pardon".

France

J'en viens enfin à la France qui, 20 ans après semble toujours
incapable de regarder l'histoire en face et d'assumer sa part de
responsabilité. Je ne peux pas vous dire l'étendue de ma honte que mon
pays, que mon gouvernement, refuse toujours à ce jour d'affronter ce
moment important de son histoire, de notre histoire collective. Par
cet égarement, les autorités françaises nous plongent tous dans le
déni. J'en veux particulièrement à la Garde des Sceaux, Christiane
Taubira, qui a pourtant défendu des positions courageuses par le passé
et qui aujourd'hui, par son silence et sa compromission, nous plonge
tous dans l'indignité. La responsabilité de la France est une triple
réalité historique. Elle commence avant le génocide par le soutien
sans faille, l'armement, la formation des soldats et des milices qui
préparent et accompliront le génocide. Elle se poursuit pendant le
génocide par une opération militaire et humanitaire qui a largement
servi à protéger les génocidaires et à retarder la victoire du Front
Patriotique Rwandais. Enfin, elle s'étend après le génocide par une
campagne de désinformation et de manipulation qui autorise
révisionnisme et négationnisme, en parlant par exemple de génocides au
pluriel, comme si tout ceci n'était que massacres interethniques
réciproques. Mais vous me direz, ce refus d'affronter l'histoire n'est
pas surprenant. C'est une constante de la France que de tenter
d'éluder les moments difficiles de son histoire. Il aura fallu par
exemple 50 ans pour que la France finisse par accepter sa
responsabilité dans la déportation des juifs durant la seconde guerre
mondiale. Il aura fallu attendre Jacques Chirac en 1995 pour que l'on
reconnaisse enfin la responsabilité de la France, de l'Etat français
dans les crimes nazis. Il ne faisait pourtant là rien d'insurmontable.
Il reconnaissait les faits, conscient lui, que les "faits... les faits
sont têtus". Chirac avait alors conclu son discours au Vélodrome
d'Hiver, ironiquement un an seulement après le génocide Rwandais, par
ces mots avec lesquels j'aimerais conclure:

"Sachons tirer les leçons de l'Histoire. N'acceptons pas d'être les
témoins passifs, ou les complices, de l'inacceptable..."

Crédits photo: Bruce Clarke, fondateur du projet The

UprightMen/Les hommes debout

http://m.huffpost.com/fr/entry/5190053

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SIBOMANA Jean Bosco
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“Uwigize agatebo ayora ivi”. Ubutegetsi bukugira agatebo ukariyora uko bukeye n’uko bwije.

"Ce dont j’ai le plus peur, c’est des gens qui croient que, du jour au lendemain, on peut prendre une société, lui tordre le cou et en faire une autre."

“The price good men pay for indifference to public affairs is to be ruled by evil men.”

“The hate of men will pass, and dictators die, and the power they took from the people will return to the people. And so long as men die, liberty will never perish.”

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