Arusha, Octobre 2005
Dédicace
"Il n’y a d’obscurité que pour celui qui ne sait pas voir et de mystère que pour celui qui ne sait pas comprendre."[1] Par ailleurs, et c’est clair comme de l’eau de roche, sans la Vérité il n’y a pas de Justice et sans Justice il n’y a pas de vraie réconciliation. Les responsables du Tribunal Pénal International pour le Rwanda sont certainement conscients de ces vérités difficiles à occulter. Finiront-ils un jour par mesurer le poids de leurs décisions et leur incidence sur l’avenir du peuple rwandais ? Il vaut mieux ne pas y penser.
A l’occasion du 10ème anniversaire de mon incarcération irrégulière, le 10 octobre 1995, sur instigation du TPIR, j’ai décidé de rompre le silence et faire le témoignage ci-joint. Il a pour ambition de contribuer à servir la vérité malheureusement occultée sur beaucoup de volets du drame rwandais. Il est adressé en premier lieu au Président du TPIR, l’Honorable Juge Erik Møse ainsi qu’aux personnalités ci-après :
§ M. Le Secrétaire Général de l’ONU, New York, USA ;
§ M. Le Premier Ministre du Royaume de Suède, Stockholm, Suède;
§ Mme Le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, Genève, Suisse ;
§ M. Le Président de la Chambre d’Appel, La Haye ;
§ Me Tiphaine Dickson, Canada ;
§ Me David Jacobs, Canada ;
§ M. Le Procureur du TPIR, Arusha ;
Je dédie ce témoignage à toutes les victimes, mortes ou vivantes, des évènements tragiques qui ont frappé mon pays, le Rwanda. Je m’associe à toutes les familles rwandaises qui ont été endeuillées et continuent d’être endeuillées par ces tragiques évènements dont les prolongements sont toujours péniblement vécus par notre peuple.
Table de matière
Partie I: Présentation générale. - 1 -
Partie II : Autopsie du Phénomène « INTERAHAMWE ». - 6 -
2.1 Introduction. - 6 -
2.2 Au 06 avril 1994, les "INTERAHAMWE za MRND" étaient toujours une organisation embryonnaire. - 8 -
2.3 Le rôle des Interahamwe za MRND dans le lancement du MRND rénové. - 9 -
2.4 Le fameux fax du Général Roméo Dallaire ; cf. Annexes 7 A et B. - 11 -
Des preuves irréfutables de la manipulation montée par le Général Dallaire. - 13 -
Démasqué, Roméo Dallaire ne désarme pas pour autant. - 16 -
2.5 Une opportune distinction entre les "Interahamwe za MRND"et le phénomène "Interahamwe". - 17 -
2.6 Des mensonges juteusement rétribués. - 21 -
2.7 Une scandaleuse manipulation de la preuve. - 22 -
2.8 Conclusion partielle. - 24 -
Partie III : Le Capitaine Amadou Démé, témoin gênant pour le TPIR. - 26 -
3.1 Les circonstances de rencontre du Capitaine Amadou Démé avec M. Rutaganda Georges au Rwanda, en avril-juillet 1994. - 26 -
3.1.1 Première rencontre avec le Capitaine Amadou Démé. - 26 -
3.1.2 Deuxième rencontre avec le Capitaine Amadou Démé. - 27 -
3.1.3 Troisième rencontre avec le Capitaine Amadou Démé. - 29 -
3.2 Les circonstances de rencontre entre le Capitaine Amadou Démé et M. Rutaganda Georges, à Arusha, en Tanzanie, le 25 mai 1996. - 31 -
3.2.1 Quatrième et dernière rencontre avec le Capitaine Amadou Démé. - 31 -
3.3 Conclusion partielle. - 34 -
Partie IV : Lettre du 20 juin 1999 à la famille du Dr Jean Baptiste Gasasira. - 36 -
4.1 Avant propos. - 36 -
4.1.1 L’ancienneté de nos relations. - 36 -
4.1.2 Le sigle donné à votre Cabinet médical: "Le Bon Samaritain". - 37 -
4. 2 Nos rencontres entre avril et juillet 1994. - 38 -
4.2.1 La Rencontre avec le Docteur Jean Baptiste Gasasira, le 10 avril 1994, sur une barrière à Nyamirambo. - 38 -
4.2.2 La Rencontre avec vos enfants à la barrière de Gitega. - 38 -
4.2.3 La Rencontre avec le Docteur Gasasira à l’Hôtel des 1000 Collines. - 39 -
4.2.4 La Rencontre de SOPECYA-Kanogo. - 40 -
4.2.5 L’ultime rencontre avec Dr. Gasasira à l’Hôtel des 1000 Collines. - 40 -
4.3 Déclarations du Docteur Odette Nyiramilimo à mon sujet. - 41 -
4.3.1 La déclaration du témoin X aux enquêteurs du TPIR au sujet des événements d’avril-juillet et en particulier sur ceux de SOPECYA-Kanogo. - 41 -
4.3.2 L’Article paru dans le Journal "THE NEW YORKER, sept 7, 1998. - 46 -
4.3.3 Le Refus du Dr. Nyiramilimo de venir témoigner en ma faveur. - 47 -
4.3.4 La Collaboration du Dr. Nyiramilimo dans la rédaction du livre intitulé: "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families, Stories From Rwanda", par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998. - 47 -
4.3.5 La Participation du Dr. Nyiramilimo à la Maison Blanche à l’occasion du "MILLENNIUM EVENING"du 12 avril 1999. - 50 -
4.4 Le mot de la fin. - 52 -
Part V: The unsaid about Georges Rutaganda and The "Hôtel Des 1000 Collines", during 1994 Rwandan tragedy. - 54 -
Rutaganda and the refugees at the "Hôtel Des 1000 Collines", in Kigali. - 54 -
Rutaganda and UNAMIR’s refugees convoy towards RPF zone. - 56 -
Partie VI : Conclusion Générale. - 59 -
Les Annexes. i
La vérité sacrifiée à l’autel de la manipulation politico-judiciaire.
Par Georges Nderubumwe Rutaganda
Partie I: Présentation générale.
« Trop c’est trop » : dix ans de manipulations diverses, dix ans d’occultation délibérée de la vérité sur le drame rwandais, dix ans d’injustice flagrante à l’endroit de M. Rutaganda Georges. Je suis obligé de sortir de mon silence, car il y va du respect que tous les Rwandais doivent à la mémoire des victimes de la tragédie rwandaise, de quelque ethnie qu’elles proviennent. Comment continuer à rester coite devant de faux discours sur la Réconciliation des Rwandais, devant des jugements truqués car basés sur la manipulation, le mensonge et la délation officielle ? J’ai décidé de parler pour rendre leur dignité aux victimes des évènements dramatiques qui se sont abattus sur mon pays le Rwanda, en donnant mon témoignage pour la vérité bafouée par une justice à deux vitesses, une justice discriminatoire, une justice au service du vainqueur.
Bien avant les évènements tragiques qui ont endeuillé notre pays, le Rwanda, jusqu’à date, tous les assoiffés du pouvoir en intelligence avec les détracteurs du régime Habyarimana et de son parti MRND se sont ligués pour imputer tous les maux qu’a subi le peuple rwandais aux « Interahamwe », créant ainsi une suspicion malicieuse autour de la jeunesse du MRND, dénommée « Interahamwe za MRND ». Rappelons par exemple qu’ils sont allés jusqu’à attribuer les massacres du Bugesera de mars 1992, aux Interahamwe za MRND alors qu’à l’époque l’idée de les créer n’était qu’à l’état de projet à peine lancé! Les actes de terrorisme et de vandalisme qui ont embrasé tout le pays, de 1990 à 1994, ont également été mis sur le dos des Interahamwe za MRND, sans fournir aucune preuve tangible. La légende des Interahamwe za MRND, miliciens redoutables, militairement entraînés, incroyable machine à tuer qui aurait quadrillé tout le pays et exécuté le « génocide des Tutsi » avec comme arme principale les viols systématiques de femmes tutsi, est une fallacieuse manipulation savamment orchestrée et entretenue à tel point qu’elle est devenue une réalité presque indélébile dans les têtes de certaines catégories de gens.
Le paradoxe étonnant dans les jugements de ce crime des crimes, le « génocide », est que, à l’exception de feu Robert Kajuga, Président ; de Georges N. Rutaganda, 2ième Vice Président, condamné injustement à vie par le TPIR et Eugène Mbarushimana, Secrétaire Général, encore libre, tous ceux-là mêmes qui étaient à la tête de cette organisation supposée être constituée de criminels, « Interahamwe », ont été exemptés de toutes les poursuites par le Procureur du TPIR, pris en charge par lui dans leur exil et, surtout, utilisés pour lui indiquer les boucs émissaires à arrêter, en attendant qu’ils viennent les accuser faussement.
Dans sa lettre au Président du TPIR, l’Honorable Juge Eric Møse, the Organisation for Peace, Justice and Development in Rwanda-OPJDR[2], une organisation des droits de l’Homme basée en Arizona (USA), a relevé que de hauts leaders des Interahamwe za MRND, Ruhumuriza Phéneas, 1er Vice Président ; Niyitegeka Dieudonné, Trésorier Général et Nkezabera Ephrem, Conseiller aux Affaires Financières, ont signé avec le Procureur des contrats juteux de coopération incluant les modalités de protection de leurs familles. Qui dit « coopération », dit se tenir à la disposition du Procureur pour aller dire au Tribunal, non pas la vérité, mais ce qu’il entend vous faire affirmer pour obtenir la condamnation des accusés devant le TPIR.
En 1997, alors que le Procureur était aux abois dans sa thèse contre les « Interahamwe », il a forgé un prétendu leader des Interahamwe za MRND de la préfecture de Gisenyi, en la personne du sinistre personnage Omar Serushago, qui n’était connu nulle part parmi les Interahamwe za MRND de cette région ! Comme pour les autres transfuges, il lui signa un juteux contrat de « coopération » incluant la prise en charge de sa famille et une légère condamnation malgré les crimes abominables qu’il a reconnus ; mais pour les faux témoignages attendus de lui.
Trois fois : en septembre 1996, en octobre 1999 et le 05 juin 2003, mon équipe de Défense ou moi-même avons été contactés par le Procureur pour ce genre de « coopération » et, à toutes ces occasions, j’ai catégoriquement dit non ; parce que je ne me voyais pas inventant des histoires fausses pour accabler les personnalités que le Procureur me demandait de venir charger. Malgré ce refus net, le Procureur prétend aujourd’hui que je détiendrais de documents et des informations hautement confidentielles de l’Accusation et s’oppose à ce que les équipes de défense des accusés désireux de me citer comme témoin puissent s’entretenir librement avec moi. La réalité est que le Procureur ne veut pas que je dise au grand jour la vérité sur les « Interahamwe za MRND», cette vérité contraire à sa thèse montée de toutes pièces et astucieusement entretenue depuis dix ans, et à base de laquelle il est parvenu à faire condamner tous les accusés du TPIR, y compris les leaders des partis MDR et PSD qui s’étaient jurés de liquider le parti MRND et sa jeunesse.
Avec la récente reddition de Bagaragaza Michel, après trois ans de tractations conduites pour le compte du Procureur par son amie, Alison Des Forges devenue depuis plus de dix ans, l’expert du génocide tutsi, le Procureur croit avoir trouvé une autre opportunité pour se livrer à ses habituels marchandages malsains. C’est pour assurer toute la confidentialité à ces honteuses et ultimes négociations avant la signature du « contrat de la trahison » que Bagaragaza a été transféré à La Haye, alors que le Centre de détention du TPIR se trouve à Arusha. Rappelons en passant que jusqu’à date, Bagaragaza Michel plaide non coupable sur l’ensemble de chefs d’accusation portés contre lui. Sa mise en accusation a eu lieu le 12 août 2005. Les manipulateurs ont déjà commencé à le présenter comme « Président d’honneur des Interahamwe za MRND à Gisenyi » alors que ce genre de poste n’a jamais existé au sein des Interahamwe za MRND !
Invoquant le cas Bagaragaza, toujours dans sa lettre au Président du TPIR, l’Honorable Juge Eric Møse, OPJDR a pertinemment souligné le danger de sa « coopération » avec le Procureur en ces termes : « Our organization is profoundly dismayed by these maneuvers of ICTR prosecution team and call upon your strive for justice to analyze thoroughly M. Bagaragaza’s testimonies against other ICTR’s inmates because the will potentially be fabricated to serve the prosecution team’s needs. We strongly invite you to urge the prosecution team to refrain from any such conduct of buying testimonies from hopeless people that would jeopardize the integrity of the trial proceedings and violate your ethical duties and obligation of the court."[3] [notre soulignement] Au vu de ce qui s’est passé dans plusieurs procès devant le TPIR, y compris l’expérience vécue personnellement, le mal est déjà fait, mais, il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Oui, que des suspects plaident coupables des actes dont ils sont responsables, il n’y aurait rien à redire, sinon les féliciter pour leur choix humainement courageux et moralement correct. A condition cependant, qu’ils s’en tiennent à avouer leurs propres crimes et, éventuellement, à dire tout ce qu’ils savent pour faire éclater la vérité au grand jour. Dans ce même cadre, ils se garderaient d’incriminer des innocents, de façon que, ni le Tribunal, ni le Procureur, ni personne d’autre ne seraient fondés à imputer la responsabilité de leurs actes criminels au parti MRND ou à son organisation de jeunesse, « Interahamwe za MRND », encore moins à leurs dirigeants respectifs alors qu’ils ne leur ont donné aucun ordre d’aller commettre leurs forfaits. Car, chacun doit répondre de ses propres actes. Je pense notamment au comportement regrettable de M. Ephrem Nkezabera que j’ai appris en visualisant la vidéo divulguée par le Procureur. Je ne me suis jamais comporté de la même façon que celle reproduite sur cette pièce. Il est inadmissible que, pour racheter leurs propres crimes, ces transfuges se permettent d’incriminer faussement et de manière délibérée des personnes innocentes.
Dans son livre "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families", Philip Gourevitch, inaugure la stratégie de manipulation contre les Interahamwe za MRND. Dans ce livre, beaucoup de mensonges ont été dits à leur sujet. Animée par une haine ethnique débordante Dr Nyiramilimo Odette, l’épouse du Dr Gasasira Jean Baptiste, à qui j’ai sauvé la vie ainsi qu’à son mari et sa progéniture, a fait la déclaration suivante : "That the person who cut off my sister’s head should have his sentence reduced? No!" Odette said to me. "Even this Mr. Rutaganda, who saved my children, should be hanged in a public place, and I will go there" [page 131, § 2; notre soulignement]. Les détails au sujet de mes relations avec la famille Gasasira sont développés dans la partie III du présent témoignage. Cette manifestation de la haine est citée ici pour montrer à quel niveau certaines personnes acharnées ont joué sur la manipulation de l’opinion afin d’obtenir la condamnation de M. Rutaganda Georges.
Inspiré par M. Rusesabagina Paul, Hollywood vient de sortir un film dénommé « Hôtel Rwanda » dans lequel, pour manipuler l’opinion sur les Interahamwe za MRND, Rutaganda Georges est peint, en connexion avec le Général Bizimungu Augustin, comme l’homme le plus mauvais, chef des tueurs et des violeurs. C’est, selon moi, la meilleure illustration de jusqu’où le mensonge peut aller.
Je n’ai jamais rencontré le Général Bizimungu au Rwanda ! Chaque fois que j’ai rencontré Rusesabagina, pendant la période d’avril-juillet 1994, c’était dans l’intérêt des personnes réfugiées à l’Hôtel des Milles Collines. Jamais, il n’a été question de discussions au sujet des massacres encours ou à commettre. Nos relations durant cette période se trouvent détaillées dans la partie IV de ce témoignage. Donner une telle description de M. Rutaganda Georges alors que les réfugiés dudit Hôtel Des Milles Collines ont survécu grâce aux moyens qu’il a généreusement disponibilisés pour les soutenir, ont constamment reçu tout son appui logistique, c’est faire preuve d’ingratitude indigne de tout homme honnête. M. Rusesabagina Paul sait très bien que suivant nos transactions de l’époque, il me doit toujours plus d’un million d’anciens francs rwandais (1.000.000 Frw).
Pourquoi ne veut-t-on pas reconnaître que, sans l’intervention de M. Rutaganda Georges, sur appel de la MINUAR, à l’endroit dit Akanogo-Sopecya, où des centaines de ces réfugiés, membres éminents de l’élite Tutsi, avaient été bloqués lors de leur transfert vers la zone FPR, ils auraient tous été tués avec leurs familles ? Par ailleurs, contrairement à ce film, le Général Dallaire n’a jamais participé dans ce convoi. Il n’est jamais arrivé sur les lieux pendant que nous nous battions pour sauver ces Tutsi. Alors, pourquoi le Procureur continue-t-il à m’attribuer une intention génocidaire au lieu de reconnaître la réalité des faits? N’est-ce pas là une autre preuve de la manipulation, doublée de la mauvaise foi pour nuire ?
De faux témoins jamais cités devant les chambres ont servi à consolider la thèse manipulée en vue de faire des « Interahamwe za MRND » la machine à tuer qui aurait servi à l’exécution du « génocide » des Tutsi rwandais. A défaut de les citer tous, qu’il me suffise de mentionner ceux qui ont le plus contribuer, par leur écrits ou leurs déclarations, à créer et entretenir cet écran de fumées dont se sert le Procureur du TPIR dans ses dossiers. Il s’agit de : Anastase Gasana ; Turatsinze Aboubacar, alias Kassim, alias Jean Pierre ; le Capitaine Hoecks ; le Capitaine Amadou Démé.
A côté de ces manipulateurs de première heure, il y a les transfuges, membres effectifs ou supposés de l’organisation « Interahamwe za MRND » qui, pour des raisons diverses ont accepté de collaborer à la grande manipulation du Procureur du TPIR dont notamment: Phénéas Ruhumuriza,
Dieudonné Niyitegeka, Ephrem Nkezabera, Omar Serushago, Joseph Setiba.
Alors qu’ils avouent avoir commis des crimes abominables ou se livrent à des dénégations fantaisistes rapidement démasquées au cours des contre interrogatoires par les avocats de la défense, ces criminels avérés sont utilisés par le Procureur du TPIR pour soutenir ses allégations mensongères contre les accusés devant cette juridiction onusienne. Et pour s’assurer de leur collaboration, le Tribunal a imaginé des artifices pour leur éviter toute confrontation avec leurs victimes que sont les accusés, restreignant ainsi le droit de les contre interroger. Et l’on continue à parler de l’équité des procès malgré cette rupture de l’égalité des armes.
La troisième catégorie des architectes de la manipulation politico-judiciaire qui a servi à créer et entretenir le mythe des Interahamwe est constituée de journalistes, activistes des droits de l’homme et certains magistrats rwandais qui, pour des raisons diverses, ont erronément fait du phénomène Interahamwe la principale cause de la tragédie rwandaise. Ce sont de tels individus qui ont le plus contribué à créer le mythe qui a abouti à la globalisation et à la diabolisation dont les propagandistes du FPR restent les principaux architectes. Parmi eux, il y a lieu de citer les témoins experts du Procureur : Alison Des Forges ; Filip Reyntjens ; François Xavier Nsanzuwera ; Capitaine Luc Lemmaire.
Dans la dernière catégorie des intervenants dans cette vaste manipulation politico-judiciaire à la base du phénomène Interahamwe, il y a lieu de citer les politiciens rwandais tels que Dismas Nsengiyaremye, Faustin Twagiramungu, James Gasana, Jean Kambanda ainsi que le très opportuniste ancien ministre des affaires étrangères du FPR, Anastase Gasana.
Au 06 avril 1994, l’organisation des jeunes « Interahamwe za MRND » se trouvait encore dans la phase de lancement qui avait été ralentie par la situation de guerre que vivait le pays. Le Comité national provisoire était le seul organe relativement opérationnel, occupé à préparer le Congrès constitutif qui n’a jamais pu se tenir à cause de la tournure des évènements, après la signature de l’Accord de Paix d’Arusha, le 04 août 1993. Le point consacré à l’autopsie du phénomène Interahamwe jette toute la lumière sur la grande manipulation qui a conduit à diaboliser aussi bien les jeunes membres du parti MRND et tous ceux, jeunes ou moins jeunes, membres du MRND ou non, qui étaient opposés à la volonté de FPR de prendre le pouvoir par la force pour l’exercer sans partage au profit de la minorité tutsi. Cette appréhension qui leur a valu la diabolisation est aujourd’hui une réalité incontestable. Mais, on continue à les accabler injustement, tout en fermant les yeux sur les crimes du FPR, ceux du Général Président Paul Kagame en particulier.
Dans la deuxième partie, nous assistons à l’implication du TPIR lui-même, dans cette stratégie d’obstruction de la manifestation de la vérité par l’éloignement d’un témoin clef dans l’affaire Rutaganda. Au moment où il devait donner sa déposition, le Capitaine sénégalais Amadou Démé a discrètement été éloigné d’Arusha, par ses supérieurs onusiens, probablement sur demande du Procureur avec la complicité des Juges dans l’affaire Rutaganda. Même quand les enquêteurs de Georges Rutaganda ont réussi à le localiser, ses avocats ont été découragés par le Tribunal dans leurs efforts de le faire comparaître devant le Tribunal. Le Greffier a, quant à lui, résilié les contrats de l’enquêteur et de l’assistante qui avaient retrouvé ses traces.
