Les FDU-Inkingi saluent l'arrivée du Rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies, en la personne de Monsieur MAINA KIAI, qui séjourne au Rwanda depuis le 20 jusqu'au 27 janvier 2014 pour enquêter sur les violations des Droits de l'Homme au Rwanda.
Les FDU-Inkingi tiennent à informer le Rapporteur spécial, la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU ainsi que la Communauté internationale que les violations des Droits de l'Homme au Rwanda ont atteint un niveau inacceptable et touchent toutes les sphères de la vie socio-économique, politique et médiatique.
Quelques exemples non exhaustifs peuvent en témoigner:
- Sur le plan politique: l'espace politique est fermé et réservé exclusivement au FPR et à ses partis satellites, le Président de la République ayant lui-même annoncé publiquement que toute personne qui oserait réclamer une alternance démocratique se heurterait au mur des lois. Toutes les personnes qui ont osé fonder ou demander l'enregistrement de leurs partis politiques, ont été traînées devant les tribunaux et jugées par une justice politisée en vue de les écarter de l'espace politique. A quelques détails près, ils sont tous été accusées des mêmes crimes d'idéologie du génocide, de divisionnisme, de visées subversives, de vouloir renverser le pouvoir par le terrorisme, etc. Tous ces chefs d'accusation aux contours flous sont utilisés par le régime pour empêcher l'expression des points de vue et des opinions contraires à ceux du parti au pouvoir, le FPR. Ainsi Madame Victoire INGABIRE UMUHOZA, Maitre Bernard NTAGANDA, M. Deo MUSHAYIDI, Docteur Théoneste NIYITEGEKA, (pour ne nommer que ceux-là) ont été condamnés à des peines allant jusqu'à la perpétuité pour le seul crime d'avoir revendiqué l'exercice de leurs droits constitutionnels, qui, rappelons-le, reconnaissent le multipartisme, le droit d'expression et d'association.
-Sur le plan juridique: La justice est de connivence avec les autorités politiques et administratives, les arrestations massives, arbitraires et aux motifs politiques se comptent par milliers.
-Sur le plan de la santé et de l'éducation: l'accès aux soins de santé et à l'enseignement de qualité n'est réservé qu'à une infime minorité qui a les moyens financiers.
-Sur le plan économique: la population souffre d'une famine endémique à cause du coup élevé de la vie et de la politique agricole nationale qui ne s'intéresse pas aux vrais besoins de la population.
-Sur le plan médiatique: seule la presse courtisane est tolérée ; la presse libre et indépendante est inexistante et tous les journalistes qui essayent de faire correctement leur métier sont jetés en prison et écopent des condamnations lourdes quand ils ne sont pas simplement assassinés ou poussés à l'exil.
– En ce qui concerne les associations de défense des Droits de l'Homme: elles connaissent le même sort que les partis politiques et les journalistes critiques et certaines associations sont souvent récupérées par le pouvoir qui place de force dans leur comité d'administration des personnes qu'il peut contrôler aisément.
– La chasse et l'assassinat des leaders politiques à l'intérieur et à l'extérieur du Rwanda:
Depuis deux décennies, nous assistons à la persécution des leaders de l'opposition et des journalistes critiques envers le régime, certains allant jusqu'à en payer de leur vie. Si avant, nous soupçonnions le régime rwandais d'être derrière le meurtre d'opposants et de leaders d'opinion, ce dernier s'en défendait, même si tous les indices montraient qu'il s'agissait des crimes à caractère politique. Le fait nouveau est que les autorités rwandaises viennent cette fois-ci d'avouer, de se vanter de l'élimination d'un opposant politique, tout en appelant à la poursuite de ces assassinats contre les opposants au régime de Kigali.
