Plus les années filent, plus ils s'activent et s'affolent autour du président Kagame ainsi que dans les colonnes de tous les média à leur portée. Plus catholiques que le Pape, ils s'inventent des motifs abracadabrantesques, ils lui trouvent des excuses, ils déforment même ses propos et croient carrément penser pour le peuple. « Ils », ce sont tous ces compatriotes qui ne s'imaginent pas de Rwanda stable et prospère sans le général Kagame. Avant eux, d'autres avaient naïvement cru qu'en l'absence du mwami, le lait manquerait au Rwandais ! Croyant aujourd'hui éloigner un certain esprit burkinabè, voire l'exorciser au Rwanda, les nouveaux (et anciens) thuriféraires de Kagame font tout pour atténuer l'amertume de la pilule qu'ils se préparent à nous faire avaler pour 2017 : un troisième mandat !
A l'actif de leur candidat de toujours, ils rappellent et martèlent le « miracle économique » de ce qui avait été précipitamment (maladroitement donc) conçu pour devenir un Singapour africain ; ils insistent sur la gestion kagamienne de la sécurité et ils soulignent enfin le caractère singulier, presque messianique du personnage (lui seul, paraît-il, peut se faire obéir par l'armée et sauver les Rwandais en cas de…). Pour tout cela, radotent-ils, l'article 101 de la constitution rwandaise doit être piétiné, à tout le moins, revu et corrigé à la sauce afandienne ; c'est-à-dire de manière à permettre à l'actuel président de rempiler pour sept longues années encore. Voilà comment en effet l'on peut se noyer (et entraîner le peuple) dans un fleuve, le prenant insouciamment pour une marre.
Economie et sécurité. Qu'en dire à quelques mois de 2017 ? Sans aligner les ennuyeux (puisque techniqués) chiffres du « miracle », il y a juste lieu d'observer les taux de croissance chez nos voisins. En 2013, la RDC faisait du 8,5% ; Ouganda : 5,2% ; Tanzanie : 7% ; Kenya : 4,9% ; Burundi : 4,8%. Comment dès lors ne parler, dans pareil environnement, que des 7% du Rwanda ? Parce que le pays sortait de la guerre ? Et alors ! Le Mozambique qui a perdu un million des siens au cours de sa guerre de libération (1976 – 1992) n'a-t-il pas fait du 7,1% en 2013 ? Pas de quoi donc s'enorgueillir avec ce bilan, somme toute « normal ». Reste la sécurité, mais quelle sécurité ? Ces disparitions et ces assassinats ? Ces enseignants qui ne sont plus payés depuis des mois ? Ces étudiants qui tirent le diable par la queue ? Ces interminables tensions avec les pays voisins ? Si ce n'est pas se moquer du peuple, dites-moi ce que c'est que cet autre mandat en 2017.
Le président Paul Kagame, disons-le ouvertement, n'en sera pas à son troisième mandat en 2017, non ! Que fait-on alors de son « tout premier », car il est de notoriété publique que sous la présidence Pasteur Bizimungu, le vrai président de la république était… le vice-président Paul Kagame. Ce dernier a, en même temps, régenté, régné, gouverné, jugé, giflé, emprisonné, exilé et guerroyé pendant exactement une période de 5 ans, 8 mois et 5 jours (entre 1994 – 2000). Las d'exercer la fonction sans l'habit, le général Kagame débarqua son « président » et se fit élire à sa place. Depuis, il se croit investit de quelque autorité de droit divin, comme les monarques d'antan. Et même cela, les fonctionnaires qu'il humilie à longueur de retraite ne savent pas le voir! Plus le président les ridiculise, plus ils lui racontent des histoires et vont même jusqu'à renier, tel ce juriste prétentieux, les principes élémentaires de leurs savoirs.
Le comble et pour le président lui-même et pour tous les griots qui plaident pour un troisième (quatrième ?) mandat est que l'intéressé a, un jour, déclaré que ce serait pour lui un cuisant échec si, au terme de son long passage à la tête de l'état, il n'était pas capable de passer la main à un compatriote convenablement préparé. Mieux, dans un entretien avec Fareed Zakaria (animateur de l'émission Global Public Square sur CNN), Kagame a été on ne peut plus clair sur le sujet : « Are you going to tell me that you won't run for – that you won't be in office for longer than your two constitutional terms? » Allez-vous me dire que vous n'irez pas au-delà de vos deux mandats? Réponse de Kagame:
No, I think the constitution is not there by accident. It was there for a purpose, and I am there to serve that purpose. So, I respect our constitution, and, in fact, maybe would wish to give — or to leave a gift with my people. And that's — and I want to do it — most of the things are happening today. And that gift would be to leave a legacy behind where power can leave –people can leave power, and pass it on for others to run and lead the country, and it happens in a stable environment, and it becomes a culture and a norm that it will go on like that. L'interview a eu lieu en 2009; six ans plus tard, pourquoi tant des satellites gravitant autour du pouvoir s'évertuent-elles à forcer la main présidentielle ? Surtout, pourquoi l'intéressé se renie et n'y voit pas le piège lui tendu ?
Sauf qu'ici, le piège se nomme (le) peuple que croit posséder le général Kagame et que, comme le disait si bien le romancier Alphonse Karr, « La propriété est un piège : ce que nous croyons posséder nous possède. »
Cecil Kami
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