Les parties trois et quatre de mon témoignage montrent jusqu’où peut conduire la haine et la convoitise. Dr Odette Nyiramilimo et son mari qui étaient des amis de longue date de Georges Rutaganda en sont l’illustration honteuse. Malgré que Georges Rutaganda leur a sauvé la vie ainsi qu’à leurs enfants, Dr Nyiramilimo et Dr Gasasira n’ont pas trouvé mieux que de l’accabler pour servir la cause tutsi, dans le cadre de la propagande ethnisante qui a réussi à propulser Dr Odette Nyiramilimo jusqu’à la table du Président américain, Bill Clinton, à la Maison Blanche avant de lui ouvrir les portes du Gouvernement qu’elle a quitté pour devenir Sénatrice.
Quant à Rusesabagina qui était également ami de Georges Rutaganda depuis toujours et entretenait des relations privilégiées, il n’a pas résisté à l’appât de l’argent facile, pour traîner faussement son ami Georges Rutaganda dans la boue, et en faire le monstre qui fait la « une » du film Hôtel Rwanda.
Mais, Georges Rutaganda n’est justement pas ce monstre que l’on veut vous présenter dans le film Hôtel Rwanda. Il n’est pas non plus le « génocidaire » dont question dans les dossiers montés par le Procureur, avec le concours de certains parmi ces nombreux Tutsi qui lui doivent la survie.
A l’injustice criante dont il a été victime de la part du TPIR, à l’ingratitude et la haine de ses amis d’hier auxquels il a sauvé la vie, à la cupidité de son ancien partenaire dans les affaires et à la trahison de ses anciens collègues au sein du Comité national provisoire des « Interahamwe za MRND », Georges Rutaganda préfère opposer ce message biblique : « A moi la vengeance ; c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur ».[4]
Alors que certains parmi les faux témoins, trouvés par le Procureur ou venus spontanément accabler les accusé devant le TPIR, n’ont pas honte de se vanter d’avoir commis des crimes pour rendre crédibles leurs dépositions, Georges Rutaganda est fier de relater les actes accomplies, parfois au risque de sa propre vie, pour sauver des vies humaines. Il en fait état dans l’annexe I à ce témoignage, pour permettre à quiconque le souhaiterait de vérifier ses dires.
Partie II: Autopsie du Phénomène « INTERAHAMWE ».[5]
2.1 Introduction.
Contrairement à l’opinion véhiculée par les adversaires politiques du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement (MRND) et repris à son compte par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), l’organisation "Interahamwe za MRND" n’est pas une création du Comité Central de ce parti. D’ailleurs cet organe a disparu avec la nouvelle structure du MRND rénové comme l’attestent ses statuts adoptés par le Congrès constitutif du 05 juillet 1991.
L’idée d’organisation des "Interahamwe za MRND" remonte au mois de novembre 1991. Elle a été lancée par un groupe de cadres de l’administration publique et parastatale, des hommes d’affaires et d’autres intellectuels résidant dans la Capitale dont l’ancien Directeur Général de la société commerciale pétrolière du Rwanda (PETRORWANDA), M. Désiré Murenzi. Ã l’époque M. Désiré Murenzi était, en plus, membre du Comité National du MRND, un des cinq représentants de la Préfecture de Kigali Rural.
Ensemble avec d’autres, M. Désiré Murenzi au même titre que ces autres pionniers, ont imaginé cette façon de mobiliser les gens à travers une structure dont le but primordial était de faire des réflexions utiles à proposer au Parti. Ils avaient également la préoccupation de faire passer leurs idées pendant la phase de rénovation du parti MRND et ainsi, contribuer à sa consolidation sur l’ensemble du territoire national. C’est avec ce triplet d’objectifs que le Comité national provisoire des Interahamwe za MRND, présidé par Robert Kajuga, a été mis en place, vers fin 1991.
Très rapidement, ce noyau de réflexions a évolué vers une organisation des jeunes du parti MRND car, il était arrivé à la conclusion que dans le nouveau contexte politique, la jeunesse constituait une force politique incontournable. L’opinion au sein du parti MRND a été vite saisie d’autant plus que son Président, Juvénal Habyarimana, n’avait jamais cessé de clamer haut et fort qu’il était l’ami de la jeunesse, "Inshuti y’urubyiruko".
De ce fait, l’organisation Interahamwe za MRND a connu une expansion au niveau de la Ville de Kigali et, lors de son Congrès National du 28 avril 1992, le MRND vota pour la promotion des Interahamwe za MRND, là où cela était possible dans les préfectures, dans le respect des dispositions des articles 61 et 62 des Statuts.[6]
L’organisation Interahamwe za MRND devait participer activement à la campagne de lancement du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement (MRND) dans le contexte du multipartisme.
Avec le Congrès du 28 avril 1992, la priorité du Comité national provisoire, devenait la recherche de la meilleure formule de faire participer les jeunes à la vie du parti dans le cadre d’une organisation autonome, affiliée ou intégrée au MRND, selon l’option qu’ils auraient privilégiée lors de leur congrès constitutif. Ce Congrès constitutif qui devait adopter les statuts et élire les organes définitifs de l’organisation des jeunes du MRND n’a pas pu se tenir comme prévu, suite au climat d’insécurité généralisée liée à la guerre que le FPR menait contre le gouvernement et surtout, aux tensions créées par les blocages dans la mise en place des institutions prévues par les Accords de paix d’Arusha. La situation est restée pendante jusqu’aux événements d’avril 1994.
Il est inexact d’attribuer la création de l’organisation des jeunes "Interahamwe za MRND" au Comité National du MRND en se basant sur le seul fait qu’un des promoteurs était à l’époque membre de cet organe du Parti. En effet, M. Désiré Murenzi était promoteur de cette idée au même titre que les autres initiateurs de première heure. D’ailleurs, il a démissionné du MRND et de l’organisation "Interahamwe za MRND" peu après le Congrès extraordinaire du MRND du 28 avril 1992.
C’est donc cette organisation embryonnaire, à peine installée dans la Préfecture de la Ville de Kigali (PVK), en novembre 1991, que le Procureur du TPIR continue de présenter, faussement, comme une organisation criminelle ayant déjà mis en place des structures décentralisées dans toutes les préfectures du Rwanda qui auraient exécuté le « génocide » de 1994 dans ce Pays. La réalité est qu’au 06 avril 1994, date fatidique à laquelle débutent les événements tragiques de 1994, les "Interahamwe za MRND" étaient représentés par un comité national provisoire de cinq membres, assistés de six conseillers.
La composition du Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND, au 06 avril 1994, était la suivante :
IdentificationFonctionPréfecture d’origineDernière localisation
1. Robert KajugaPrésidentKibungoDécédé
2. Phénéas Ruhumuriza1er V-PrésidentGitaramaDécédé
3. Georges Rutaganda2 e V-PrésidentGitaramaUNDF-Arusha
4. Eugène MbarushimanaSecrétaire GénéralGisenyiBelgique
5. Dieudonné NiyitegekaTrésorier GénéralButare Canada
Le corps de conseillers auprès dudit Comité, au 06 avril 1994, était le suivant :[7]
IdentificationFonctionPréfecture d’origineDernière localisation
1. Bernard ManiragabaPrésident de la Commission des Affaires Sociales et Juridiques.RuhengeriCamps de réfugiés en RDC
2. Joseph SerugendoPrésident de la Commission Recherche et DéveloppementGisenyiGabon
3. Jean Pierre SebanetsiPrésident de la Commission des Affaires Politiques et PropagandeGisenyiDécédé
4. Ephrem NkezaberaPrésident de la Commission des Affaires Economiques et FinancièresGisenyiBelgique
5. J.M.V. MudahinyukaPrésident de la Commission Suivi et EvaluationGitaramaUSA
6. Alphonse KanimbaPrésident de la Commission des Relations Extérieures et DocumentationPVKDécédé
Par cette analyse, j’entends fournir certains éclaircissements et ainsi lever le voile sur les fausses allégations que le Procureur du TPIR et une opinion mal informée ou malicieusement manipulée par le FPR et ses puissants sponsors continuent de formuler contre les Interahamwe za MRND.
En guise d’introduction, j’ai parlé brièvement de la naissance des Interahamwe za MRND et de leur rayonnement limité à la Capitale Kigali et légèrement dans la ville de Gisenyi, au 6 avril 1994. Dans la suite de mon exposé, je compte aborder la question du rôle joué par les Interahamwe za MRND pendant la période de lancement du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement, analyser le fameux fax du 11 janvier 1994 envoyé au Général Maurice Baril par le Commandant de la MINUAR, le Général Roméo Dallaire et, enfin parler brièvement des transfuges de l’organisation Interahamwe za MRND qui ont librement choisi de mentir pour s’assurer la protection du TPIR, la sécurité financière et l’impunité pour leurs crimes avoués au bénéfice de la condamnation des innocents.
2.2 Au 06 avril 1994, les "INTERAHAMWE za MRND" étaient toujours une organisation embryonnaire.
Les allégations portées par le Procureur du TPIR contre les Interahamwe-tout court, sont telles que toute personne mal informée serait tentée de mettre en doute le caractère embryonnaire de l’organisation de la Jeunesse du Parti MRND, officiellement dénommée "Interahamwe za MRND". Pourtant, la réalité est bien celle-là et les faits sont têtus quoiqu’en dise le Procureur. Même si jusqu’au 06 avril 1994 l’organisation naissante des Interahamwe za MRND agissait, de facto, sous le couvert du MRND, elle n’avait pas encore obtenu de personnalité juridique, ni son intégration n’avait été formellement réalisée au sein du Parti, conformément aux dispositions des Statuts.
Plus haut, j’ai évoqué les raisons qui ont empêché la tenue du Congrès national constitutif de la Jeunesse du Parti qui devait adopter les statuts de l’organisation et procéder à l’élection de ses organes officiels au niveau national.
Dans la perspective de ce Congrès de la jeunesse du MRND, le Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND avait arrêté un programme de structuration de l’organisation.
Il venait de mettre au point les mécanismes de recrutement des membres où la carte était délivrée à tout membre pour attester de son adhésion. La carte de membre de la Jeunesse "Interahamwe za MRND" était différente de la carte de membre du MRND que toute personne désireuse d’adhérer à l’organisation de la Jeunesse "Interahamwe za MRND" devait produire pour son admission, et un registre des adhérents avait été ouvert au niveau du secteur administratif, du moins dans la Ville de Kigali.
Jusqu’en avril 1994, le Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND n’avait ni bureau, ni personnel, ni secrétariat, ni téléphone, ni véhicule, qui soient propres à l’organisation.
Alors, dans ces conditions, comment ne pas dénoncer l’amalgame facile auquel le Procureur s’est livré, délibérément, dans ses allégations contre les imaginaires Interahamwe qui auraient quadrillé tout le Pays et se seraient livrés à des barbaries sans nom : tueries, viols, vols, pillage, etc. La moindre des choses eût été de connaître le nombre des membres effectifs de cette organisation naissante avant de lui attribuer la puissance qu’elle n’a jamais eue. Le Procureur a évité ce recensement qui aurait remis sa thèse en cause.
Il est vrai que loin de fonder ses allégations sur le résultat des enquêtes minutieusement menées, le Procureur s’est contenté de reprendre à son compte l’utilisation manipulée du vocable "Interahamwe" sans s’interroger un seul instant sur les mutations que les adversaires politiques du MRND dont le FPR ont vite fait de lui infliger pour mieux diaboliser cette organisation naissante du parti concurrent qu’ils s’étaient juré de déboulonner.
En réalité, l’influence des Interahamwe za MRND était très limitée dans la mesure où, en avril 1994, l’organisation n’existait que dans la ville de Kigali, tandis que dans les autres préfectures où le MRND restait dominant, certains des anciens groupes d’animation et d’autres nouveaux noyaux avaient simplement adopté l’appellation "Interahamwe za MRND" pour marquer leur affiliation à ce parti.
La seule activité connue de ces groupes informels se réclamant du Parti MRND aura été l’animation politique lors de ses meetings organisés à travers tout le Pays, jusqu’en janvier 1994. Ces groupes informels ne relevaient nullement pas du Comité National Provisoire qui misait sur le congrès constitutif programmé pour tout structurer avec l’adoption des statuts et la mise en place des organes définitifs.
2.3 Le rôle des Interahamwe za MRND dans le lancement du MRND rénové.
A l’instar des jeunesses des autres partis politiques, les Interahamwe za MRND ont oeuvré au lancement du MRND dans le contexte du multipartisme. Pour plus de précision, il convient de souligner que de toutes les jeunesses des partis politiques, les Interahamwe za MRND furent créées en dernier lieu.
A chaque endroit où était programmé un meeting du parti, les Interahamwe za MRND s’organisaient pour être présents et prendre une part active dans l’organisation et l’animation de ces meetings. Les moyens pour y parvenir étaient assurés par les militants locaux du MRND qui décidaient librement d’associer les Interahamwe za MRND. Cette formule s’appliquait également aux autres groupes d’animation invités dont il fallait assurer le déplacement et l’accueil.
C’est cette formule qui a prévalu dans les activités réalisées par les Interahamwe za MRND dans le cadre des recommandations émises par le Congrès du MRND en date du 28 avril 1992.
Le succès des Interahamwe za MRND lors des manifestations publiques du parti MRND a provoqué les jalousies des jeunesses des partis rivaux. Ces jalousies ont conduit à des attaques verbales dans un premier temps mais aussi à des affrontements physiques violents, dans la suite.
Les partis politiques dits de l’opposition ayant décidé de recourir à la stratégie de débauchage des membres d’autres partis, spécialement ceux du MRND, par la force, communément connue sous l’appellation de "Ukubohoza", les affrontements entre les adhérents de ces partis politiques et ceux du MRND en général, les jeunes des deux camps compris, vont être enregistrés de façon régulière. Ils vont même dépasser le milieu urbain de la Capitale pour toucher certains centres urbains, les centres de négoce et le milieu rural dans certaines préfectures.
Des fois, ces affrontements ont provoqué des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels notamment dans les préfectures de Cyangugu, Kibuye, Kibungo, Gitarama et dans certains quartiers de la Capitale Kigali.[8]
De vastes programmes de "Ukubohoza" ont été exécutés sur l’ensemble du pays avec la bénédiction du Premier Ministre, Dismas Nsengiyaremye. Ils ont emporté dans la fumée les boisements publics et privés, les fossés anti-érosifs et les plantations caféicoles réalisées dans le cadre des travaux communautaires, "Umuganda", sous la houlette du MRND[9].
Dans certaines communes ces opérations de "Ukubohoza" ont visé la destitution des autorités locales et, les criminels qui s’étaient impliqués dans ces troubles publics sont restés impunis avec pour conséquence l’érosion inéluctable de l’autorité.C’est d’ailleurs principalement cette criminalité, cette impunité et cette insubordination à l’autorité de base qui auront des prolongements catastrophiques en avril-juillet 1994.
En outre, lorsqu’il a fallu dresser le bilan de l’action du Premier Ministre Dismas Nsengiyaremye, en juillet 1993, après 15 mois à la tête du Gouvernement, les partis politiques d’opposition, alliés du MDR au sein des Forces Démocratiques pour le Changement-MDR, PSD et PL (FDC), ont généralement constaté que ce dernier et son parti avaient été au centre des violences qui ont opposé les militants de divers partis politiques tout au long de l’année 1992. Ces violences orchestrées par le parti MDR ont été, particulièrement, enregistrés dans les préfectures Butare et Gitarama contre les partisans du Parti PSD et dans la préfecture Kibuye contre ceux du Parti Libéral. Ce fut d’ailleurs la base du refus unanime de le présenter comme candidat Premier ministre du GTBE.
Il est injuste d’imputer la responsabilité de ces affrontements aux adhérents du MRND ou bien alors aux Interahamwe za MRND qui, très souvent, se retrouvaient dans la situation de légitime défense.
Les attaques contre les "Interahamwe za MRND" et les autres militants du parti MRND se sont radicalisées lorsque les jeunes Tutsi nouvellement formés, les infiltrés déjà actifs partout ainsi que les "ABAKOMBOZI" (la jeunesse du parti PSD), militairement entraînés par le FPR à Mulindi pour le compte du parti PSD, sont rentrés à Kigali et dans les communes rurales avec pour mission de renforcer les brigades paramilitaires clandestines, chargées de provoquer la déstabilisation du pays par des actions terroristes. Selon Ruzibiza, les infiltrations des partis politiques n’ont pas épargné les Interahamwe za MRND : "Des garçons de rue étaient envoyés dans les rues de Cyimihurura, parmi les dockers des marchés, certains allaient se mêler aux Interahamwe et aux Impuzamugambi ou aux Bakombozi." [10]
Dans ces conditions il devient difficile voire tendancieux d’imputer aux seuls Interahamwe za MRND les violences et les autres actes criminels commis par les infiltrés du FPR sous le couvert des habits aux couleurs du Parti MRND.
Des assassinats des militants du MRND se sont multipliés sans que les services de sécurité et du parquet, contrôlés par les mêmes partis politiques dits de l’opposition, daignent mettre la main sur leurs auteurs. Dans cette ambiance chaotique et de prolifération des armes favorisée par l’état de guerre prolongée, va se développer une criminalité sans précédent dans le Pays.
Pour réussir son pari de provoquer le chaos généralisé tout en imputant ses propres crimes au parti MRND et à sa Jeunesse Interahamwe za MRND, le FPR a fait fabriquer des pagnes Kitenge aux couleurs du MRND, a fait faire pour ses infiltrés des tenues semblables à celles portées généralement par les Interahamwe za MRND pour créer la confusion et faire endosser aux "Interahamwe za MRND" les crimes commis par ses propres éléments très actifs partout. La situation devenant de plus en plus incontrôlable, le Comité Provisoire des Interahamwe décida d’interdire momentanément à ces derniers, le port de leur tenue habituelle pour contrer ces infiltrations.[11]
Les violences qui ont secoué le pays au cours de l’année 1992 reflétaient les antagonismes entre les partis politiques et n’avaient rien de particulier par rapport à la situation qui prévalait dans la quasi-totalité des pays africains à l’époque, traversés par le vent des changements politiques brusques.
C’était la période des conférences nationales souveraines téléguidées de l’extérieur. Il est vrai qu’au Rwanda, le retour au multipartisme alors que le Pays était en pleine guerre comportait des risques réels. Mais, le Président Habyarimana n’avait pas de choix face aux pressions qu’il subissait de toutes parts.
Les accusations faisant état des entraînements militaires dispensés aux "milices des partis politiques", des distributions d’armes aux dites "milices" ainsi que des caches d’armes dont il est question dans les dossiers du Procureur du TPIR sont des affirmations fantaisistes pour lesquelles il ne dispose d’aucun élément de preuve.[12]
Il n’y a aucun doute que si le Procureur avait été en possession de ces éléments de preuve, il n’aurait pas raté l’occasion de les produire à la Cour, lors du procès de Georges Rutaganda, 2ème Vice-Président du Comité National Provisoire des "Interahamwe za MRND". D’après la documentation disponible, il est clair que ces accusations ont été suggérées au Procureur par des personnes comme Faustin Twagiramungu, Dismas Nsengiyaremye et Jean Kambanda,[13] tous anciens premiers ministres issus du MDR, pour compromettre le parti MRND à cause des rivalités politiques évidentes ou pour servir la cause du FPR, dans le cas des membres de la MINUAR, tels que le Général Roméo Dallaire, le Capitaine Frank Claeys et le Capitaine Amadou Démé.
2.4 Le fameux fax du Général Roméo Dallaire ; cf. Annexes 7 A et B.
Il serait d’une hypocrisie excessive de nier que le fameux fax du Général Roméo Dallaire du 11 janvier 1994, fax câblé au Quartier Général des Nations Unies à New York, ne fut pas la pièce maîtresse à la base de laquelle la Communauté internationale a conclu que les événements tragiques d’avril-juillet 1994 au Rwanda devaient être qualifiés de "génocide des Tutsi, planifié et exécuté par les Hutu".
Dès lors que dans ledit fax, l’organisation "Interahamwe za MRND" est particulièrement mise en cause, il était nécessaire qu’en ma qualité de 2ième Vice-président des Interahamwe za MRND durant la période visée, j’y accorde toute l’attention voulue.
L’Humanité a le droit d’être éclairée sur les circonstances dans lesquelles ce fax a été élaboré et publié, d’en savoir un peu plus sur le pourquoi de la disparition des archives de l’ONU et de la MINUAR de l’original du fax envoyé par le Général Roméo Dallaire au Général Maurice Baril et sur le mobile de la fabrication d’un nouveau fax manipulé dont des copies non conformes audit fax original ont été mises en circulation. Il est particulièrement important de mener les enquêtes jusqu’au bout pour identifier les responsables de cette incroyable manipulation qui a conduit à la diabolisation de tout un peuple, accusé avec légèreté de génocide sur base d’éléments non vérifiés.