Depuis la prise du pouvoir par le FPR-Inkotanyi, des personnalités ayant osé défendre la population face aux massacres de l'ex-Armée Patriotique Rwandaise, ont disparu, ont été tuées ou ont subi des mauvais traitements qui ont fini par occasionner leur mort. Nous pouvons citer l'assassinat du Major Théoneste Lizinde à Nairobi le 06 octobre 1996, celui de l'ancien ministre Seth Sendashonga le 16 mai 1998 dans la même Nairobi, les disparitions du Lt Colonel Cyiza Augustin et du député Léonard Hitimana en 2003, l'assassinat de M. André Kagwa Rwisereka, vice-président du Parti Démocratique des verts rwandais, le 13 juillet 2010, la tentative d'assassinat contre le Général Kayumba Nyamwasa, le 19 juin 2010 et l'assassinat du Colonel Patrick Karegeya le 01 janvier 2014.
Après la mort du Colonel Patrick Karegeya, les officiels rwandais ne se sont pas empêchés de célébrer leur victoire et de reconnaitre leur responsabilité dans cet acte criminel.
Le 06 janvier 2014, le premier ministre M. Damien Habumuremyi a posté un tweet en disant que « trahir un pays qui vous a fait ce que vous êtes, a des conséquences ».
Lui emboîtant le pas, la ministre des affaires étrangères a posté sur son compte twitter et a répété devant les journalistes que « Patrick Karegeya était un ennemi de son pays et de son gouvernement et que sa mort ne pouvait lui inspirer aucune pitié ». Elle ajouta que « Patrick Karegeya devait mourir parce qu'il avait trahi son pays ».
Le ministre de la défense, le Général James Kabarere ne fut pas du reste et déclara le 11 janvier 2014 lors d'une réunion publique dans le cadre du programme « Ndi Umunyarwanda » à Rubavu: « ne perdez pas votre temps avec des rapports qui disent qu'un tel individu a été étranglé quelque part dans tel hôtel d'un tel pays. Quand tu choisis d'être un chien, tu meurs comme un chien et les nettoyeurs viennent évacuer les déchets pour que l'odeur de cette puanteur cesse d'importuner. Ceux à qui cela arrive, ce sont eux-mêmes qui l'ont choisi et nous n'y pouvons rien ».
Et pour couronner le tout, le Président de la République déclara lors d'un déjeuner de prière du 12 janvier 2014: « Personne ne peut trahir le pays et s'en sortir indemne, c'est une question de temps, toute personne qui trahit le pays subira des conséquences tôt ou tard ». Inutile de préciser que le Président de la République prêche ici la poursuite des assassinats politiques contre tous les membres de l'opposition qui, pour lui, sont des ennemis et des traitres du pays à abattre.
Les FDU-Inkingi attirent l'attention du Rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies et de la communauté internationale en général sur la gravité de tels propos, qui constituent un appel au meurtre, appel qui, de surcroît est lancé par le président de la République.
Nous demandons au rapporteur spécial de tout faire pour obtenir des informations libres et indépendantes auprès des personnes pouvant s'exprimer librement. Le silence d'une population terrorisée et contrôlée par une multitude d'agents des services de renseignement ne devrait pas être interprété comme une marque d'accord avec le régime. La misère de la population rwandaise vivant loin des villes comme Kigali vitrines du régime ne peut se sentir qu'au contact de cette population des zones rurales.
Les FDU-Inkingi demandent au rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme ainsi qu'à la communauté internationale dans son ensemble, de considérer que ce moment où un gouvernement s'engage publiquement pour éliminer ses opposants réels ou imaginaires, constitue un tournant majeur et appellent tous les pays qui ont une influence sur le Rwanda et ceux qui hébergent les réfugiés rwandais d'user de tous les moyens pour faire échouer les plans machiavéliques du régime du Président Paul Kagame et de contribuer à l'avènement d'un Etat démocratique au Rwanda.
Fait à Paris, France, le 24 Janvier 2014.
Pour les FDU-Inkingi
Dr. Emmanuel MWISENEZA
Commissaire à l'Information et à la Communication
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