Archives de l'Elysée sur le Rwanda : « rien ne va dans le sens de Paul Kagamé »

"C'est un geste politique mais qui n'a pas de conséquences" affirme Pierre Péan<br />
"C'est un geste politique mais qui n'a pas de conséquences" affirme Pierre Péan
(AP Photo/Christophe Ena)

Une partie des archives françaises de l'Elysée sur le génocide rwandais va être déclassifiée. Pierre Péan répond aux questions de TV5MONDE sur les raisons et les conséquences de cette déclassification des archives de l'Elysée.

15 AVR 2015
 
Mise à jour 15.04.2015 à 19:36
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Les documents officiels, de 1990 à 1995 devraient permettre de mieux comprendre l'implication de la France dans ce drame où au moins 800 000 personnes de l'éthnie Tutsi au Rwanda ont été exterminés en quelques mois, selon l'ONU.
Ce génocide, l'un des quatre les plus importants de l'histoire a vu de nombreuses accusations proférées à l'encontre de la France. Pierre Péan, le journaliste français d'investigation a publié un ouvrage « Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda, 1990-1994 » en 2005, qui atteste la thèse d'une non-implication de l'Etat français dans le génocide rwandais.
Les photographies de famille de quelques morts lors du génocide. Photo prise au mémorial de Kigali au Rwanda, le 5 Avril 2014.
Les photographies de famille de quelques morts lors du génocide. Photo prise au mémorial de Kigali au Rwanda, le 5 Avril 2014.
( AP Photo / Ben Curtis )


Que pensez-vous du geste de la France de déclassification des archives de l'Elysée,  et ce, au moment de la commémoration des 21 ans du génocide ?

Pierre-Péan : L'Elysée est sous la pression du Rwanda, d'associations, avec le soutien de Paul Kagamé, qui cherchent la déclassification de toute les archives françaises, pas seulement de l'Elysée, mais aussi de la Défense et de la DGSE notamment. C'est donc un signe de bonne volonté de l'Elysée à l'égard de Kigali. Mais il n'a échappé à personne que ça n'a pas été une grande joie à Kigali.
Le Président Rwanda Paul Kagame parle lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies , le mercredi 24 septembre 2014 , au siège de l'ONU .
Le Président Rwanda Paul Kagame parle lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies , le mercredi 24 septembre 2014 , au siège de l'ONU .
(AP Photo/Julie Jacobson)


Justement, le président Kagame est-il mis en danger avec ces documents officiels français ?

P.P : Je crois connaître ces documents très bien, et rien ne va dans le sens de Paul Kagamé, ça ne l'arrange pas.

Sa brouille avec la France est-elle en jeu, est-ce une manière de l'obliger à moins de virulence, à cesser ses accusations ?

P.P : Cela ne changera pas grand chose. Ses soutiens, tant français que rwandais, ont depuis longtemps accès à ces archives, même si elles ne sont pas déclassifiés. C'est donc un geste politique mais qui n'a pas de conséquences.

De nombreux observateurs estiment que la France ne prend aucun risque avec cette déclassification, qui est partielle, et que des documents manqueront. Qu'en pensez-vous ?

P.P : C'est un petit geste, qui n'engage pas à grand chose. Quand j'ai écrit « Noires fureurs, blancs menteurs » en 2005, j'ai eu par mes propres sources, largement accès aux archives dites « de l'Elysée ».  Je crois que c'est cela qui va être déclassifié. Ce sont des dossiers très intéressants, mais qui ne vont pas satisfaire Kigali. Ces archives ne vont pas dans leur sens,  elles vont dans ce que je crois être la vérité, c'est-à-dire la non-implication de la France dans le génocide.

Vous pensez que la France n'est pour rien dans le génocide rwandais, mais par contre que les Etats-Unis seraient impliqués ? Les Etats-Unis auraient empêché toute enquête sur l'attentat du 6 avril 1994, à l'origine du génocide ?

P.P : Kagamé ne serait jamais arrivé au pouvoir sans l'aide de pays comme les Etats-Unis, le Royaume-uni et Israël. Depuis, toutes les tentatives pour connaître la vérité globale de toute cette affaire depuis 1990 ont été entravées par l'action notamment des Etats-Unis. Dans l'affaire du TPIR par exemple, dès 1996, un enquêteur qui s'appelait Michaël Korigan avait mis le doigt sur l'implication du FPR dans l'attentat et a été rapidement ramené à la maison. La procureur du TPIR, Carla Del Ponte a été obligé de quitter son poste parce qu'elle voulait enquêter sur l'action du FPR et de Paul Kagamé.