A ce sujet, de laborieuses investigations ont été conduites par la Défense depuis la production par le Procureur Richard Prosper d’une copie caviardée de ce fax du 11 janvier 1994 dans le procès de Jean Paul Akayesu.[14]
Ces enquêtes ont été confortées récemment par les pièces produites par le Général Roméo Dallaire lors de sa déposition dans l’Affaire Bagosora et alii. A cette occasion, les avocats de la Défense ont méthodiquement démonté les mensonges minutieusement arrangés par le Général Roméo Dallaire, avec le concours intéressé du Premier Ministre Désigné, Faustin Twagiramungu.
Le fameux formateur top niveau des "Interahamwe za MRND", Jean Pierre Turatsinze, alias Abubakar, alias Kassim, était un civil sans aucune connaissance militaire. Il avait été renvoyé du MRND depuis novembre 1993 et, partant, il n’avait pas d’accès aux informations sensibles ou confidentielles qui se trouveraient au niveau du Secrétariat National du MRND en janvier 1994.
Du reste, c’est une sérieuse indication de constater que le Procureur n’a rien fait pour le protéger contrairement aux autres transfuges, entourés de toutes les garanties de sécurité et bénéficiant d’importants et réguliers versements de fonds pour leur entretien. Malgré le poids de son témoignage devant le TPIR, eu égard aux informations lui attribuées qui auraient permis au Général Roméo Dallaire de rédiger son fameux fax du 11 janvier 1994, Jean Pierre Turatsinze aurait été éliminé par le FPR, faute de protection par le TPIR qui, pourtant, depuis 1996, le présente comme un important témoin de l’Accusation. On a donc préféré garder la légende et faire disparaître la source qui risquait de changer de version ou d’être contredite.
En effet, il est franchement inconcevable que l’Accusation n’ait pas jugé opportun d’appeler Jean Pierre Turatsinze comme témoin à charge dans le procès mettant en cause le 2ème Vice-Président des "Interahamwe za MRND", alors qu’il était encore en vie. Lors des plaidoiries finales en première instance, Me Tiphaine Dickson est allée jusqu’à interpeller la Cour à ce sujet en stigmatisant l’absence d’éléments justifiant la diabolisation excessive des "Interahamwe za MRND" en ces termes : "Où sont d’ailleurs les Interahamwe à la barre ? Où sont les entraîneurs d’Interahamwe ? Où sont les entraînés ? On n’en a pas vu un seul ! Où est Jean Pierre Turatsinze, l’informateur du Général Dallaire, celui qui se prépare à tuer tous ces mille Tutsi en 20 minutes ? Nous avons l’impression de confronter des fantômes."[15] [notre soulignement]
L’original du fameux télégramme du 11 janvier 1994 s’est avéré introuvable dans les archives des Nations Unies. En effet, M. Ralph Zacklin, Assistant du Secrétaire Général des Nations Unies aux Affaires Juridiques l’a reconnu, en répondant aux Conseils de Joseph Nzirorera et d’Aloys Ntabakuze en ces termes: "We have conducted an extensive research of the organization’s archives, both for the original of the document that was signed by Brigadier-General Dallaire and transmitted from Kigali and for the original of the transmission that was received in New York. We regret to inform you that we have not been able to locate either of those original documents."[16]
L’examen physique de chacun des documents produits par Roméo Dallaire lors de sa déposition dans le procès Bagosora et alii et leur comparaison ont permis à la Défense d’amener le Général Roméo Dallaire et son assistant, le Major Brent Beardsley, à abandonner leurs certitudes de départ, créant ainsi un sérieux doute sur l’authenticité des copies qu’ils ont mises en circulation. Les versions contradictoires soutenues par Roméo Dallaire, Brent Beardsley et Frank Claes constituent un argument de plus pour douter de la conformité à l’original des copies de ce fax du 11 janvier 1994 que l’Accusation présentait jusqu’ici comme une des preuves irréfutables de la planification du "génocide des Tutsi" de 1994. L’analyse ci-après le confirme.
Des preuves irréfutables de la manipulation montée par le Général Dallaire.
Les documents[17] divulgués par Roméo Dallaire à l’occasion de sa déposition dans le procès Bagosora et alii, ajoutés à ceux qui étaient déjà connus du public[18] ainsi qu’à la connaissance que nous avons des événements marquants qui ont précédé l’initiative de Roméo Dallaire[19], ne laissent plus aucun doute sur les objectifs visés quand il a rédigé son Fax du 11 janvier 1994, dont l’original n’est ni trouvable dans les archives de l’ONU et ni dans celles de la MINUAR, comme déjà précisé ci-avant.
Avec le fax du 11 janvier 1994, le Général Roméo Dallaire s’est engagé dans une véritable conspiration contre le Président Habyarimana et son parti, le MRND. Pour mener cette opération criminelle, il a compté sur le concours intéressé du Premier ministre désigné, M. Faustin Twagiramungu. Le FPR était parfaitement au courant du complot et, après son échec suite à la méfiance de Kofi Annan et du général Baril, il a pris ses propres dispositions pour exécuter son projet d’assassiner le Président Habyarimana[20]. L’examen physique des documents ci-avant mentionnés et leur confrontation ne débouche que sur cette seule conclusion : le complot ourdi par Roméo Dallaire et Faustin Twagiramungu a échoué parce que le général Maurice Baril et M. Kofi Annan se sont montrés très sceptiques face aux informations transmises par Roméo Dallaire dans ce fax du 11 janvier 1994 qui sollicitait leur couverture pour saccager le siège du parti MRND et renverser le Président Habyarimana par la force ; le tout au profit du FPR et des "Modérés".
Dès le départ, le Général Roméo Dallaire suggérait une attaque de grande envergure:
"It is our intention to take action within the next 36 hours with a possible H HR [H hours] of Wednesday at dawn (local)" (pt 9). [notre explication]
Il recommandait: "It is recommended the informant be granted protection and evacuated out of Rwanda" (pt 10).
Il avouait avoir pris le risque de doubler Roger Booh Booh, son patron, et promettait de l’informer le lendemain:
"Force Commander to inform SRSG first thing in morning to ensure his support" (pt 11).[21]
Plus tard, Roméo Dallaire avouera à ce sujet:
"Une fois Luc parti, j’ai décidé de mettre au courant Booh Booh, le RSSG, dès le lendemain, et d’envoyer au Général Baril un câble soigneusement codé le plus tôt possible. En agissant ainsi, je rompais totalement avec le protocole. La procédure standard voulait que toutes les communications importantes entre un commandant en poste et le DOMP passe obligatoirement par l’hiérarchie civile et politique dans le cas présent, par Booh Booh et son bureau… Le 11 janvier, ma décision d’envoyer ce câble avec ma signature à un conseiller militaire-Maurice Baril en l’occurrence -était absolument sans précédent. J’ouvrais une ligne de communication dans un domaine où je n’avais aucune autorité pour le faire."[22] [notre soulignement]
Le général Maurice Baril accusa réception du câble de Roméo Dallaire mais se montra plutôt sceptique:
"Acknowledge receipt of your cable dated 11 Jan 1994 at 20 15 (NYT). Content being studied. Well get back to you with guidance as soon as possible".[23]
Le chef des opérations de maintien de la paix, à l’époque, M. Kofi Annan, dans son câble Mir 74, s’adressa, non au Général Roméo Dallaire mais, au Représentant spécial du Secrétaire général au Rwanda, M. Roger Booh Booh, en date du 11 janvier 1994. Il faisait référence au câble CNR 12 envoyé le 11 janvier 1994 à New York par le Général Roméo Dallaire et se montrait à son tour très prudent:
"Information is cause for concern but there are certain inconsistencies. We must handle this information with caution."[24]
Le même jour, i-e le 11 janvier 1994, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Rwanda, M. Roger Booh Booh, a réagi à cette correspondance qui lui arrivait de New York.
Dans son câble MIR 79 du 11 janvier 1994, répondant au câble N° 74 de M. Kofi Annan, M. Roger Booh Booh révèle l’implication de Faustin Twagiramungu dans le complot monté minutieusement par le Général Roméo Dallaire contre le MRND:
"4. The person who asked PM (D) [Premier Minister Désigné] to approach FC in order to establish the contact is a Councillor in Foreign Ministry with whom the PM (D) has had a very privileged, professional relationship within the party MDR. The informant is the brother-in-law of the Councillor. 5. The PM (D) expressed total confidence in the veracity and true ambitions of the informant. He is a 100% that the individual wants out of all this killings and disruption. Such an endorsement can not be ignored nor taken lightly"[25] (§ 4 et 5). [notre explication]
Les personnes dont il est question dans ce câble sont : M. Faustin Twagiramungu, PMD-Premier Ministre désigné, Roméo Dallaire, FC-Force Commander, M. Jean Pierre Turatsinze, l’informateur et M. Charles Ntazinda[26], un membre agitateur du MDR, voisin de Jean Pierre Turatsinze et fraîchement promu Conseiller au Ministère des Affaires Etrangères, par le Ministre Anastase Gasana.
Toujours dans son câble No 79, M. Roger Booh Booh a repris l’idée avancée par le Force Commander (FC), le Général Roméo Dallaire, d’utiliser la force:
"FC is prepared to pursue this operation with military doctrine with reconnaissance, rehearsal and implementation using concentrated overwhelming force. Should at any time during reconnaissance, planning or preparation, any sign of a possible contravening or possibility of an undue risky scenario present itself, the operation will be called off."(§7) [notre soulignement]
Dans sa réponse au câble MIR 79 contenue dans le câble UNAMIR 100 relatif aux "Contacts with the Informant", Jean-Pierre Turatsinze, M. Kofi Annan est allé au-delà de la simple interdiction faite au Général Roméo Dallaire de lancer des opérations militaires contre le Président Habyarimana et le MRND. Il a instruit M. Roger Booh Booh et le Général Roméo Dallaire de se conformer aux limites du mandat de la Mission en ces termes :
"We have carefully reviewed the situation in the light of your Mir 79, we cannot agree to operation contemplated in paragraph 7 of your cable as it clearly goes beyond the mandate entrusted to UNAMIR under Resolution 872 (1993)" (§1)
En même temps, M. Kofi Annan leur a instruit d’effectuer les contacts suivants :
- Rencontrer le Président Habyarimana et le mettre en garde contre les activités illégales imputées aux "milices Interahamwe", susceptibles de compromettre le processus de paix ;
- Rencontrer préalablement les Ambassadeurs de Belgique, de France et des Etats-Unis à Kigali pour leur informer de leur démarche et leur suggérer d’en faire de même auprès du Président Habyarimana ;
- Juger de l’opportunité de rencontrer le Premier Ministre désigné avant ou après les entretiens avec le Président, pour lui expliquer les limites du mandat de la MINUAR et lui assurer que, même si le mandat de la MINUAR ne leur permettait pas d’accorder la protection à l’informateur, son identité et leurs contacts ne seront pas révélés.
Devant cette ferme position de New York, M. Roger Booh Booh amena le Général Roméo Dallaire à se conformer aux instructions leurs données dans le câble UNAMIR 100. Dans son câble MIR 95 du 13 janvier 1994, Roger Booh Booh présenta à Kofi Annan le rapport sur les initiatives prises en rapport avec la situation sécuritaire et conclut en ces termes:
"We have taken the following initiatives pursuant to the guidance provided to us in your Fax UNAMIR 100 of 11 January 1994".[27] (§1)
"My assessment of the situation is that the initiative to confront the accused parties with information was a good one and may force them to decide on alternative ways of jeopardizing the peace process, especially in the Kigali area".[28](§8)
Outre le Rapport fait par Roger Booh Booh dans son fax MIR 95, Roméo Dallaire lui-même a été obligé de s’expliquer dans un fax qui serait apparemment resté sous forme de draft[29]. Il avoue: "In accordance with direction received, no offensive military action has been taken. Discussion with President (Head of State) and at his request, the President and National Secretary-general of MRND party were held. The VVIP was not met due to conflicting schedules. A meeting is set up for today"[30](§1).
Démasqué, Roméo Dallaire ne désarme pas pour autant.
Frustré par la position de ses supérieurs, M. Kofi Annan et le général Baril, le général Roméo Dallaire va répéter inconsidérément qu’on l’a empêché d’agir pour stopper les préparatifs du génocide, alors qu’il n’en est rien. Pour crédibiliser la thèse du génocide planifié, cette version des faits inventée par le Général Roméo Dallaire semble avoir été récupérée et renforcée dans un autre fax fabriqué sur commande, longtemps après la création du TPIR, pour remplacer le fax initial envoyé le 11 janvier 1994 par Roméo Dallaire à Maurice Baril qui ne parlait ni de l’extermination des Tutsi (§7), ni de la provocation des soldats belges (§2).
Cette hypothèse est loin d’être une simple spéculation comme pourrait le penser un lecteur pressé. Pour se convaincre de sa vraisemblance, il suffirait de comparer les développements consacrés par Alison Des Forges au fax du 11 janvier 1994 dans son livre, "Aucun témoin ne doit survivre"[31] et ceux consacrés au même fax par Roméo Dallaire dans son livre, "J’ai serré la main du diable"[32] ou ceux faits par Luc Marchal dans son livre, "La descente aux enfers"[33]. La seule conclusion possible est que Alison Des Forges et Roméo Dallaire ont eu accès aux mêmes informations et se sont concertés avant de les traiter. Bien plus, il est très probable que les deux aient largement contribué à la fabrication du fax de substitution dont les copies ont été mises en circulation[34].
Dans cette opération de fabrication d’un fax de substitution à celui du 11 janvier 1994 et de diffusion de copies manipulées, le Général Roméo Dallaire a bénéficié d’importantes complicités, tant au niveau du Secrétariat général des Nations Unies pour retirer des archives et de la circulation le fax du 11 janvier 1994 et, auprès de ses anciens collaborateurs au sein de la MINUAR pour fabriquer et procéder à sa diffusion à Londres[35], à Bruxelles, à New York et, un peu plus tard au TPIR. C’est le Procureur américain, Pierre Richard Prosper qui a le premier déposé la copie manipulée du fameux fax controversé, lors de l’audience du 13 février 1997 dans le procès Akayesu. A l’époque, le Procureur avait refusé de déposer le document original et la Cour se serait contentée de la copie qui, elle-même, a été caviardée avant d'être servie à la Défense.[36]
Le dernier document qui conforte la conclusion suggérée dans cette analyse est la lettre que l’Assistant du Secrétaire général pour les affaires juridiques, M. Ralph Zacklin, a adressée aux avocats de J. Nzirorera et A. Ntabakuze en reconnaissant que l’original du fameux câble adressé le 11 janvier 1994 au général Maurice Baril par le Brigadier général Dallaire était introuvable dans les archives de l’ONU et celles de la MINUAR. Nous en avons discuté plus haut, cf. footnote # 15.
Pour être tout à fait complet, il faut citer la lettre du 19 janvier 1994 adressée par le Comité National Provisoire des "Interahamwe za MRND" au Dr Jacques Roger Booh Booh, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Rwanda, ainsi que le Communiqué du Comité national provisoire des "Interahamwe za MRND" concernant les problèmes cruciaux auxquels notre pays fait face, du 1er février 1994[37]. Ces deux derniers documents font l’objet d’un commentaire ad hoc au point 2.7 et sont intégralement repris en annexe IV, V et VI du présent témoignage.
En réalité, pas plus que Roméo Dallaire et Faustin Twagiramungu qui n’ont jamais accordé une quelconque crédibilité à leur témoin alibi Jean Pierre Turatsinze[38] à l’origine du fax original envoyé le 11 janvier 1994 au Général Maurice Baril mais retiré du dossier et remplacé par une copie d’un nouveau fax fabriqué postérieurement à la mise en place du TPIR pour servir comme élément de preuve de la thèse du génocide planifié, le Procureur n’a jamais considéré Jean Pierre Turatsinze comme un témoin à faire comparaître devant les Chambres. C’est la raison pour laquelle aucune mesure de protection le concernant n’a jamais été prise.
2.5 Une opportune distinction entre les "Interahamwe za MRND"et le phénomène "Interahamwe".
Le souci de globalisation a poussé les détracteurs du MRND et du Président Habyarimana à recourir au vocable largement diabolisé d’Interahamwe pour singulariser tous ceux qu’ils voulaient criminaliser pour les priver de tous leurs droits de citoyens.
Or, les populations qui ont aidé les Forces Armées Rwandaises (FAR) à contenir les assauts du FPR dans la Capitale et ceux qui ont fait face à ses brigades clandestines actives partout dans le Pays n’étaient pas uniquement les seuls jeunes, membres du MRND[39]. Il est tout à fait abusif de les appeler "Interahamwe za MRND".
Au juste, la théorie de l’accusation par miroirs permet de comprendre pourquoi, après avoir tué le Président Habyarimana pour créer le chaos favorable à sa prise du pouvoir par la force, le FPR n’a pas hésité à diffuser partout que ce sont les extrémistes de son entourage qui avaient tué le Président pour pouvoir exécuter leur plan d’extermination des Tutsi. Aujourd’hui, grâce à de nombreux témoignages dont le plus récent est celui du Capitaine Abdul Ruzibiza, il est établi que le FPR a sacrifié des milliers et des milliers de Tutsi et massacré des millions de Hutu pour s’installer au pouvoir et l’exercer sans partage.[40]
Les enquêtes menées par le Procureur depuis des années ne peuvent pas ne pas l’avoir conduit à découvrir la vérité sur les pouvoirs limités de l’organisation embryonnaire de la jeunesse "Interahamwe za MRND", et la diabolisation dont elle a été victime, jusqu’à être accusé des crimes commis par les infiltrés du FPR dans ses rangs, toujours selon Capitaine Abdul Ruzibiza.
D’ailleurs, dans l’acte d’accusation contre Semanza, le Procureur a lui-même reconnu explicitement que "Durant les événements auxquels se réfère le présent acte d’accusation, on en est venu à appliquer le terme ‘Interahamwe’ à des civils, indépendamment des milieux politiques ou des organisations qu’ils fréquentaient, et qui s’attaquaient à la population civile tutsie".[41]
Cette hypothèse est encore appuyée et renforcée par les témoins-experts cités par le Procureur dans le procès Rutaganda qui ont fait une nette et claire distinction entre l’organisation naissante des "Interahamwe za MRND" et le phénomène Interahamwe dont question dans les dossiers portés devant le TPIR par l’Accusation.
Ainsi, M. Filip Reyntjens reconnaît qu’après le 6 avril 1994, le terme "Interahamwe" ne désignait plus les membres de l’organisation de la jeunesse du parti MRND mais plutôt, il était appliqué à tous les jeunes confondus de tous les partis politiques opposés au FPR : "Pour ma part, je pense qu’à compter du 7 avril 1994, l’organisation des Interahamwe n’existait plus au sens strict du terme. Quand je parle de l’élargissement du concept de l’expression Interahamwe, c’est après, parce que le terme a été utilisé de façon beaucoup plus large et ne portait plus seulement sur les membres de cette organisation"[42]. [notre soulignement]
Répondant à la question du Juge Aspegren qui voulait savoir si, aux mois d’avril-mai-juin 1994 quand les gens parlaient des Interahamwe, ils voulaient parler de cette organisation qui était dirigée, entre autres par des gens comme Monsieur Rutaganda, le Professeur Reyntjens déclara : "Je dois répondre avec beaucoup de prudence parce que je n’ai pas moi-même enquêté sur la question… Il est certain que des personnes qui, techniquement, n’ont rien à voir avec les Interahamwe dans les mois qui ont suivi le début du génocide, ont été appelées Interahamwe et ont sans doute obéi à des ordres de la structure Interahamwe. Dans d’autres cas je pense que ce n’était pas ainsi. Nous devons nous garder de voir cette situation comme étant une situation relativement claire et simple, elle était extrêmement complexe. Il n’y a pas eu que la violence génocidaire et les massacres politiques mais également beaucoup de violence purement criminelle, des règlements de compte, la réalisation de projets fonciers. A ce moment-là il devient, à mon sens, beaucoup plus difficile de dire qui ordonne quoi dans une telle situation. Donc, je n’ai pas de réponse satisfaisante à votre question.[43]" [notre soulignement]
Quant à lui, l’ancien procureur de la République de Kigali, M. François Xavier Nsanzuwera, également témoin expert cité par le procureur dans le procès Rutaganda, a reconnu que: "Au moment où nous parlons, bon, le sens a beaucoup évolué. Au départ, les Interahamwe, c’est la jeunesse donc, au départ, c’est la jeunesse du parti MRND ; plus tard, c’est la milice du parti MRND. Et, à partir du 7 avril 1994, les jeunes des autres partis politiques qui ont opté, je dirais, pour l’option qu’on dit Hutu Power, donc les branches radicales des partis MRD, PL, PSD, leurs jeunesses vont grossir les rangs des Interahamwe. Ça ce sont l’état des enquêtes, je dirais, postérieures. Il y’a aussi d’autres jeunes qui n’appartenaient pas à des partis politiques qui vont grossir des rangs des miliciens Interahamwe pendant les mois d’avril, mai, juin, mais, aujourd’hui le mot a un sens sociologique. Quand un Hutu se défend, quand il dit qu’il n’a pas participé au génocide d’avril 1994, il dit : ‘Je n’étais pas un Interahamwe. Donc il peut dire je n’étais pas un milicien Interahamwe du MRND’."[44] [notre soulignement]
Un autre témoin de l’Accusation qui, semble-t-il, a imposé ses conditions au Procureur avant d’accepter de venir répéter ses mensonges qui ont conduit à confondre délibérément la Défense Civile et les Interahamwe za MRND, est l’ancien Premier Ministre Jean Kambanda. Dans son interrogatoire additionnel par Pierre Duclos et Marcel Desaulnier, deux enquêteurs du Procureur, M. Jean Kambanda a prétendu que sa Directive du 25 mai 1994, visait à régulariser une situation existante qu’il a trouvée là-bas. Il revient sur son affirmation selon laquelle la Défense Civile était constituée par les Interahamwe, principalement, auxquels sont venus se greffer les Jeunes des autres partis politiques. (MDR, PSD et CDR notamment)[45].
Paradoxalement, cette affirmation est contredite par sa version originelle sur la même question où il conclut en ces termes : "Il est donc plus que tendancieux d’affirmer qu’il y avait eu formation d’une milice appelée ‘INTERAHAMWE’ destinée à l’élimination des Tutsi et des Hutu dits modérés. Les ‘INTERAHAMWE’ n’étaient, sans plus, que la jeunesse du parti MRND, comme la plupart des autres partis en avaient, tels que ‘INKUBA’ du MDR, les ‘ABAKOMBOZI’ du PSD, les jeunes libéraux du PL et les ‘IMPUZAMUGAMBI’ de la CDR. Même s’il est vrai qu’on retrouvera probablement plus de jeunes du MRND dans la défense civile, il faut reconnaître qu’initialement le projet concernait quasiment toutes les couches de la population, allant comme on vient de le voir des militaires ou réservistes à la jeunesse des partis politiques, la seule condition étant d’être fidèle aux acquis de la révolution sociale de 1959. Les dérapages constatés, et qui ont conduit aux massacres, tels qu’ils ont été décrits ci-avant n’ont rien à voir avec l’organisation de la défense civile."[46] [notre soulignement]
Une dernière illustration de l’utilisation abusive du vocable "Interahamwe" dans le but de diaboliser les personnes visées par pareille dénomination est cette déclaration d’un étudiant tutsi réfugié en Ouganda qui s’exprimait sur les antennes de la BBC-Gahuzamiryango, le 14 décembre 1999 à 19 heures 20, en ces termes: "Nous avons été obligés de nous réfugier en Ouganda, parce que le FPR était contre nous, nous appelait Interahamwe et nos vies étaient par ce fait même en danger. La raison en était que nous ne pouvions pas suivre des cours en français à l’Université Nationale du Rwanda, faute de préparation suffisante en cette langue." [notre soulignement]
Et pour l’Expert Alison Des Forges, elle viendra coiffer tout le monde en publiant ses recherches par les conclusions suivantes: "Dans les entretiens réalisés par Human Rights Watch et la FIDH, des enquêteurs ont constaté que le terme "Garde présidentielle" était un terme générique désignant les militaires qui avaient tué des Tutsi et que "Interahamwe" était utilisé de manière générale pour qualifier des bandes de tueurs civils. "[47] [notre soulignement] Qui alors devrait-il outrepasser toute cette réalité affichée ?
C’est donc délibérément et de mauvaise foi que le Procureur continue de soutenir ses allégations contre des coupables non identifiés, abusivement désignés comme étant des Interahamwe. En effet, le Procureur sait très bien que ce terme Interahamwe n’est plus utilisé pour désigner les jeunes adhérents du MRND. Il est appliqué à tout opposant au FPR, quel que soit son âge, son ethnie ou le parti politique auquel il appartenait lors des événements d’avril à juillet 1994.
Il est grand temps pour le Procureur de ne plus faire semblant d’ignorer que le vocable "Interahamwe" a été utilisé à des fins de manipulation de l’opinion, d’abord par les adversaires politiques du MRND, par les propagandistes du FPR ensuite, pour mieux diaboliser tous ceux à qui cette appellation est donnée. Il ne devait guère servir de base pour formuler des accusations contre les gens, sans avoir mené des enquêtes approfondies pour une correcte identification des personnes visées. En tout état de cause, les juges devraient faire preuve d’un peu plus d’exigences à cet égard et se montrer plus vigilants.
2.6 Des mensonges juteusement rétribués.
Le Procureur devrait renoncer à sa stratégie de globalisation, s’agissant des incriminations à porter contre les Interahamwe car, de son propre chef, il a renoncé à engager des poursuites contre des membres éminents du Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND. Le Procureur a préféré recourir aux déclarations mensongères de Dieudonné Niyitegeka et Ephrem Nkezabera pour faire aboutir ses dossiers à charge plutôt que d’engager des poursuites contre eux.
En effet, en date du 5 février 2002, le Procureur Général Carla Del Ponte lui a signé, pour Dieudonné Niyitegeka, cette décharge en des termes on ne peut plus clairs : "The Prosecutor of the International Criminal Tribunal for Rwanda, having assessed, in accordance with Article 17.1 of the Statute of the Tribunal, information concerning allegations of genocide in Rwanda en 1994 received against Dieudonné Niyitegeka ( date of birth : 30 May 1954) a Rwandan citizen formerly residing in Kigali, Rwanda ; considering that the evidence assessed does not disclose a sufficient basis to procced against the said Dieudonné Niyitegeka; considering further that the said Dieudonné Niyitegeka has co-operated with investigators of the Office of the Prosecutor and that he is willing to give evidence before the Tribunal against persons indicted for genocide and other crimes within the jurisdiction of the Tribunal; Decide not to open a investigation against the said Dieudonné Niyitegeka, signed Carla Del Ponte." [notre soulignement]
Et ce n’est pas tout; car, depuis 1996, l’ancien Trésorier général du Comité National provisoire des Interahamwe za MRND et sa famille sont entretenus par le Procureur. Le relevé de comptes établi le 15 février 2002 par M. Jean Bastarache, enquêteur au Bureau du Procureur à Kigali, semble être cet arbre qui cache la forêt. Depuis cette date, les montants renseignés dans cette déclaration dont la somme s’élevait à 32.605 Dollars américains, doivent avoir atteint des proportions plus importantes.
Cette assertion n’est pas du tout spéculative. Elle est confortée par la condition posée par cet autre ancien membre du Comité National provisoire des Interahamwe za MRND, pour comparaître comme témoin du Procureur dans certains procès actuellement en cours. Après avoir répondu aux questions des enquêteurs du Procureur lors des rencontres organisées à cet effet, l’ancien président de la Commission des Affaires Economiques et Financières au sein du Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND, M. Ephrem Nkezabera, a averti que toutes ses déclarations seront nulles et non avenues si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur les termes et le contenu du contrat que le Procureur doit lui signer avant sa déposition devant les Chambres saisies.
Le Procureur s’est incliné aux exigences d’Ephrem Nkezabera en signant avec lui le juteux contrat du 28 avril 2004. Pour le forcer à respecter ses engagements, le Procureur a demandé aux autorités judiciaires belges de mettre Ephrem Nkezabera en prison jusqu’à la fin de sa déposition devant le TPIR. À noter qu’Ephrem Nkezabera a déjà déposé dans le Procès Bagosora et alii et il est programmé dans le Procès Karemera et alii.
Un troisième transfuge a bénéficié lui aussi des largesses du Bureau du Procureur. Il s’agit de M. Omar Serushago dont rien ne prouve d’ailleurs qu’il était membre adhérent de la Jeunesse "Interahamwe za MRND". Sur ce point, il se pose toujours la question de savoir comment une personne comme Omar Serushago, peut être présentée comme dirigeant des Interahamwe za MRND dans la préfecture de Gisenyi sans préciser le poste qu’il occupait. Je dois ajouter qu’il m’est totalement inconnu!
Après une plaidoirie de culpabilité consécutive à "l’Accord aux fins d’un aveu de culpabilité conclu avec le Bureau du Procureur", le 4 décembre 1998, M. Omar Serushago a été condamné à 15 ans de prison après avoir été reconnu coupable de génocide et de crimes contre l’humanité. Avant ledit "Accord" négocié par ses avocats, M. Omar Serushago avait déjà eu des arrangements avec le Procureur qui lui ont permis, ainsi qu’à toute sa famille, d’être pris en charge financièrement et de bénéficier de toutes les mesures de sécurité y compris la re-localisation de sa famille en Nouvelle Zélande. Au 7 novembre 2001, les montants payés par le Bureau du Procureur à M. Omar Serushago s’élevaient à 5.364 dollars américains[48].
2.7 Une scandaleuse manipulation de la preuve.
Si, contrairement aux méthodes de travail du Procureur, toutes les allégations portées contre les Interahamwe za MRND résultaient des enquêtes sérieuses et impartiales, il est certain que, de par leurs fonctions au sein du Comité National provisoire des Interahamwe za MRND, Dieudonné Niyitegeka et Ephrem Nkezabera auraient figuré parmi les premiers suspects à arrêter. C’est donc un incompréhensible scandale de constater que, faisant fi de toute règle, le Procureur les gratifie des soutiens financiers du Tribunal et leur donne les garanties d’impunité, pourvu qu’ils acceptent de l’aider à faire condamner des innocents. Quelle vérité peut sortir d’une telle subornation de témoins qui affirment avoir commis des crimes?
Que le Procureur du TPIR et ses agents se livrent à la corruption de criminelles en aveu pour conforter sa thèse passe encore sauf que, ce faisant, ils se disqualifient en tant que magistrats. Mais, qu’il utilise les anciens membres du Comité National provisoire des "Interahamwe za MRND" pour faire condamner des innocents est profondément révoltant. C’est de cette façon qu’il faut interpréter les procédures arrangées pour aboutir à la condamnation par le TPIR du 2ième Vice-Président des "Interahamwe za MRND", M. Georges Rutaganda. Mon procès n’aura été qu’une criminelle mise en scène.
C’est pourquoi en ma qualité d’ancien 2ème Vice-Président du Comité National Provisoire des "Interahamwe za MRND", j’ai décidé de parler pour dénoncer toutes les manipulations du Procureur auxquelles M. Ephrem Nkezabera et M. Dieudonné Niyitegeka ont accepté de concourir moyennant rémunération et garantie d’impunité.
Je dénonce les manipulations liées au fax du 11 janvier 1994 et les copies produites comme une des principales preuves de la planification du "genocide" de 1994. Ce document imaginé par le général Roméo Dallaire pour forcer ses supérieurs à New York à lui donner carte blanche pour casser le Président Habyarimana et le parti MRND n’a pas réussi à tromper la vigilance de M. Kofi Annan et le Général Maurice Baril ; d’où l’échec momentané du projet criminel concocté par Roméo Dallaire et Faustin Twagiramungu.
Comme vu plus haut, toutes les personnes qui ont apporté leur concours à Roméo Dallaire dans le montage de son plan avaient leurs raisons d’agir.
· M. Faustin Twagiramungu, alors Premier ministre désigné du GTBE, largement contesté au sein de son parti MDR, pour avoir pactisé avec l’agresseur FPR contre la République, particulièrement depuis la rencontre de Bruxelles du 29 mai au 3 juin 1992, avait besoin de s’assurer du soutien du FPR pour accéder absolument au poste de Premier ministre et à cet effet, le FPR l’a nommé à ce poste après la prise de Kigali.
· M. Charles Ntazinda, voisin de "l’Informateur", Jean Pierre Turatsinze, était fraîchement promu Conseiller au Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération par le Ministre Anastase Gasana. Tous les deux, membres MDR, faisaient partie de la faction pro-FPR comme Faustin Twagiramungu et, comme lui, ils faisaient tout pour s’assurer les faveurs du FPR. Et, effectivement, après la victoire du FPR, Anastase Gasana a été nommé Ministres des Affaires étrangères.
· M. Jean Pierre Turatsinze, alias Abubacar, alias Kassim, qui avait tout perdu au sein du MRND, voulait se venger contre certains de ses dirigeants mais, par opportunisme, jouait la carte du FPR. Comme ces autres instigateurs du complot, il va être récupéré et récompensé par le FPR, après sa prise du pouvoir. Malheureusement, il finira par être liquidé par ce dernier sûrement parce qu’il était un témoin gênant.
· Luc Marchal, Amadou Démé et Frank Claes étaient, tous, des subordonnés du Général Roméo Dallaire dont ils recevaient et exécutaient les ordres sans discuter. La seule personne susceptible de compromettre le complot était M. Roger Booh Booh ; il a été délibérément circuité.
Jusqu’à date, l’Accusation s’est gardée de faire déposer ces témoins pour confirmer la pertinence et le contenu du fax envoyé le 11 janvier à New York. Les seuls de ces témoins à en avoir parlé devant le TPIR sont Roméo Dallaire et Frank Claes, or, ils ont fait des dépositions contradictoires. [49]
Je dénonce l’amalgame délibéré entre le phénomène "Interahamwe" et l’organisation "Interahamwe za MRND" que le Procureur entend utiliser pour faire condamner tout le monde sans apporter la moindre preuve contre eux.
Il est honteux de soutenir la condamnation des ténors du MDR, Jean Kambanda, Jean Paul Akayesu, Eliézer Niyitegeka et ceux du PSD, notamment, Emmanuel Ndindabahizi, pour de fausses allégations selon lesquelles ils auraient dirigé ou utilisé les Interahamwe pour exécuter le "génocide", sans indiquer d’où ils tiraient cette autorité sur la Jeunesse du MRND[50]. Parce qu’il a fait des enquêtes, le Procureur sait certainement que les leaders des partis politiques MDR, PSD et PL, ne pouvaient pas donner des ordres aux "Interahamwe za MRND" qu’ils ont toujours combattus à cause des rivalités politiques.
Chose plus grave, le Procureur continue de soutenir des allégations impliquant les "Interahamwe za MRND" dans des préfectures telles que Gitarama, Butare et Kibuye tout en reconnaissant lui-même[51] que le parti MRND y était faiblement représenté.
C’est à tort que, dans ses accusations, le Procureur soutient obstinément la thèse d’une alliance intervenue entre le MRND et les factions "power" des partis politiques MDR, PSD et PL notamment. Cette affirmation n’a aucun fondement, tout comme la prétendue idéologie du "Hutu power", imaginée pour soutenir durablement la diabolisation de tous les adversaires politiques du FPR afin de les écarter définitivement de l’exercice du pouvoir au Rwanda. Selon l’historien et professeur français, Bernard Lugan dont personne ne peut contester l’autorité sur la question, puisqu’il compte parmi les spécialistes du Rwanda et experts devant le TPIR : "De deux choses l’une: Ou le ‘Hutu Power’ est une ‘invention’ faite à posteriori et la question est scientifiquement réglée ou au contraire le ‘Hutu Power’ est une réalité. Les rédacteurs de la Revue Dialogue affirment qu’il n’existait pas au sein du MDR. Dans ces conditions, aurait-il uniquement existé au MRND et à la CDR ? Nous ne sommes pas à mesure de répondre à ces questions. Dans l’immédiat, la nébuleuse ‘Hutu Power’ conserve donc son mystère."[52] [notre soulignement] C’est parce que je partage entièrement ce doute du Professeur Bernard Lugan, que je suis fondé à dénoncer la manipulation entretenue autour de ce vocable.
Je dénonce le comportement inadmissible de mes anciens collègues Ephrem Nkezabera et Dieudonné Niyitegeka qui, à cause des avantages matériels et des promesses d’échapper aux éventuelles poursuites, reçus du Procureur, ont accepté de mentir au lieu de dire la vérité qu’ils connaissent bien.
Cette vérité là, il en a été question dans notre lettre du 27 mai 1992 adressée à Monsieur le Premier ministre Dismas Nsengiyaremye, que Dieudonné Niyitegeka a signée.
Cette vérité est relatée dans la lettre adressée le 19 janvier 1994 à Son Excellence Monsieur Jacques
Roger Booh Booh, Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, que Ephrem Nkezabera et Dieudonné Niyitegeka ont signée.
Cette vérité se retrouve consignée dans le communiqué du Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND concernant les problèmes cruciaux auxquels le pays fait face, publié le 1er février 1994, dont le projet a été préparé par Ephrem Nkezabera.
Pourquoi alors, M. Dieudonné Niyitegeka et M. Ephrem Nkezabera qui ont apposé leurs signatures à ces différents documents n’en font-ils même pas mention dans leurs dépositions juteusement rétribuées ?
2.8 Conclusion partielle.
Plus près de nous, l’ancien capitaine de l’Armée Patriotique Rwandais, Abdul Ruzibiza vient lui aussi de témoigner éloquemment de cette vérité en ces termes : "Le désordre au sein de l’armée gouvernementale, l’absence de protection de la ville malgré l’omniprésence des Interahamwe, des militaires et des gendarmes nous donnait envie de nous en emparer. Tout le monde s’accordait pour dire qu’il était facile de s’emparer de Kigali, mais que les conséquences seraient difficiles à gérer.
Tous ceux qui travaillaient sur le terrain auprès de la population, auprès des partis politiques, auprès des Interahamwe, auprès des politiciens s’accordaient pour dire que le plus grand nombre des Rwandais privilégiaient la voie des accords d’Arusha, mais que pour les extrémistes, Arusha restait une illusion. Pour les deux parties au conflit, il ne restait plus qu’à envisager le plan A, qui consistait à rechercher comment reprendre les hostilités, parce que le plan B qui devait intervenir après l’intégration des deux armées en une armée nationale, demeurait un secret propre à chacune des parties. Toutes les prédictions affirmaient que les hostilités devaient reprendre sans faute, qu’elles seraient très violentes et qu’elles allaient emporter énormément de vies humaines parmi la population civile"[53]
Dans son livre "J’ai serré la main du diable", le Général Roméo Dallaire avoue à propos des entretiens qu’il a eu à Mulindi avec Paul Kagame le 02 avril 1994, soit quatre jours seulement avant l’attentat du 6 avril 1994 : "Il m’a paru distant et un peu renfermé lorsque je lui ai posé la même longue liste de questions épineuses. … Finalement, je lui ai demandé s’il avait des questions à me poser. Il a voulu savoir ce qui se passait avec la proposition concernant l’admission du CDR et du PDI. J’ai regardé son visage. Jamais, je ne l’avais jamais vu aussi sombre. Il a ajouté que nous étions à la veille d’un cataclysme et qu’une fois enclenché, aucun moyen ne permettrait de le contrôler."[54] [notre soulignement] Voilà, Roméo Dallaire s’est gardé d’intervenir pour empêcher le cataclysme lui annoncé par Paul Kagame. Peut-il être raisonnablement venir témoigner à charge au lieu d’être poursuivi pour ses défaillances et ses omissions criminelles dans la tragédie rwandaise ?
Ce sont là certaines des raisons qui m’ont poussé, en ma qualité de 2ième Vice-Président du Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND, à rompre le silence pour dénoncer tous les mensonges élevés contre les Interahamwe za MRND par ceux-là mêmes qui étaient censés les représenter ; par le Général Roméo Dallaire et ses complices, particulièrement, M. Faustin Twagiramungu ; par le Procureur du TPIR et ses témoins entraînés et, des fois, payés pour mentir.
Je crois fermement que la réconciliation des rwandais dont les hommes au pouvoir à Kigali parlent tant, sans trop y croire, ne verra pas le jour aussi longtemps que la vérité sera absente des décisions judiciaires rendues par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, par les Juridictions rwandaises ou par d’autres Juridictions de part le monde.
Partie III : Le Capitaine Amadou Démé, témoin gênant pour le TPIR.[55]
3.1 Les circonstances de rencontre du Capitaine Amadou Démé avec M. Rutaganda Georges au Rwanda, en avril-juillet 1994.
Comme il est déjà connu, dès fin 1993, l’ONU disposait d’une mission pour la paix au Rwanda dénommée Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda-MINUAR. Parmi ses composantes se trouvaient plusieurs troupes de différentes nationalités, notamment celle des sénégalais dont le Capitaine Amadou Démé faisait partie. C’est dans le cadre de son travail d’officiel de renseignements de la MINUAR que, durant la période d’avril-juillet 1994, le Capitaine Amadou Démé a plusieurs fois sollicité et côtoyé M. Rutaganda Georges. Témoin potentiel à décharge dans l’affaire Rutaganda, le Tribunal l’éloignera discrètement d’Arusha afin d’écarter toute éventualité pouvant entraver la condamnation de M. Rutaganda Georges. C’est cette manipulation que je dénonce.
3.1.1 Première rencontre avec le Capitaine Amadou Démé.
La première fois que j’ai rencontré l’Officier de la MINUAR, Capitaine Amadou Démé, c’était pendant les événements du Rwanda en avril-juillet 1994, dans la deuxième quinzaine du mois d’avril 1994. C’était dans mon Bureau situé au Garage dit AMGAR, cellule Gakinjiro, secteur Cyahafi, commune Nyarugenge, Préfecture de la Ville de Kigali, devenu l’adresse de mes activités commerciales pendant les événements d’avril-juillet 1994, à Kigali. L’endroit a été également identifié par le Procureur du TPIR comme étant le garage AMGAR.
Ce jour là, le Capitaine Amadou Démé est venu avec Robert Kajuga, Président du Comité Nationale Provisoire des Interahamwe za MRND, m’inviter à participer à une réunion à l’Hôtel des Diplomates. Face à mon souci de connaître d’abord l’objet de cette réunion ainsi que l’identité des participants, ils m’ont expliqué qu’il s’agissait d’y rencontrer d’autres officiers de la MINUAR qui nous y attendaient pour parler de la situation sécuritaire dans la ville de Kigali en général et de l’apport que les Interahamwe za MRND pouvaient fournir à la MINUAR. Jugeant inopportune cette réunion avec les officiers de la MUNAR que je ne connaissais pas du tout, j’ai d’abord décliné cette invitation.
Sur insistance du président des Interahamwe za MRND Robert Kajuga, que Amadou Démé avait préalablement convaincu, j’ai fini par accepter d’y aller. Dans mon fort intérieur je me disais que cette démarche pouvait contribuer positivement à ramener la paix et partant, sauver des vies humaines. Par ailleurs, pendant cette période pénible, mon principe était de ne refuser aucune initiative pouvant secourir des personnes en danger. Même si, après coup, je réalise que les Officiers de la MINUAR, en nous invitant, avaient un agenda caché, c’est cette unique volonté d’aider qui me poussa à accepter d’aller à cette réunion avec des gens que je ne connaissais pratiquement pas.
Nous sommes partis dans la jeep blanche, Toyota Land Cruiser de la MINUAR conduite par le Capitaine Amadou Démé et sommes arrivés à l’Hôtel des Diplomates. Arrivés à l’Hôtel des Diplomates, nous avons été conduits dans la salle de réunion située au-dessus du Bar de la cave, près du bureau du personnel, où nous attendait effectivement une équipe des officiers de la MINUAR.
Autour de la table, un Officier de la MINUAR dont j’ignore le nom annonça l’objet de la réunion qui m’embarrassa franchement. Presque en ces termes, il déclara : "Nous voudrions que vous, le Comité National des Interahamwe za MRND, vous entriez en négociations avec le FPR pour un cessez-le-feu et obtenir un accord de paix". Ma réaction a été immédiate et négative.
Je n’ai pas supporté que la réunion perdure puisque, à mes yeux, c’était inacceptable et la réunion était sans intérêt. Je leur ai immédiatement expliqué que nous n’avions aucun rôle à jouer dans ce genre de négociations, car la MINUAR ne nous avait jamais vu à Arusha, ni pour les négociations, ni pour la signature des Accords de Paix d’Arusha. Ma position était que la MINUAR devait s’adresser au Gouvernement en place ou à l’autorité préfectorale.
Robert Kajuga, étant du même avis que moi, les discussions se sont arrêtées là et le Capitaine Amadou Démé m’a reconduit à mon bureau à Gakinjiro.
Notre réunion n’a pas duré plus d’une quinzaine de minutes mais le Capitaine Amadou Démé nous a fort remerciés pour notre disponibilité. Le Capitaine Amadou Démé est reparti avec Robert Kajuga.
Je ne me souviens pas de la date de cette première rencontre avec le Capitaine Amadou Démé. Certainement qu’en consultant le journal de campagne du Capitaine Amadou Démé ou les archives de la MINUAR, on peut retrouver la date de la réunion et la liste des participants car, pour eux, cette rencontre était officielle et avait été programmée.
3.1.2 Deuxième rencontre avec le Capitaine Amadou Démé.
La deuxième fois que j’ai rencontré le Capitaine Amadou Démé, c’était environ une ou deux semaines après la première réunion, pratiquement avortée. Recourant à la même formule que précédemment, Amadou Démé est revenu avec Robert Kajuga, président du comité provisoire des Interahamwe za MRND, au garage AMGAR et m’ont encore une fois demandé de venir avec eux à une réunion à l’Hôtel des Diplomates où d’autres officiers de la MINUAR nous attendaient.
Je leur ai posé les mêmes questions que précédemment, en insistant sur l’inutilité de cette démarche.
Mais, après un débat qui se prolongeait et sur insistance de Robert Kajuga, nous sommes finalement partis ensemble dans la jeep blanche, Toyota Land Cruiser de la MINUAR conduite par le Capitaine Amadou Démé et nous nous sommes rendus à l’Hôtel des Diplomates où nous attendaient des officiers de la MINUAR dans la même salle de réunions utilisée précédemment.
Autour de la même table un Officier de la MINUAR, autre que le Capitaine Amadou Démé, a pris la parole et nous a annoncé que la MINUAR voulait notre aide sur les barrières, i-e de la part des Interahamwe za MRND, dans le projet de la MINUAR de transférer les fugitifs se trouvant à l’Hôtel des Mille Collines vers la zone du FPR, en échange des fugitifs qui se trouvaient dans la zone du FPR désirant rejoindre le côté gouvernemental.
Comme pour la réunion précédente, j’ai immédiatement pris la parole pour leur dire que le Comité provisoire des Interahamwe za MRND n’avait aucune autorité sur les barrières ; la meilleure preuve était les humiliations que nous venions de subir sur celles traversées entre le garage AMGAR, d’où Amadou Démé nous avait pris et l’Hôtel des Diplomates.
En fait, le Capitaine Amadou Démé venait d’être témoin de ce qu’aucune relation d’autorité ou aucun traitement de faveur n’existait entre les gens tenant les barrières et nous-mêmes. Le fait de nous déplacer dans un véhicule de la MINUAR n’avait pas, non plus, modifié la rigueur des contrôles sur chaque barrière traversée et les vexations dont je viens de parler.
Encore une fois, ma conclusion était que la MINUAR devait d’adresser soit au Gouvernement en place, soit à l’Administration de la Préfecture de la Ville de Kigali-PVK, qui étaient les mieux à même de lui garantir les services qu’elle attendait recevoir de la part des Interahamwe za MRND. J’ai ajouté qu’à mon avis, il serait prudent de s’assurer, préalablement, de l’avis favorable de chaque responsable de barrières qu’ils comptaient traverser, même si la MINUAR obtenait l’aval des autorités.
Comme Robert Kajuga était du même avis, il n’y avait plus autre chose à faire sinon d’arrêter les discussions qui avaient pris à peine vingt minutes.
Apparemment, lors de la première réunion, nos interlocuteurs n’avaient pas été convaincus par notre position sinon ils ne seraient pas revenus à nous. Mais à mon avis, l’intoxication orchestrée par le FPR et d’autres détracteurs des Interahamwe za MRND dont la MINUAR elle-même, avait fini par convaincre les officiers de la MINUAR, que nous n’avions pas été sincères lors de la précédente rencontre. C’est pourquoi ils étaient revenus à la charge.
Sans tarder, le Capitaine Amadou Démé nous a reconduit chez-moi. Au garage AMGAR, il m’a donné une bouteille de Dry Gin pour me remercier de ma disponibilité. J’ai immédiatement donné cette bouteille de Gin aux gens de la barrière près du garage car je n’en prenais pas. Bien plus, j’ai suggéré au Capitaine Amadou Démé de ne pas hésiter à offrir un pour-boire à ces gens des barrières pour favoriser l’aboutissement facile de sa mission ! Il est reparti avec Robert Kajuga.
Tout comme la réunion précédente, cette dernière m’a semblé tellement informelle que je n’ai pas cherché à retenir sa date ou les noms des participants. Tout ce dont je suis sûr, c’est que le Général Roméo Dallaire, le Commandant de la MINUAR, n’était pas présent à aucune de ces deux rencontres puisque je connaissais bien sa figure pour l’avoir vu ailleurs.
Parlant de ses rencontres avec les chefs des Interahamwe, Roméo Dallaire écrit : "J’avais besoin de leur accord personnel afin de pouvoir les rendre personnellement responsables si cela tournait mal. Je voulais aussi leur parler directement des transferts des réfugiés entre les lignes de combat, pour la bonne raison que Bizimungu refusait de le faire"[56]
Ainsi, Roméo Dallaire reconnaît que sa première rencontre avec les chefs des Interahamwe a eu lieu le 1er mai 1994, tard dans l’après-midi à l’Hôtel des Diplomates, et que Bizimungu et Bagosora y ont assisté. C’est, selon Dallaire, Bagosora qui lui a présenté « ces chefs singuliers »[57] qui représentaient le Comité National des Interahamwe à savoir : "Robert Kajuga, Bernard Maniragaba et Ephrem Nkezabera"[58]. À noter que Georges Rutaganda n’est pas cité par Roméo Dallaire parmi les participants à cette réunion.
Quant à la rencontre dont Georges Rutaganda parle, sans pour autant se souvenir de la date exacte, il est maintenant certain que c’est celle du 3 mai 1994, jour de la première tentative de transfert des réfugiés vers la zone FPR. Le Général Roméo Dallaire la présente lui-même comme un piège tendu aux "miliciens" dans le cadre d’"un premier test qui lui permettrait de constater si les belligérants Hutus contrôlaient vraiment la situation". (Ibidem, page 441)
Les officiers chargés par le Général Roméo Dallaire de piéger les « miliciens » en même temps qu’ils devaient faire ce premier test en déplaçant « certains individus parmi les Tutsi, pro-FPR, de l’Hôtel des Mille Collines jusqu’à l’arrière des lignes du FPR, à l’extérieur de Kigali » sont nommément cités à la page 441 du même livre de Roméo Dallaire. Il s’agit de:
- Henry, chef de mission (non autrement identifié) ;
- Yaache, l’aide du chef de mission (non autrement identifié) ;
- Le Major Don MacNeil, canadien, membre de la cellule d’action ;
- Le Capitaine André Demers, canadien, membre de la cellule d’action ;
- Le Capitaine Amadou Démé, sénégalais.[59]
3.1.3 Troisième rencontre avec le Capitaine Amadou Démé.
Ma troisième rencontre avec le Capitaine Amadou Démé, au Rwanda, fut presque simultanée à la deuxième rencontre ci-haut relatée. Une heure après notre séparation, au niveau du garage AMGAR, le Capitaine Amadou Démé est revenu, cette fois-ci tout seul, mais toujours dans sa jeep blanche, Toyota Land Cruiser de la MINUAR. Il était au bord de l’hystérie.
Très agité, le Capitaine Amadou Démé m’a invité à entrer dans sa jeep pour causer à l’intérieur car, disait-il, il venait de vivre une situation terrible. Presque dans ces termes il disait: "Viens, entre, aide-nous et vite" et je lui demandais: "Quoi?". Il disait : "Entre dans la jeep, je vais t’en parler quand tu seras à l’intérieur avec moi". En même temps, il répondait aux appels incessants de ses collègues par les motorolla. Malgré de sérieuses appréhensions, je me suis décidé enfin à monter dans la jeep, en culotte et sandales exactement les mêmes que je portais dans la matinée, quand il m’avait conduit à l’Hôtel des Diplomates en compagnie de Robert Kajuga.
Le Capitaine Amadou Démé, au volant, démarra la jeep et, roula lentement d’abord mais se mit vite à accélérer, en prenant la direction du rond-point principal de Kigali. Très difficilement, le Capitaine Amadou Démé essayait de me raconter la catastrophe dans laquelle se trouvait la MINUAR par l’erreur de leur officier chargé de la logistique qui, selon Amadou Démé, avait organisé le déplacement des réfugiés de l’Hôtel des Mille Collines sans l’avis préalable de ses chefs.
Alors que j’y mettais tous les efforts pour comprendre de quoi il me parlait, nous étions déjà rendus au milieu d’une foule de gens enragés, à Kanogo, près de la station d’essence « SOPECYA ». C’était à ce niveau que le convoi de la MINUAR desdits réfugiés de l’Hôtel des Mille Collines vers la zone FPR avait été bloqué; les mêmes pour lesquels la réunion du matin était censé solliciter notre aide pour leur transfert!
La foule à laquelle les officiers de la MINUAR faisaient face était tellement en colère, agitée et hétérogène que m’y mêler pour la convaincre du contraire de sa position était en soi une menace réelle pour ma vie. Cette masse de personnes était composée de civils chargés de superviser la barrière à cet endroit, de milliers de gens en provenance des environs mélangés avec des militaires puisque c’était pratiquement la ligne de démarcation entre les FAR et le FPR. D’ailleurs, pendant que nous y étions, les bombes et les balles lancées des positions du FPR tombaient dans tous les sens autour de nous.
En fait, le Capitaine Amadou Démé me demandait de l’aider à débloquer la situation afin de permettre à leur convoi de poursuivre sa route vers la zone du FPR. Le récit de cet événement se trouve relaté en détails dans une autre note. Cependant, je retiens pour y insister que la MINUAR venait de tomber dans la situation contre laquelle j’avais mis ses officiers en garde lors de notre rencontre du matin à l’Hôtel des Diplomates.
Le Général Roméo Dallaire lui-même reconnaît clairement que ces réfugiés constituaient l’élite de l’ethnie tutsi en les qualifiant de "membres de l’intelligentsia tutsi"[60] ; que, suite à leur retour à l’Hôtel des Mille Collines l’Hôtel "est devenu de ce fait un lieu beaucoup moins sécuritaire puisque la milice et l’AGR connaissaient désormais l’identité de quelques personnages importants qui s’y trouvaient".[61] [notre soulignement]
Moi-même je me retrouvais dans l’engrenage du fait que j’étais déjà rendu sur place. D’autre part, la tâche de négocier était rendue complexe par ce fait accompli devant lequel les responsables des barrières et les autorités locales étaient placés, en plus de la situation particulière découlant du fait que nous nous trouvions sur la ligne de démarcation entre les deux belligérants.
à un moment donné, presque au point d’abdiquer devant l’impossible, je suis allé demander au Capitaine Amadou Démé s’ils étaient prêts à utiliser la force pour libérer les réfugiés. Le Capitaine Amadou Démé m’a répondu que non car, ajouta-il : "Ces gens furieux n’en veulent pas à nous ; or, nous ne pouvons utiliser la force que quand on s’attaque directement à nous". Cette réponse du Capitaine Amadou Démé m’a rendu plus perplexe et furieux à la fois.
Nonobstant, et sur base de mon principe de ne pas rejeter toute action pouvant aider les gens en danger, j’ai déployé tous les efforts pour sauver ces centaines de familles de l’élite Tutsi qui ne cachaient plus leur option pour le FPR. Aujourd’hui encore, je me félicite de l’issue heureuse trouvée pour ces réfugiés qui, de surcroît, avaient signé leur arrêt de mort en démontrant publiquement leur complicité avec l’agresseur dont les bombes continuaient de tomber sur ces populations en colère.
Pour apprécier mon intervention en leur faveur, il faudrait se référer au témoignage du journaliste et témoin du Procureur, M. Kamilindi Thomas, au sujet de cet incident de Kanogo: « Ma femme a aperçu Georges RUTAGANDA qui était arrivé sur place entre temps. … Chaque barrage était structuré et il fallait palabrer avec les responsables pour pouvoir passer. Georges RUTAGANDA a plaidé notre cause auprès des Interahamwe et a demandé qu’on nous laisse passer, mais il n’a pas réussi." [62] [notre soulignement]
Depuis ce jour, je suis marqué par le risque que j’ai couru lorsque je suis intervenu en faveur de ces personnes, particulièrement lorsqu’il a fallu sauver une jeune fille qui s’était enfermée dans la cabine d’un camion de la MINUAR et qui risquait d’être la seule victime après le retour des autres réfugiés à l’Hôtel des Mille Collines.
A un certain niveau, il a fallu que j’invente des histoires invraisemblables, que je promette d’importantes sommes d’argent et surtout que je promette d’offrir dix (10) cartons de Carlsberg, le tout aux gens à qui je demandais de m’aider à faire passer le message dans la foule.
Lorsque l’affaire a été réglée, le Capitaine Amadou Démé ne s’est même pas souvenu qu’il m’avait amené dans sa jeep, en culotte et en sandales. Il a embarqué les réfugiés dans sa jeep et n’est jamais revenu au moins pour s’assurer de ma survie. La foule s’est défoulée sur les biens des réfugiés et, dans le chaos, personne ne pouvait empêcher ce pillage. Il n’a pris que quelques minutes pour que la nuit tombe et c’est dans ces circonstances d’extrêmes difficultés que je me suis débrouillé pour rentrer au garage AMGAR.
Ce fut ma dernière rencontre avec le Capitaine Amadou Démé, au Rwanda, jusqu’au jour où je vais le retrouver à Arusha, moi prisonnier, lui officier de sécurité du TPIR.
3.2 Les circonstances de rencontre entre le Capitaine Amadou Démé et M. Rutaganda Georges, à Arusha, en Tanzanie, le 25 mai 1996.
3.2.1 Quatrième et dernière rencontre avec le Capitaine Amadou Démé.
La dernière occasion où j’ai rencontré Amadou Démé, c’était à mon arrivée au Quartier pénitentiaire de l’ONU (UNDF) à Arusha, le même jour de notre transfert en provenance de Lusaka, Zambie, le 25 mai 1996. M. Amadou Démé était à ce moment officier de sécurité du TPIR affecté au Quartier pénitentiaire, dirigé par M. Timothy MacFadden, actuel Commandant du Quartier pénitentiaire de l’ONU à La Haye-UN detention unit. M. Amadou Démé était parmi les officiers de sécurité qui nous ont accueillis à l’aéroport d’Arusha et qui nous ont conduit à la prison.
Pour moi, c’était une heureuse surprise de revoir M. Amadou Démé à mes côtés ; car dans mes projets de défense, je me demandais comment et où je pourrai le retrouver et lui demander de témoigner en ma faveur devant le TPIR. Cette nouvelle rencontre était providentielle car, je considérais et considère encore M. Amadou Démé comme le témoin clé dans ma défense. Il est parmi les rares personnes représentant la Communauté Internationale qui, pour m’avoir côtoyé en avril-juillet 1994 au Rwanda, peuvent parler de mon comportement pendant les événements malheureux jugés par le TPIR.
C’est pour cela que, à peine quelques heures après notre arrivée à UNDF, j’ai immédiatement sollicité Amadou Démé pour qu’il vienne témoigner pour moi dans ce procès injuste auquel j’étais mêlé. Il m’a donné son accord et m’a affirmé être prêt à déposer en ma faveur parce que, selon ses propres termes, il ne comprenait pas pourquoi j’avais été arrêté par le TPIR. Me rejoignant dans la cellule où j’étais confiné, M. Amadou Démé m’a personnellement fait cette confidence en ces termes: "Calme-toi, je ferai tout le nécessaire". Mais depuis, je ne l’ai plus revu. C’est la raison pour laquelle je me pose toujours des questions sur lui, sur son vrai statut et ses véritables activités.
Pensant naïvement que le TPIR avait pour mission de découvrir la vérité sur le drame rwandais, j’ai soumis mon problème au Commandant du Quartier pénitentiaire, M. Timothy MacFadden qui, à son tour, m’a mis en contact avec le Greffier Adjoint, M. Hugues Verita (de nationalité danoise). Ce dernier me recommanda d’écrire au Greffier ; ce que j’ai fait, le 4 juin 1996, en ces termes:
"J’ai l’honneur de solliciter auprès de votre haute autorité l’organisation d’une audition de mon témoin, ceci pour le caractère officiel.
En effet, après avoir contacté Monsieur le Commandant du quartier pénitentiaire des Nations Unies et Monsieur le Greffier Adjoint, respectivement le 01/06/1996 et le 04/06/1996, il a été conclu de vous adresser une lettre à cette fin.
Monsieur Amadou, votre actuel agent de sécurité, était en avril-juillet 1994, un officier de la MINUAR à Kigali. Il est venu me solliciter plus de deux fois pour participer dans des réunions de pacification et dans la grande opération de sauvetage: ‘72 ADULTES-EVENEMENTS 1000 COLLINES-MINUAR’[63]. Il est opportun de mener une conversation avec lui et élaborer un écrit pour contribuer à apporter de la lumière sur mon dossier." [64]
Entre temps quand mon Avocat, Maître Luc De Temmerman, prendra connaissance de ma lettre du 4 juin 1994 au Greffier, il me fit une remarque sèche en ces termes : " Je reçois votre fax à l’instant. Puis-je vous demander de ne pas prendre des initiatives (témoignages) sans me demander conseil. Monsieur Amadou aura maintenant inutilement des pressions !"[65] Ce qui ne tarda pas à se produire.
Pour moi, il n’était pas question de me reprocher quoi que ce soit, car mon initiative visait, selon moi, à faciliter l’accomplissement de la noble mission du TPIR de rechercher la vérité et ainsi me rendre Justice rapidement.
Dans les faits, je n’ai pas pris longtemps à me désillusionner quant la préoccupation du TPIR, lorsque environ trois semaines plus tard le Greffier Adjoint, M. Hugues Verita, viendra me donner une réponse verbale, en ces termes: "Le Greffe s’est occupé de votre requête lui adressée dans votre lettre du 4 juin 1996 et le tout a été fait selon votre demande". Evidemment, sa démarche était pur mensonge car, ni moi, ni mon avocat Maître Luc De Temmerman, n’avions été saisis d’un quelconque programme d’audition du témoin Amadou Démé.
Alors, je lui ai répondu que sa communication verbale ne me donnait pas du tout satisfaction et que je m’attendais toujours à une suite écrite de la part du Greffier à qui j’avais écrit. Bien évidemment mon attente n’aura jamais de suite officielle!
Ce qui me troublait le plus, c’est que ce même Greffier Adjoint qui était venu me donner la réponse verbale du Greffier avait été à l’origine de ma décision d’écrire au Greffier et, au nom du Greffier, avait accusé réception de ma lettre du 4 juin 1996![66]
Par ailleurs je n’ai pas été le seul à enregistrer la volonté clairement déclarée du Capitaine Amadou Démé de déposer en ma faveur, convaincu de mon innocence, car il avait été témoin de mon comportement notamment lors du grave incident du 03 mai 1994 au carrefour SOPECYA-Kanogo. Il en a parlé à son collègue, M. Wayne Hall, également officier de sécurité du TPIR à l’époque. Ce dernier m’en a fait part en 1998, lorsque je lui ai demandé de m’aider à retracer M. Amadou Démé.
En fait, d’après les renseignements obtenus, au lieu de donner une suite positive à ma lettre du 04 juin 1996, le Greffier avait décidé de muter M. Amadou Démé, d’abord au siège du TPIR, ensuite au Bureau du Procureur et à la branche UN-Human Rights à Kigali, endroit inaccessible à la Défense, au regard de la situation politique qui prévalait dans ce pays.
Malgré cette mesure de blocage du Greffe, la Défense n’a pas renoncé à re-localiser M. Amadou Démé ; mais chaque fois qu’elle était au point d’entrer en contact avec lui, des interventions puissantes faisaient en sorte qu’il soit muté et caché le plus loin possible de la Défense et ces obstructions se sont poursuivies jusqu’à la fin du procès en première Instance.
Mon Avocate, Maître Tiphaine Dickson, s’est également investie pour re-localiser M. Amadou Démé mais, ne parvint pas à venir à bout des obstructions visant à empêcher la déposition de M. Amadou Démé devant le TPIR.
Le Juge Laïty Kama avait tous les atouts pour le faire venir déposer. Malheureusement, il a préféré soutenir sa disparition pour ne pas compromettre les desseins cachés du TPIR à mon sujet. En effet, alors que ma Défense n’a cessé de demander à la Chambre d’intervenir pour retrouver et faire déposer M. Amadou Démé, le Juge Laïty Kama à la fois Président du TPIR et Président de la Chambre appelée à me juger et, de surcroît, de même nationalité sénégalaise que Amadou Démé, n’a rien entrepris pour favoriser sa déposition. Si le Juge Laïty Kama l’avait voulu, il n’y a aucun doute que Amadou Démé aurait été entendu par la Chambre I, avant mon Jugement.
Malgré toutes ces entraves érigées par le TPIR afin d’éviter tout contact entre la Défense et le Capitaine Amadou Démé, jusqu’au prononcé du Jugement en première Instance, le 06 décembre 1999, et même après, la Défense a continué à y mettre tout le paquet pour le localiser et, finalement, notre enquêteur est parvenu à le localiser au début de l’année 2002, dans les forêts lointaines de la République Démocratique du Congo, toujours au service des Nations Unies, la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC). Très embarrassé par ces retrouvailles inattendues, M. Amadou Démé a refusé de coopérer avec la Défense. Il a même difficilement accepté de recevoir mon enquêteur et ne lui a donné que de réponses évasives.
Bien plus, M. Amadou Démé s’est certainement plaint auprès du Greffe, car cette rencontre coûta chère à mon équipe de Défense qui s’est vue retirer tous ses auxiliaires. De façon simultanée, l’assistant et l’enquêteur ont été immédiatement révoqués, sans doute pour avoir retrouvé M. Amadou Démé avec les moyens financiers du TPIR. C’est la seule conclusion que m’a dictée la coïncidence du renvoi de mon enquêteur avec son retour de la mission en RDC pour rencontrer Amadou Démé.
Il ne s’agit pas d’une banale spéculation. En feuilletant les éléments justificatifs dans l’affaire Karemera et autres (ICTR, 98-44-I), j’y ai découvert les renseignements suivants, selon le témoin du Procureur ZE : "Le 13 janvier 1994 j’ai eu un deuxième entretien avec l’informateur. La rencontre a été positive puisque notre informateur était d’accord pour nous montrer les caches d’armes. A cette occasion, l’adjoint du Capitaine CLAEYS, le Capitaine DEME (Sénégal) est allé avec lui pour voir l’emplacement des caches d’armes. Ainsi l’Informateur et l’Officier de la MINUAR ont pu localiser plusieurs caches d’armes dont celle située au siège du Parti MRND à Kimihurura. Notre Officier de renseignements a lui-même vu des armes cachées dans l’édifice qui servait de siège au MRND à Kimihurura. … "[67] [notre soulignement]
Des éléments de preuve indiscutables, car émanant du témoin du Procureur le Général Roméo Dallaire dans le procès Bagosora et consorts, ont permis d’appréhender le rôle du fameux fax du 11 janvier 1994 dans le complot ourdi par le Général Roméo Dallaire et M. Faustin Twagiramungu contre le Président Habyarimana et le parti MRND. Une analyse exhaustive de ce télégramme a été faite dans l’annexe, ci-jointe. Cette note démystifie le mystère entretenu sur les informateurs M. Jean Pierre Turatsinze et M. Amadou Démé.
S’agissant de ces deux individus, informateur et agent de renseignement de Roméo Dallaire, l’élément le plus troublant est ce refus de l’Accusation de les citer comme témoins alors qu’elle présente les informations dont ils sont censés être la seule source comme des éléments de preuve de la prétendue planification du génocide.
34.Le Procureur n’a pas osé citer Jean Pierre Turatsinze comme témoin à charge dans le procès du 2ième Vice-Président des Interahamwe za MRND. Maître Tiphaine Dickson l’a fait remarquer à la Cour et celle-ci a feint de n’avoir rien entendu. Depuis, Jean Pierre Turatsinze a été liquidé faute de protection, contrairement aux autres transfuges des Interahamwe za MRND, courtisés et financièrement pris en charge par le Procureur, notamment : Omar Serushago ; Eprhem Nkezabera ; Dieudonné Niyitegeka et Phénéas Ruhumuliza. Le Procureur n’a pas voulu que le Capitaine Amadou Démé témoigne pour la Défense dans l’Affaire Rutaganda. En concertation avec le Greffe du TPIR, il a mis des obstacles infranchissables pour que la Défense de Georges Rutaganda ne puisse pas localiser ce témoin clé, subtilement éloigné d’Arusha au moment où il venait d’accepter de déposer pour la Défense.
La question fondamentale à laquelle le Tribunal refuse de s’attaquer pour ne pas ruiner la thèse du Procureur mais que les avocats de la Défense devraient soulever est la suivante : les informations prétendument fournies à la MINUAR par Jean Pierre Turatsinze sur les caches d’armes dans la ville de Kigali, y compris au siège du Parti MRND à Kimihurura, ont-elles été effectivement vérifiées par le Capitaine Amadou Démé et confirmées au Colonel Luc Marchal qui, à son tour, les aurait portées à la connaissance du Général Roméo Dallaire ? Pourquoi l’Accusation n’a jamais osé faire comparaître Jean Pierre Turatsinze, Luc Marchal ou Amadou Démé ? Pourquoi le Greffe collabore-t-il avec le Procureur pour empêcher les équipes de Défense de rencontrer le Capitaine Amadou Démé ?
3.3 Conclusion partielle.
Toute personne objective est en droit de se demander pourquoi la MINUAR ciblait le Comité National des Interahamwe za MRND, pour ce genre de contacts et ces réunions de pacification.
Il est évident que seuls Amadou Démé et ses supérieurs peuvent fournir des éléments d’explication de leur intention en agissant ainsi. Cependant, le Général Roméo Dallaire donne quelques indications dans son livre : "J’ai serré la main du diable". Mais qui est ce "diable", sinon le Général Roméo Dallaire lui-même?
Le Capitaine Amadou Démé était un témoin clé dans mon procès. Mon sentiment profond est que tous les organes du Tribunal ont fait coalition pour l’empêcher de déposer en ma faveur. Malgré qu’au départ il avait marqué son accord de principe, il a ultérieurement refusé de finaliser sa déposition avec les membres de mon équipe de Défense qui l’avaient localisé en RDC, au service de la Mission des Nations Unies au Congo. Mon enquêteur a payé cher son audace. Avec l’assistant, ils ont vu leurs contrats résiliés par le TPIR pour avoir percé le mystère entourant le Capitaine Amadou Démé. C’est de l’injustice absolue.
Ma frustration restera totale tant que le Capitaine Amadou Démé n’aura pas été entendu par le Tribunal pour dire tout ce qu’il sait de l’organisation de la jeunesse "Interahamwe za MRND" dont, à présent, il est certain qu’il avait reçu la mission d’infiltrer en 1994 pour le compte de la MINUAR ; ce qu’il sait de chacun des membres du Comité National Provisoire des Interahamwe za MRND en général et de Georges Rutaganda en particulier.
C’est pour éclairer le TPIR sur tous les aspects ci-avant abordés que je suis prêt à comparaître devant n’importe quelle Chambre appelée à se prononcer sur les allégations portées contre les "Interahamwe za MRND".
Partie IV : Lettre du 20 juin 1999 à la famille du Dr Jean Baptiste Gasasira.[68]
4.1 Avant propos.
Je voudrais commencer cette longue missive en vous adressant mes sincères salutations à vous même et, à travers vous, à tous nos amis communs se trouvant au Rwanda. Je souhaite que ma lettre d’aujourd’hui soit la première d’une longue série qui nous permettra d’échanger nos points de vue sur certaines questions qui me tiennent à coeur.
Chère Famille amie,
J’ai été littéralement secoué par la campagne calomnieuse entreprise à mon encontre par Dr. Odette Nyiramilimo, votre Maman et Epouse. Je l’ai d’abord remarqué dans un témoignage livré au Bureau du Procureur du TPIR en date du 27 février 1996, sous le pseudonyme de X mais qui, à la lecture, permet d’identifier Dr. Odette Nyiramilimo comme étant ce témoin. Ensuite, Dr. O. Nyiramilimo a fait semblables déclarations lors de ses multiples contacts avec les journalistes et les Grands de ce monde.
Dans un premier temps, j’ai pensé que ce comportement surprenant de la part d’une vieille connaissance s’inscrivait dans l’ambiance générale qui a régné au Rwanda après les terribles événements d’avril 1994. En effet, à la suite des massacres indescriptibles qui ont endeuillé notre Pays, beaucoup de rescapés ont pensé que la meilleure vengeance devait consister en l’accusation globalisante s’appuyant sur une délation organisée en vue de faire disparaître tous les coupables, réels ou supposés, de ces crimes.
Dans ce cadre, j’avais préféré garder le silence sur les fausses accusations portées contre moi par Dr. O. Nyiramilimo, sachant qu’un jour elle viendra devant la Justice. Ceci me semblait correspondre à ma situation d’autant que mon procès était toujours pendant.
Cependant, face à l’amalgame, aux mensonges et à l’acharnement dont Dr. O. Nyiramilimo continue de faire preuve, en ignorant que personne ne devrait répondre des crimes qu’il n’a pas commis, je me suis senti interpellé par ma conscience qui ne supportait plus tant d’iniquité sans réagir. J’ai donc décidé de rompre le silence et de vous écrire cette lettre en espérant qu’il vous sera possible d’y répondre. Je vous serai très reconnaissant de bien vouloir m’assurer que pour le moins, elle est arrivée à destination.
Pour mieux cadrer la présente, deux points méritent d’être soulignés au préalable: Nos relations de longue date et le sigle choisi pour votre Cabinet médical.
4.1.1 L’ancienneté de nos relations.
Je ne vous apprendrai rien de spécial en vous rappelant que nous nous connaissons depuis plus de vingt ans au moins. Nos relations remontent à la période de notre vie commune à l’Université Nationale du Rwanda (UNR).
Vous étiez tous les deux mes aînés, bien avancés dans votre formation de médecins alors que moi, je commençais ma formation d’ingénieur agronome.
Nous avons vécu dans une très bonne ambiance avec d’amis communs aussi bien Hutu que Tutsi. Je ne crois pas que vous pourriez me citer un seul cas ou une seule circonstance où j’aurais fait preuve d’un comportement ethniste. Nos amis communs de l’époque peuvent en témoigner.
Après vos études, vous m’avez laissé à Butare. Nos rencontres sont devenues occasionnelles mais toujours très cordiales. Entre-temps, moi aussi j’ai terminé mes études et j’ai travaillé comme Ingénieur agronome à Butare pendant 5 ans avant d’obtenir ma mise en disponibilité pour m’installer comme vous à titre privé, à Kigali. Nous nous sommes donc retrouvés à Kigali vers 1992, où vous veniez de lancer votre cabinet médical privé: "Le Bon Samaritain", installé à Gakinjiro.
Compte tenu de la confiance totale et réciproque fondée sur nos relations antérieures de longue date, j’ai confié au Dr. Gasasira le suivi de l’état de santé de ma mère et des autres membres de ma Famille. Il n’y a jamais eu aucun problème à ce sujet et ma mère garde toujours un très bon souvenir de toute l’attention dont elle a été l’objet. Toute ma famille vous en sera toujours reconnaissante.
Du fait que, souvent, je conduisais personnellement ma mère ou d’autres membres de la famille au Cabinet du Dr. Gasasira, j’ai eu l’opportunité d’y rencontrer vos enfants et de les connaître de visage. Je suis convaincu que cette opportunité a été providentielle, parce que, plus tard, elle m’aura permis de les reconnaître et de les sauver au cours des événements tragiques d’avril-juillet 1994.
4.1.2 Le sigle donné à votre Cabinet médical: "Le Bon Samaritain".
Vous avez, consciemment utilisé le sigle: "Le Bon Samaritain" pour désigner votre Cabinet médical. Je ne doute pas que vous avez sérieusement réfléchi sur la signification profonde de cette appellation, surtout en votre qualité de Médecins.
Je voudrais tout simplement relever que "la parabole du Bon Samaritain se trouve dans la Sainte Bible, dans le livre de Luc 10: 29-37 dont je reprends quelques versets pertinents. " 29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: Et qui est mon prochain? 30 Jésus reprit la parole, et dit: Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi-mort. 31 Une sacrificateur (prêtre) , qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. 32 Un Lévitique, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. 33 Mais un samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. 34 Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit: Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands? 37 C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit: Va, et toi, fais de même." (cf. La Sainte Bible, Louis Second, 1995). [notre soulignement]
Les grands analystes-théologiens de Christian Apologetics And Research Ministry (cfr.: www.carm.org) ont étudié la parabole "Le Bon Samaritain"et sont arrivés à la conclusion qu’elle nous enseigne et nous appelle à la tolérance ethnique. Voici, concrètement, ce qu’ils disent: "This parable teaches the impossibility of earning one’s salvation. The standard, which is perfect love, is high. It holds up an ethical level for us to strive for, see Matthew 5:48. It attacks racial prejudices. It teaches that love is something you feel and do."[69]
Je vous recommande de relire attentivement ce passage et de retrouver d’autres éléments de cette étude à l’adresse ci-dessous. Je suis persuadé, que les deux titres vous aiderons à mieux comprendre la suite de mes propos.
Pour la suite de mon exposé, je vais me pencher d’abord sur les différentes occasions de ma rencontre avec l’un ou l’autre membre de votre famille entre avril et juillet 1994. Je vais ensuite discuté de certains autres points qui nous intéressent tous, notamment les déclarations me concernant publiées dans les PV, les journaux, les livres et lors des différentes rencontres.
4. 2 Nos rencontres entre avril et juillet 1994.
4.2.1 La Rencontre avec le Docteur Jean Baptiste Gasasira, le 10 avril 1994, sur une barrière à Nyamirambo.
Le Dr. Gasasira se souvient, et il peut en témoigner, que le 10 avril 1994, je l’ai trouvé sur la barrière en face du Groupe Scolaire Saint André à Nyamirambo et que nous avons juste échangé quelques mots. J’étais en cortège funèbre pour l’enterrement de nos proches qui avaient déjà été tués et parmi lesquels se trouvait le nommé Ismaël Kagabo que vous connaissez très bien à l’UNR et Mme Sebagenzi Thamar au CHK. Ici je me réfère à des questions qui m’ont été posées par Dr. Gasasira à cette occasion.
Le Dr. Gasasira m’a demandé comment se portait ma mère qui avait été dernièrement à son Cabinet pour une consultation médicale de routine. Je lui ai répondu que c’était lui qui pouvait me donner de ses nouvelles, parce qu’en fait elle n’était pas revenue chez-moi après la consultation médicale. Elle avait été visiter une de mes soeurs qui habitait à Remera.
Notre courte conversation n’avait rien de conflictuel. C’était juste un échange de propos courtois entre des gens qui se connaissent et s’apprécient mutuellement. C’est le Docteur Gasasira lui-même qui nous a ouvert la barrière après avoir remarqué que nous allions à l’enterrement de nos proches dont il reconnaissait certains.
4.2.2 La Rencontre avec vos enfants à la barrière de Gitega.
J’ai déjà évoqué les circonstances qui m’avaient permis de connaître de figure vos enfants. Au mois d’avril 1994, à une date dont je ne me souviens plus exactement, j’ai été pris dans un embouteillage créé sur la route Nyamirambo-Centre ville, sur une barrière à Gitega.
Les véhicules roulaient très lentement à cause des vérifications sur les barrières installées sur cette route. Sur la barrière de Gitega, au niveau de l’école des Télécommunications, en observant, j’ai remarqué des enfants qu’on venait de retirer d’un véhicule garé à côté de la barrière. Ils pleuraient et la personne qui conduisait ce véhicule semblait elle-même en difficultés de s’expliquer. En regardant de plus près, j’ai vu qu ces enfants étaient en danger et qu’en plus, ils étaient les vôtres.
J’ai immédiatement garé ma voiture à côté de la route pour m’enquérir d’avantage de ce qu’il en était au juste, parce que je voyais qu’une forte menace pesait sur ces enfants.
Par bonheur, ils n’avaient pas encore révélé l’identité de leurs parents. Ces enfants avaient uniquement indiqué que leur Papa contrôlait une barrière près de chez eux. Ceci vient confirmer qu’effectivement Dr. Gasasira était sur la barrière à Nyamirambo à l’endroit où nous l’avons rencontré le 10.04.1994. Nous le retrouvons dans le livre de Gourevitch où il est indiqué que: "The militia at the roadblock asked the children, "If your parents aren’t dead, or Tutsi, why aren’t you with them?" Odette’s son didn’t hesitate. He said, "My Father’s manning a roadblock, and my mother’s at the hospital." But the killers weren’t convinced. Two hours passed in edgy discussion."[70]
Ce n’est pas tout. Je vais, également, apprendre que Dr. Gasasira avait acquis, illégalement, deux grenades!: "Odette was speaking quickly and she kept right on going: "[71]
Dans votre famille; déteniez-vous, illégalement, des explosifs de ce genre? Pourquoi faire? Ah bon! Ça devient intéressant mais, passons.
Connaissant que les gens de cet endroit vous connaissaient très bien et, en particulier, qu’ils n’appréciaient pas votre collaboration avec le FPR, je suppose que vous êtes en mesurer d’évaluer le risque que vos enfants couraient à ce moment bien précis. Vous reconnaissez, d’après la citation ci-avant, que les discussions ont duré plus de deux heures. Avez-vous d’autres explications à cela?
Quand je suis arrivé, j’ai fait tout mon possible pour convaincre les gens de la barrière et par chance, ils ont été relâchés. Si j’ai réussi à les sauver, c’est uniquement parce qu’ils n’avaient pas indiqué les noms de leur père qui était, notoirement, connu dans le quartier comme étant un complice actif du FPR. Il était raconté que le Dr. Gasasira était candidat ministre de la santé présenté par le FPR. En ce qui me concerne, j’étais également au courant de ceci mais cela ne m’a pas empêché d’intervenir.
De mon point de vue, face à cette situation, il n’y avait pas de preuves et vos enfants étaient particulièrement innocents dans cette affaire. Heureusement après, ils vous ont rejoint sains et saufs à l’Hôtel des 1000 Collines.
En comparant la scène de vos enfants trouvés à la barrière à Gitega avec la parabole du "Bon Samaritain", ai-je été le bon samaritain ou les personnes qui ont trouvé le blessé et ont continué leur chemin sans s’en occuper?
NON. Je suis un père aussi et vos enfants étaient un peu comme les miens et c’est ainsi que je les ai toujours pris. Je les ai tout simplement pris pour mes prochains à l’instar du Bon Samaritain.
Vous aurais-je exigé une quelconque reconnaissance pour cette opération de sauvetage à hauts risques? NON. Je n’exige toujours rien mais je vous conseillerai plutôt de remercier le Bon Dieu qui m’a utilisé pour sauver ces enfants. Si j’étais à votre place j’offrirais une offrande de reconnaissance.
4.2.3 La Rencontre avec le Docteur Gasasira à l’Hôtel des 1000 Collines.
La deuxième fois que j’ai rencontré le Dr. Gasasira, pendant les événements, c’était à l’Hôtel des 1000 Collines. Je passais là-bas pour approvisionner l’Hôtel qui était en rupture de stock (bières Carlsberg-Tuborg, papiers de toilette, sucre, riz, ...). D’habitude, notre Société n’était pas le fournisseur de l’Hôtel des 1000 Collines, mais c’est par insistance de son directeur-gérant, avec qui j’étais en bons termes que, volontairement, j’ai accepté de vous venir en aide. Vous avez certainement été informés par le Directeur-Gérant, Monsieur Paul Rusesabagina que, par ailleurs, Dr. Nyiramilimo reconnaît être votre ami, que j’ai accepté de livrer à crédit toutes les boissons et autres produits qui vous ont été servis tout au long de votre séjour. J’ y reviendrai plus loin.
C’est donc à cette occasion de mon passage à l’Hôtel des 1000 Collines que le Dr Gasasira m’a abordé pour m’exprimer sa reconnaissance pour mon intervention qui avait sauvé vos enfants. A cette rencontre chaleureuse, Dr. Gasasira m’a également indiqué qu’à l’arrivée de ses enfants, ils lui ont dit qu’"ils n’oublieront jamais mon intervention pour eux". A l’époque, j’avais trouvé sa démarche sincère et franchement sympathique. Je préfère garder ce même sentiment d’autant plus que, pour ces enfants, mon intervention est certainement encore vivante et présente dans leurs coeurs.
4.2.4 La Rencontre de SOPECYA-Kanogo.
L’issue heureuse des événements SOPECYA-Kanogo reste pour moi un miracle. Vous vous souvenez qu’à l’origine de ces événements se trouve la décision de la MINUAR d’assurer votre déplacement de l’Hôtel des 1000 Collines vers la zone sous contrôle du FPR, conformément à votre choix. A votre arrivée à la bifurcation vers Kacyiru, la population qui était à la barrière s’est catégoriquement opposée à la poursuite de votre route vers la zone ennemie (FPR). Toute votre famille était dans le convoi.
Vous vous souvenez également que cet incident a rapidement dégénéré en un palabre interminable entre la population qui s’était rapidement attroupée là-bas, les autorités de la PVK et les casques bleus de la MINUAR.
Je me suis moi-même retrouvé sur les lieux sur sollicitation masquée d’un Officier de la MINUAR. La date exacte m’est inconnue, toutefois c’était au début du mois de mai 1994.
Les discussions ont duré pratiquement tout l’après-midi et, malgré son insistance, le Préfet Renzaho n’a pas réussi à convaincre la population de l’opportunité de vous laisser partir.
C’est pour éviter la catastrophe qui n’allait pas tarder avec la tombée de la nuit que j’ai proposé la solution de vous laisser retourner à l’Hôtel, pour mieux approfondir les modalités de l’échange avec les déplacés maintenus contre leur volonté dans la zone sous contrôle du FPR. C’est vraiment un miracle si cette proposition a été acceptée par la population déchaînée. Elle nous a tous permis de sortir de la situation sains et saufs.
Puisque Dr. Nyiramilimo prétend que je pourchassais les Tutsi, pourquoi ai-je risqué ma vie à cause de la vôtre, à ce moment là? Pourquoi n’ai-je pas encouragé la population à tuer? Pourquoi ai-je continué à livrer les boissons à l’Hôtel des 1000 Collines, si je tenais à l’extermination des Tutsi? Ai-je été le Bon ou le Mauvais Samaritain?
4.2.5 L’ultime rencontre avec Dr. Gasasira à l’Hôtel des 1000 Collines.
La dernière fois que j’ai rencontré le Dr. Gasasira, c’était de nouveau à l’Hôtel des 1000 Collines juste quelques jours après les événements de SOPECYA-Kanogo. Nous n’avons pas discuté longuement mais, il a encore une fois tenu à me remercier pour le ferme engagement que j’avais manifesté lors de mon intervention qui vous a sauvé la vie à SOPECYA. Cette fois-ci, il n’était pas seul. Il était avec les anciens ministres Ambroise Mulindangabo et François Habiyakare qui faisaient également partie du même convoi que vous, avec leurs familles. J’y ai vu, également, Mr. Gilbert Nkusi, chimiste à l’ELECTROGAZ.
A l’époque, les trois premiers étaient venus m’exprimer simplement et spontanément leur reconnaissance. J’en étais fier et je m’en réjouis jusqu’à présent. Je reviendrai également sur les événements de Kanogo plus loin dans la présente.
Si j’ai tenu à vous relater brièvement ces occasions de nos rencontres pendant les événements malheureux d’avril-juillet 1994, ce n’est ni pour vanter mes mérites personnels, ni pour vous rappeler ces sombres souvenirs. Au contraire, j’ai le sentiment que c’est la seule façon d’engager une franche discussion avec vous qui, je l’espère m’amènera un jour peut être à comprendre pourquoi Dr. O. Nyiramilimo (votre Maman et Epouse) ressent absolument le besoin de réclamer publiquement dans les hautes sphères ma mort.
Savez-vous si cela lui a fait du bien? S’est-elle soulagée en s’évertuant à m’inventer des pouvoirs? Esquisse-t-elle un sourire lorsqu’elle m’imagine en prison, ou pendu, malgré les risques que j’ai pris pour vous?
C’est blessé, confus et déçu que je tiens à vous soumettre ces quelques questions-réflexions en rapport avec ses déclarations en espérant qu’il vous sera possible de me répondre franchement. Ce faisant nous aurons apporté notre contribution au rapprochement de nos familles et, pourquoi pas et surtout, à la Réconciliation de nos compatriotes Hutu et Tutsi.
4.3 Déclarations du Docteur Odette Nyiramilimo à mon sujet.
4.3.1 La déclaration du témoin X aux enquêteurs du TPIR au sujet des événements d’avril-juillet et en particulier sur ceux de SOPECYA-Kanogo.
Inutile de vous dire que je suis détenu depuis 1995 et que j’ai été transféré à Arusha depuis 1996. Vous l’avez appris certainement comme tout un chacun. Directement après mon arrestation, j’ai commencé à rassembler les éléments de ma défense et à penser aux témoins à décharge. J’avais espéré vous citer parmi mes premiers témoins.
Ainsi vous vous imaginez quelle a été ma surprise quand j’ai trouvé le témoignage du Dr. Odette Nyiramilimo dans les premières pièces justificatives produites par le Procureur à l’appui des chefs d’accusations à ma charge. Je n’ai eu aucune difficulté à identifier l’auteur du témoignage malgré le caviardage de son nom. La référence à la grande soeur et au Cabinet le Bon Samaritain suffisait pour me mettre sur la piste. D’autres écrits publiés ailleurs me l’ont également confirmé.
J’ai été surpris par la teneur du témoignage du Dr. Nyiramilimo à mon endroit, mais je me consolais en pensant que l’occasion me serait donnée de lui rappeler certaines vérités qu’elle avait délibérément trahies. Quand à moi, telle que je connaissais Dr. Odette Nyiramilimo, je ne pouvais pas l’imaginer entrain de tromper la Communauté Internationale devant la Cour! C’est ce qui arriva. En fait, ma déception a donc été totale quand elle a définitivement renoncé à venir à la barre livrer son témoignage après avoir fait défaut à deux reprises. Dans ces conditions, je ne m’attarderai pas longuement sur son témoignage. Je me contenterai de souligner quelques aspects seulement.
Je ne comprends pas la motivation du Dr. Odette Nyiramilimo quand elle ose déclarer aux enquêteurs du TPIR, qu’elle ne connaît pas ma profession alors que nous avons vécu ensemble à l’UNR et que, installé à titre privé, nous nous voyions régulièrement à Kigali. Aurait-elle préféré que personne ne sache que nous avons eu des relations par le passé? Serait-ce parce que je suis actuellement poursuivi devant le TPIR comme ancien Vice-Président des "Interahamwe za MRND?"
Une confusion délibérée est entretenue entre "Interahamwe za MRND" dont j’étais Vice-Président et les "Interahamwe" qui ont vu le jour avec la propagande du FPR et ses supporters. En effet, après l’assassinat du Président HABYARIMANA et la reprise de la guerre par le FPR, ce dernier a qualifié d’"Interahamwe" tous ceux qui le combattaient ou qui étaient supposés lui être hostiles. Le Procureur du TPIR vient de reconnaître cette vérité incontournable, en ces termes:
"Lors des événement visés au présent Acte d’accusation, le MRND (Mouvement Républicain National pour le Développement et la Démocratie) était un des partis politiques au Rwanda. Les membres de l’aile jeunesse du MRND se nommaient les "Interahamwe". Par la suite, la plupart d’entre eux devinrent une milice paramilitaire. Durant les événements auxquels se réfère le présent Acte d’accusation, on en est venu à appliquer le terme Interahamwe à des civils, indépendamment de milieux politiques ou des organisations qu’ils fréquentaient, et qui s’attaquaient à la population civile tutsie."[72]
Depuis, ce vocable continue à être utilisé pour désigner soit, ceux qui n’acceptent pas l’arbitraire du FPR qu’il veut éliminer politiquement ou physiquement, soit les boucs émissaires désignés à l’avance pour répondre des massacres survenus en avril-juillet 1994.
Dans les deux cas, je suis convaincu que Dr. Nyiramilimo connaît beaucoup d’exemples même si elle feint de ne rien en savoir. Dr. Nyiramilimo peut bien faire cette distinction entre Interahamwe za MRND et les criminels de tout genre responsables des tueries des innocents et qui doivent répondre de leurs actes même s’ils appartenaient à l’organisation "Interahamwe za MRND".
Se souvient-elle des massacres qui ont eu lieu dans des zones où il n’y avait presque pas d’Interahamwe za MRND, parce que le parti dominant était soit le MDR, le PSD ou le PL et leurs jeunesses, respectivement? Comment explique-t-elle l’ampleur des massacres dans ces zones? Pourquoi chercher à tout prix les boucs-émissaires au lieu de dénoncer les vrais coupables bien identifiés, pour qu’ils répondent de leurs forfaits, sans faire de l’amalgame ou de la globalisation? Quel intérêt y a-t-il à impliquer des innocents par le simple fait de les qualifier d’Interahamwe?
De mon point de vue il n’est pas correct de considérer globalement tous les Interahamwe za MRND comme des criminels alors qu’il y a parmi eux ceux qui ont sauvé de nombreuses vies humaines. Un exemple parmi d’autres est devant vous. Seuls les criminels avérés doivent être poursuivis et punis à titre personnel, pour ce qu’ils ont fait et non en tant qu’Interahamwe za MRND. Etant donné que le phénomène de la globalisation a failli emporter tout le monde, surtout de l’ethnie tutsi, en avril 1994, la logique interpelle tout un chacun afin d’éviter cette façon de considérer les choses. Les Hutu n’ont pas tous tué! Tous les Tutsi n’ont pas tué ou ne tuent pas! Tous les Interahamwe za MRND n’ont pas tué, .... j’en passe.
Pour l’intérêt de notre Pays où la cohabitation de toutes les composantes de la société rwandaise est inévitable, cette globalisation est à bannir définitivement.
Le fait de porter l’accoutrement aux couleurs du MRND n’est pas en soi un crime. Cependant, je me demande pourquoi le Dr. Nyiramilimo veut convaincre ses interlocuteurs qu’elle me voyait tout le temps dans cet accoutrement alors que c’est totalement faux et invraisemblable. Voudrait-elle me classer définitivement parmi les Interahamwe dans cet élan de globalisation en vue de les diaboliser? Elle ne peut pas m’avoir vu dans cette tenue des Interahamwe puisque je ne l’ai jamais eue. C’est un pur mensonge ou alors, elle ne sait pas de quoi elle parle.
Ce que Dr. Nyiramilimo affirme en rapport avec notre rencontre à Nyamirambo, le 09 avril 1994, est une invention digne d’une grande manipulatrice. Comment peut-elle affirmer une chose pareille sinon dans l’intention de nuire. Sur ce cas, je prends son mari à témoin et je vous renvois au point 4.2.1, où je décris notre rencontre à Nyamirambo, le 10 avril 1994. Pourquoi nierais-je l’avoir rencontrée alors que je relate avec détails toutes les fois où j’ai rencontré son mari?
Dr. Nyiramilimo insiste, avec raison, sur l’assassinat de sa grande soeur, la Député Kabageni. Elle y consacre de longs développements dans le livre de Gourevitch. Je m’associe à votre peine. Cependant, je voudrais vous redire que je ne connaissais votre regrettée que de nom puisque je n’ai jamais eu l’opportunité de la rencontrer.
Il est vrai que son conflit avec son voisin Setiba a défrayé la chronique à KIGALI, mais je ne me suis intéressé outre mesure à leurs démêlées, même quand ils ont tenté de les couvrir en y impliquant les Interahamwe za MRND.
Je n’ai jamais eu de contacts avec le Mr. Setiba. La preuve la plus évidente peut vous être fournie par ceux qui étaient avec moi quand je tentais de sortir de la ville de Kigali avec ma mère, mes soeurs et les autres membres de ma famille entre le 17 et le 24 avril 1994.
A l’endroit appelé Giticyinyoni, il a empêché la population qui gardait les barrières près de chez-lui de nous laisser continuer et nous avons dû rebrousser chemin avec tout le convoi. Au juste lorsque les personnes ont été lui rapporter ma présence sur la barrière, il leur a répondu: "laissez-le, leur temps est révolu!". De cette façon j’ai compris et j’ai commencé à négocier le retour parce que, encore une fois, même le retour devait être négocié! Par négocier, je suppose que vous savez très bien ce que ça signifiait pendant cette période. Notre voyage a été reporté pour le lendemain.
Dans ces conditions, comment Dr. Nyiramilimo peut-elle m’associer, par globalisation, aux activités criminelles de Setiba si c’est avéré qu’il a effectivement tué sa grande soeur?
Je n’ai aucun rapport avec l’assassinat du député Kabageni. Je n’ai donné aucun ordre à personne ni pour tuer Kabageni, ni pour tuer personne d’autre. i vous avez des preuves contre des éléments Interahamwe za MRND qui l’auraient assassiné ce sont eux qui doivent en répondre individuellement et personne d’autre.
Je réaffirme une fois encore que chacun doit répondre de ses actes et que, selon moi, personne ne peut être puni pour des actions qu’il n’a pas commises. Les Rwandais doivent comprendre que la globalisation en vue de diaboliser tous ceux qui ne sont pas du même point de vue ne les mènera que vers une perpétuelle destruction réciproque.
La barrière où j’ai trouvé vos enfants se trouvait à plus de 100 m de votre Cabinet médical. Puisque le complexe ex-AMGAR se trouve après votre Cabinet en venant de Nyamirambo, comment pouvez-vous m’attribuer cette barrière localisée face de l’école postale, à Gitega? Même la barrière en face de l’ex-AMGAR n’a jamais et ne doit pas m’être attribuée.
Pourquoi n’attribue-t-on pas cette dernière à Mme Thérèse Nyirabugingo, Tutsi, que vous connaissez très bien et qui habitait juste le bâtiment jouxtant notre complexe et dont la sortie donnait juste sur cette barrière?
Mme Nyirabugingo est Tutsi. Elle a survécu des massacres. Pourquoi, si nous étions réellement à la recherche des Tutsi, n’avons-nous pas commencé par notre voisine directe? Qui a intercédé pour elle? Chez-elle se trouvait toute une communauté de gens membres de sa famille. Comment trouvaient-ils à manger? Je vous prie d’interroger Mme Nyirabugingo, peut-être qu’elle vous le dira très honnêtement. Mais d’ores et déjà sachez que c’est également grâce à mon intervention.
Seriez-vous d’accord avec moi si je disais de la barrière de Nyamirambo où Dr. Gasasira montait la garde, le 10 avril 1994, que c’était la "barrière Gasasira"?
Il est vrai qu’après les terribles événements survenus au Rwanda en avril-juillet 1994, beaucoup de choses inventées de toutes pièces ont été imputées à des personnes innocentes, particulièrement celles qui avaient fui le Pays pour échapper aux atrocités du FPR. C’est regrettable que Dr. Nyiramilimo se laisse entraîner dans ce même mouvement général de délation dictée par la volonté de se venger sur quelqu’un. En tous cas, même s’il fallait vous venger sur quelqu’un, votre famille ne devrait pas le faire sur moi.
Dr. Nyiramilimo n’a tout de même pas oublié, si vite, mon intervention qui sauva la vie à ses enfants. J’en ai déjà parlé plus haut.
Pourquoi veut-elle me forcer à regretter cette action salutaire pour ses enfants? Quel sens avait la démarche du Dr. Gasasira quand il est venu me remercier spontanément lorsqu’il m’a aperçu à l’Hôtel des 1000 Collines où vous vous étiez cachés?
Je voudrais revenir un peu sur les événements de SOPECYA-Kanogo. On en a donné de versions variées en fonction des intérêts des uns et des autres. Je dois réaffirmer, quant à moi, que l’issue heureuse de cet incident relève d’un miracle.
Par contre, je trouve tout à fait normal que la population vous ait traité d’Inkotanyi? Comment en aurait-il été autrement des gens qui, publiquement et librement, avaient choisi de rejoindre la zone sous contrôle de l’ennemi en estimant qu’ils seront mieux en sécurité là-bas? Comment pensez-vous que la population devait encaisser le départ des hautes personnalités vers le FPR, alors que quelques temps avant, elles occupaient les plus hauts postes au Gouvernement? D’après le sentiment qui prévalait à cet endroit, la population s’est sentie trahie et, personnellement, je comprends sa déception.
Par ailleurs, il avait été dit à la population que votre convoi était dans le cadre d’échange contre les personnes retenues par le FPR et qui voulaient rejoindre la zone gouvernementale. Cependant, ces dernières n’étaient pas sur place. Pour toutes ces raisons, les pourparlers étaient rendus compliqués de façon que les relations n’étaient plus d’une autorité entrain de donner des ordres mais plutôt, de l’autorité entrain de supplier la population et de la convaincre.
La population ne comprenait pas comment les autorités pouvaient soutenir une telle initiative. C’est pourquoi elle opposa une fin de non recevoir aux injonctions du Préfet Tharcisse Renzaho qui n’a rien ménagé pour vous aider à poursuivre votre route vers le FPR.
Moi-même j’avais eu le pressentiment que votre transfert de l’Hôtel vers la zone FPR était une opération à haut risque. C’est pourquoi j’avais recommandé à la MINUAR qui me demandait conseil le matin même, de faire très attention et de prendre toutes les précautions avant d’entreprendre votre départ. Je lui avais suggéré notamment d’obtenir l’assentiment des autorités de la Préfecture (PVK) et leur collaboration pour expliquer aux gens sur les barrières le bien fondé de l’opération envisagée. C’est pourquoi je persiste à penser que la principale responsabilité dans cette affaire retombe sur la MINUAR.
Alors que je discutais avec la MINUAR, ses Officiers étaient entrain de charger le convoi; voilà ce qui vous arriva. Quant à moi, je vous ai déjà dit de quelle manière je me suis retrouvé dans cette affaire.
Ceci étant, vous n’avez pas oublié combien le Préfet Renzaho et tous les autres qui ont tenté de vous aider à poursuivre votre route ont été humiliés.
Vous n’avez pas non plus oublié comment la population enragée par l’insistance du Colonel Renzaho, a dégonflé les pneus de tous les véhicules où vous aviez pris place pour être sûre que vous ne partiriez pas!!!
Vous n’avez pas non plus oublié que les pourparlers ont pris tout l’après-midi sans qu’aucune solution ne soit trouvée; que ma suggestion qui a permis de débloquer la situation était dictée par la crainte qu’on risquait de voir cette impasse se poursuivre jusqu’à la tombée de la nuit. Heureusement nous en sommes, tous, sortis sains et saufs: " la fin justifie les moyens."
En effet, que se serait-il passé si la nuit nous avait surpris là bas à SOPECYA-Kanogo? Nous aurions tous été massacrés et, aujourd’hui, il n’y aurait personne pour raconter les histoires du genre de celles véhiculées par Dr. Nyiramilimo pour faire condamner Rutaganda! Auriez-vous choisi cette alternative?
Comment Dr. Nyiramilimo peut-elle affirmer que, pour parler à la population, le Préfet Renzaho est monté sur le camion de la MINUAR; que moi aussi, j’ai fait de même quand il m’a donné la parole? C’est un pur mensonge. Se souvient-elle de la forme des carrosseries des véhicules de la MINUAR qui vous transportaient? Comment quelqu’un aurait-il fait pour se tenir dessus et parler? C’est impossible et vous le savez très bien sauf si vous aviez perdu le sens de l’observation!! Moi, je n’ai pas vu le Préfet monter sur un camion. Moi non plus, je ne suis aucune fois monté sur le camion et je ne sais pas si je l’aurais pu.
Le Préfet m’a donné la parole comme ceux qui m’avez précédé et j’ai fait ma suggestion de l’endroit où j’étais.
Dr. Nyiramilimo parle de la présence sur place des Interahamwe za MRND en tenue!! C’est de la fabulation. J’ai bien cherché à vérifier s’il n’y avait pas dans la foule des éléments connus qui pourraient aider à raisonner les autres. Je n’en ai pas trouvé mais je ne peux pas nier qu’il y aurait eu certains parmi la foule que je n’ai pas reconnus.
Dans tous les cas Dr. Nyiramilimo devrait renoncer à m’attribuer une quelconque autorité sur les Interahamwe si ce sont eux qui ont bloqué tout malgré notre intervention, le Préfet Renzaho et moi-même. Cette foule n’était pas constituée des Interahamwe za MRND! Quels Interahamwe za MRND qui humilient leur Vice-Président et, par dessus le marché, se seraient opposés à l’autorité du Préfet?
Dr. Nyiramilimo affirme que je me suis dérobé quand Mr. Rubangura Vedaste a voulu me saluer, parce que je le détestais. Ici encore, il s’agit d’un procès d’intention de mauvais goût. L’important pour moi, en ce moment, ce n’était pas d’embrasser Mr. Rubangura ou personne d’autre. La population venait d’adhérer à l’idée de laisser les gens rentrer à l’Hôtel des 1000 Collines. L’urgent était de vous faire sortir des camions immobilisés et de vous voir dans d’autres disponibilisés par la MINUAR et quitter rapidement les lieux avant la nuit. D’autre part, il ne fallait pas laisser planer aucun soupçon sur le motif de mon intervention. Réalisez-vous que la population pouvait revenir sur sa position si un moindre geste de complicité était remarqué?
Etait-il opportun d’afficher devant cette population déchaînée mes relations avec Dr Gasasira, Mr. Rubangura ou avec les anciens ministres Mulindangabo et Habiyakare? Il faut avoir un raisonnement étroit pour penser ainsi. Si c’est ça mon crime, je suis prêt à l’assumer.
Puisque Dr. Nyiramilimo et d’autres se plaisent à raconter partout que je recherchais les Tutsi pour les tuer, pourquoi n’ai-je pas encouragé la foule de SOPECYA-Kanogo à vous décimer? Oubliez-vous que votre convoi était composé de l’élite intellectuelle, économique, de grand renom de l’ethnie Tutsi? Qu’est-ce qui manquait pour réaliser cette sale besogne?
Pourtant, vu les circonstances du moment, un tel projet n’avait besoin d’être encouragé! Veuillez accepter que j’ai nagé contre-courant et je vous prie de ne pas m’associer globalement, à des criminels, rées ou supposés.
Pourquoi ai-je pris le risque d’exposer ma vie au lieu de vous abandonner à votre sort après avoir constaté que la foule ne voulait écouter personne, pas même le Préfet Renzaho?
Dans mes multiples contacts de négociation, j’ai utilisé les moyens financiers pour gagner certains de ceux qui étaient là. Vous aurais-je demandé une quelconque récompense ou un certain remboursement? Il n’est pas dans mes intentions de vous l’exiger pour le moment, mais il était nécessaire de vous le rappeler pour mieux vous faire comprendre que ce n’était pas si simple. Il convient également de noter que je n’avais aucune obligation ni aucun devoir d’intervenir. Ce que j’ai fait, c’était par inspiration de ma conscience personnelle qui veut toujours combattre le mal d’où qu’il provienne.
Le Dr Gasasira et les anciens ministres Habiyakare et Mulindangabo avaient eu le courage de m’exprimer leur reconnaissance pour mon intervention salutaire. J’espère que leur sentiment était sincère et les prend aujourd’hui à témoin pour convaincre Dr. Nyiramilimo et ses amis que je ne suis pas le criminel qu’elle souhaiterait voir exécuté au tapis rouge à Nyamirambo. Au contraire, je suis fier de ce que j’ai fait et je ne suis pas ébranlé dans mes convictions par son ingratitude manifeste.
Quant au récit de ces événements, il est compréhensible que les gens qui se trouvaient dans les camions ne puissent pas donner la version exacte de leur déroulement. Entassées, entrain de trembloter, entrain d’uriner les uns sur les autres, ces conditions ne permettaient pas à ces personnes de bien observer ce qui se passait tout au tour. Il était très difficile, même pour ceux qui étaient par terre, de les suivre à cause des gens qui effectuaient des mouvements désordonnés dans tous les sens.
4.3.2 L’Article paru dans le Journal "THE NEW YORKER, sept 7, 1998.
Le Journal New Yorker, sept 7, 1998" a publié un article intitulé "The Unimagined" rédigé par Philip Gourevitch à partir des propos recueillis du Dr. Odette Nyiramilimo.
Dans cet article, Dr. Nyiramilimo expose en long et en large sa situation familiale passé et actuelle. Elle insiste surtout sur le calvaire enduré durant sa vie antérieure et pendant les événements d’avril-juillet 1994 du fait de son appartenance à l’ethnie Tutsi. Suivant le point de vue développé dans cet article, Dr. Nyiramilimo a de quoi être satisfaite aujourd’hui. Leur Cabinet médical marche bien. Son mari peut se permettre d’abonner toute la famille au "Cercle Sportif de KIGALI" réservé à l’élite aisée de la Capitale rwandaise. Dans son entretien avec Gourevitch autour de la piscine où ses enfants étaient occupés à nager, son mari entrain de jouer au tennis, selon Gourevitch, Dr. Nyiramilimo se présente comme une épouse comblée qui, de surcroît, ne le cache pas. Il suffit notamment de voir les bijoux en or qu’elle portait à la piscine.
Mais, malgré tout ça, Dr. Nyiramilimo a toujours une dent contre tous ces gens qui lui ont fait souffrir pendant les pénibles événements de 1994. Elle ne veut même pas accepter qu’elle n’était pas la seule dans ce cas.
Elle veut absolument faire endosser cette responsabilité à quelques boucs-émissaires y compris celui qui lui a sauvé la vie!.
Je me félicite, quant à moi, d’apprendre que vous vous portez tous bien et que vos affaires prospèrent. J’aurais souhaité que, dans cette aisance, Dr. Nyiramilimo se souvienne, positivement, de mes interventions en votre faveur pendant ces moments terribles d’avril 1994 au lieu de me salir.
Il serait plus honnête de vous rappeler de celui qui a pris tant de risques et ainsi permis que vous soyez dans la position actuelle.
4.3.3 Le Refus du Dr. Nyiramilimo de venir témoigner en ma faveur.
J’ai déjà parlé du défaut de Dr. Nyiramilimo de venir soutenir son témoignage contre moi devant le TPIR alors qu’elle avait livré des informations consignées dans un PV ad hoc aux enquêteurs du Bureau du Procureur. Je n’y reviens pas. D’où venait ce refus? Avait-elle peur de s’exposer? Non! Lorsque j’ai vu le New Yorker, le journal parmi les plus grand Nord-américains, j’ai compris que ce n’était pas la vraie raison parce qu’elle même se rendait une campagne médiatique à grande échelle.
Pour moi, je tiens à relever que je l’ai sollicitée et qu’elle a refusé de venir témoigner pour moi alors que son intervention pouvait éclairer les Juges. Ce refus de dire la vérité que vous avez vécue, et que vous connaissez très bien, m’a ouvert les yeux et reste très significatif pour les observateurs, objectifs lointains.
Je souhaite très sincèrement que ma démarche actuelle puisse vous aider à y réfléchir posément et à me répondre. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
4.3.4 La Collaboration du Dr. Nyiramilimo dans la rédaction du livre intitulé: "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families, Stories From Rwanda", par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998.
Je n’ai pas à porter un jugement sur la participation du Dr. Nyiramilimo dans son apport à l’ouvrage de Philip Gourevitch sur les événements du Rwanda, en avril-juillet 1994. C’est son droit absolu. Cependant, je me crois fondé à mettre en cause l’utilisation qu’elle a faite de ma personne et les contrevérités qu’elle a livrées aux lecteurs.
Pour commencer, je voudrais mener une réflexion sur l’affirmation suivante: "Beer saved many lives at the Hotel des Mille Collines."[73] Que les boissons aient sauvé beaucoup de vies humaines, cette déclaration n’est pas de Georges Rutaganda. Elle vient, directement, du Dr. Nyiramilimo et son ami Gourevitch.
Quant à moi, j’ai effectivement livré des boissons à l’Hôtel des 1000 Collines, à crédit, et je crois avec certitude que j’ai été le seul fournisseur. L’opération s’est poursuivie tant que mon stock le permettait. J’ai fait de même pour d’autres établissements, notamment pour la MINUAR, avec cette différence, que eux, payaient cash.
Dans tout ceci, il convient de souligner que:
- A ce moment précis, notre société était la seule à disposer de bières dans la ville de KIGALI. Toute la clientèle étant dirigée chez-nous, il n’était pas nécessaire de rechercher un autre marché. Ce n’est pas par manque de clients que j’ai livré nos marchandises à crédit pour m’en débarrasser. Au contraire, j’avais beaucoup de clients prêts à payer cash. Beaucoup de magasins vendeur de bières étaient tombés en pénurie parce que l’approvisionnement à partir de la brasserie de Gisenyi n’était plus possible à cause de la reprise de la guerre.
- Deuxièmement, je n’ignorais pas qu’avec la tournure des événements, je risquais de ne jamais récupérer cet argent. Dans cette situation de guerre, quel rôle attribuez-vous à des chèques bancaires que le Directeur-Gérant de l’Hôtel m’a donné sachant que les activités commerciales étaient paralysées, y compris celles des banques?
Mais, j’ai compris les difficultés du directeur-gérant de votre Hôtel, Mr. Paul Rusesabagina que vous connaissez bien puisque Dr. Nyiramilimo reconnaît que c’est votre ami. De surcroît, vous ne pouvez pas contester que je savais très bien à qui ces bières étaient destinées.
- Troisièmement, les produits que je livrais à l’Hôtel n’étaient pas distribués gratuitement aux occupants. A la seconde livraison, je pouvais exiger le paiement cash de la précédente mais, sur demande du Directeur-Gérant, ceci n’a pas eu lieu parce que le produit de la vente servait l’Hôtel des 1000 Collines à s’approvisionner en d’autres produits dont vous aviez besoin. Autrement dit, non seulement j’ai fourni à l’Hôtel et à crédit de nos produits, mais aussi, j’ai financé indirectement ses activités à votre bénéfice et profit.
Pourquoi Dr. Nyiramilimo ne révèle pas que j’ai livré ces boissons qui vous ont été servies tout le long de votre séjour à l’Hôtel des 1000 Collines? Vous seriez-vous rendus compte que mon argent a servi pour vous financer et vous trouver de quoi vivre?
Est-ce là la preuve de ma volonté d’exterminer les Tutsi? Je pense que vous devriez plutôt reconnaître qu’il ya eu des bienfaiteurs qui se sont dévoués pour vous sauver et que Georges Rutaganda est de ceux-là.
Il est écrit dans cet ouvrage, je le cite: " Rutaganda recognized the children from the earlier times- when he and people like Odette and Jean-Baptiste had moved in the same social universe- and for a moment, apparently, his atrophied soul stirred him to magnanimity." [74]
Faire une telle déclaration comme quoi j’aurais une âme atrophiée, ne constitue qu’une stupéfiante insulte publique et n’est, ni plus ni moins, qu’une pure calomnie. Est-ce parce que j’aurais une âme atrophiée que j’ai sauvé vos enfants? C’est vraiment du sadisme!
Pour moi, elle vise tout simplement à me discréditer et à nuire à ma personne. J’ai ressenti ça comme une injure me lancée par Gourevitch à l’instigation de Dr. Nyiramilimo. Je ne pouvais pas m’imaginer que des intellectuels comme Dr. Nyiramilimo et Mr Gourevitch pouvaient sortir de tels propos dignes de personnes sans éducation. Dans tous les cas, je voudrais leur signifier fermement, à Mme Nyiramilimo et à Mr. Gourevitch, qu’ils se sont trompés totalement.
Sur la même page, une autre déclaration a retenu mon attention. Il s’agit: So Rutaganda had violated the eighth "Hutu commandment" and showed mercy to Odette’s children, but she felt no warmth for the man. Many people who participated in the killing- as public officials, as soldiers or militia members, or as ordinary citizen butchers- also protected some Tutsi, whether out of personal sympathy or for financial or sexual profit. It was not uncommon for a man or a woman who regularly went forth to kill to keep a few favorite Tutsis hidden in his or her home. Later, such people sometimes pleaded that they took some lives in order not to attract attention to their efforts to save others. To their minds, it seemed theirs acts of decency exonerated the guilt of their crimes. But to the survivors, the fact that killer sometimes spared lives only proved that he could not possibly be judged innocent, since it demonstrated plainly that he knew murder was wrong."[75]
Au sujet des Huit commandements des Hutu, je laisse, Mr. Gourevitch, vivre avec parce que c’est lui qui les connaît! Quant aux autres commentaires, encore une fois, voici l’expression du sadisme sortir. Finalement l’on peut se demander ce que Dr. Nyiramilimo et Mr. Gourevitch veulent avec des insultes pareilles. Auraient-ils préféré que les gens se croisent les bras et laissent tout le monde aux bourreaux criminels sans fournir aucun effort? Qu’est-ce qui vous serait arrivé si j’avais agi ainsi?
La réponse se trouve dans l’intervention de Professeur Al-Hibri à la Maison Blanche lors du "Millenium Evening"du 12 avril 1999 et auquel Dr. Nyiramilimo a participé. Je le cite: "Both Muslims and Jews believe that saving a single life is like saving the life of a whole people. Christians believe in loving one’s enemy", par. 4.
Je vois en ce raisonnement, une leçon pour tous, y compris vous-mêmes. Le fait d’avoir sauvé des gens devrait constituer en soit une preuve de l’absence de toute intention allant dans le sens de faire du mal à quelqu’un. Qu’en est-il de mon comportement en avril- juillet 1994?
Dans ce même livre de Gourevitch, Dr. Nyiramilimo a eu le culot de déclarer: "That the person who cut off my sister’s head should have his sentence reduced? No!" Odette said. "Even this Mr. Rutaganda, who saved my children, should be hanged in a public place, and I will go there".[76] Voici un autre cas d’extrême sadisme. Dr. Nyiramilimo reconnaît donc que je devrais être pendu pour avoir sauvé des vies humaines, y compris ses propres enfants et elle-même!. Paradoxalement, elle ne fournit aucune indication sur les crimes dont elle m’accuse et pour lesquels je devrais être pendu ou exécuté.
Je suis convaincu que c’est à cause de mon appartenance ethnique que cette haine s’est développée et nullement pas à cause de moi en tant personne. Mais encore, si elle le dit pour moi qui l’ai sauvée et toute votre famille, quelle serait son attitude à l’égard des autres qui ne l’ont pas aidé?!
C’est une façon de dire: "Rutaganda a sauvé mes enfants, mais dès lors qu’il appartient à ce groupe indésirable, il doit être pendu." Comme elle n’a pas été assez courageuse pour venir soutenir son faux témoignage devant les Juges du TPIR, elle devrait au moins se taire. Mais elle ne se taira pas tant que son objectif de me détruire n’aura pas été atteint. C’est pour cela que j’ai pris cette initiative de vous écrire dans l’espoir de l’aider à réfléchir.
Dans ce cadre, je fais appel à votre sens de l’honneur pour faire quelque chose et, si possible, rapidement. Dr. Nyiramilimo devrait cesser de chercher des boucs-émissaires pour répondre des massacres de 1994. Je m’adresse également à tous les destinataires de la présente et leur demande fermement de la dissuader de ses desseins. Ma liquidation ne vous apportera rien de plus que vous n’avez aujourd’hui grâce, notamment, à mes interventions.
Dans ce même ouvrage, au sujet de ce qui s’est passé à SOPECYA-Kanogo lors de votre transfert vers le FPR, Gourevitch écrit: "I’ve heard many accounts of the hours the evacuees spent at the roadblock and not one clear explanation of why, in the end, the convoy was allowed to retreat back to the Hotel, but it was, and Odette spent the evening with a sewing kit, stitching wounds."[77]
Effectivement, Mr. Gourevitch a raison de se poser des questions sur ces multiples versions des événements de SOPECYA-Kanogo. A écouter la façon dont plusieurs personnes les racontent, y compris Dr. Nyiramilimo, j’ai eu à me poser les mêmes questions.
Certains essayent d’en donner une version qui sert leurs intérêts personnels au moment où d’autres préfèrent se taire pour ne pas s’attirer des ennemis avec les défenseurs de la thèse du génocide qui en ont fait une illustration de sa planification.
Dr. Nyiramilimo se trouvait sur place au moment des événements. Elle est, elle-même, concernée et a eu l’occasion d’en discuter avec Mr. Gourevitch avant la sortie de son livre. Qu’est-ce qui lui a empêché de donner sa version des faits à son ami Gourevitch alors que ce dernier parle des activités d’Odette? Et si elle a donné sa version, pour quelles raisons ce dernier la met-il en doute?
Puisque Mr. Gourevitch s’était décidé à parler de cet événement, qu’est-ce qui l’empêchait de recouper ses informations après avoir écouté les témoins crédibles de ces événements? Pourquoi n’a-t-il pas consulté les rapports de la MINUAR sur cette question délicate où sa responsabilité était sérieusement engagée. On ne peut pas écrire sur un événement qui s’est passé publiquement et chercher à en cacher certains aspects!!! L’honnêteté intellectuelle exige de celui qui rapporte un événement de le faire correctement et dans son intégralité.
4.3.5 La Participation du Dr. Nyiramilimo à la Maison Blanche à l’occasion du "MILLENNIUM EVENING"du 12 avril 1999. [78]
Comme le titre le dit, l’objet de cette cérémonie était de revoir les leçons tirées dans ce siècle qui a été caractérisé par beaucoup de violences. Il était question de commémorer l’Holocauste Juif ainsi que les autres drames de notre siècle. D’emblée, je me doit de vous transmettre mon espoir à ce genre d’initiatives. J’y ai tiré beaucoup de leçons. Toutefois l’invitation des parties en conflit, diabolisées par leurs opposants, rendrait de telles rencontres plus enrichies et plus constructives.
A cet effet, j’ai retenu la réponse de Mr. Wiesel, Juif, Prix Nobel de la Paix à l’intervention d’un jeune homme, également Juif, Mr. Appleabaum.
"Mr. APPLEBAUM: I need help to know what do I say to my grandmother. She’s survivor who’s having a lot of trouble understanding what’s going on with -- I met a group of German students in the museum over the summer. And I believe it’s important for us to come together and talk about what has happened in our history. So they’ve been invited to my house to come and stay with me for the summer. And my grandmother is having a hard time understanding this. And I would like to know -- I love my grandmother very much, but I’d like to know how I can help her to understand, to help forgive.
Mr. WIESEL: Forgive whom? Not your friends; they are young. I don’t believe in collective guilt. Only the guilty are guilty. Even the children of killers are not killers; they are children. By definition, a child is innocent unless that child does something terrible. And, therefore, I will speak to your grandmother and say, look, don’t see in them Germans; they are children. And I am sure that your grandmother, after a while, will understand."[79]
Il est clair que de Mr. Wiesel prêche la tolérance. Ceci devrait constituer "la lame maîtresse" de la cohabitation ethnique entre les Tutsi, les Hutu et les Twa au Rwanda et ailleurs.
Lors de cet anniversaire, beaucoup de personnalités de grand renom ont pris la parole. Dr. Nyiramilimo a, également, fait une intervention remarquée qui a été publiée par extraits dans "Copyright 1999 Newsday, inc. New day (New York, NY), April 18 199, Sunday, All Editions".
Durant cette séance, il a été déclaré en substance: "Dr. Nyiramilimo: Thank you, Mr. Wiesel, for sharing your experience with us this evening. Thank you, Mr. President and Mrs. Clinton, for hosting this evening today. As you heard, I’m a Tutsi survivor of the monstrous genocide in Rwanda. I have experienced firsthand the real value of not being indifferent to human injustice and atrocity. ....
Ultimately, my husband, my children and I were the survivors. But unlike the survivors of the Jewish Holocaust, Rwandan survivors are remaining in their country, living with their killers, day after day".
Mr. Wiesel: Madam, I wish I had an answer. I don’t. ....I know one think -- we could have prevented that massacre. Why didn’t we? I don’t know. ....
The President: I think we could have prevented a significant amount of it. You know, it takes -- the thing about the Rwanda massacre that was so stunning is it was done mostly with very primitive weapons....."[80]
Pour commentaires, je ne peux qu’avancer les points suivants:
- Je ne pense pas qu’il soit opportun de discuter des circonstances qui ont amené le couple présidentiel américain à convier Dr. Nyiramilimo à la même table que Mr. WIESEL, Prix Nobel de la Paix. Le Président Bill Clinton est libre d’inviter qui il veut à sa table bien qu’on peut souligner que même certains Chefs d’Etat n’ arrivent pas à avoir la même chance que Dr. Nyiramilimo de rencontrer le Président américain!
- Des trois intervenants, seule Dr. Nyiramilimo a qualifié le drame Rwandais de "monstrueux génocide au Rwanda". A la réponse au Dr Nyiramilimo, Mr. Wiesel a utilisé le terme "massacre". Président Clinton en fera l’écho lors de son intervention. Je m’en voudrais de ne pas indiquer que Ms. LOVELL en introduisant Dr Nyiramilimo, elle avait également dit que "... she is a survivor of Rwandan massacres". Pour éviter d’être taxé de révisionniste, je vous invite à faire l’analyse vous-mêmes! En plus, je constate que, dans son allocution, Mme Nyiramilimo a abusé son hôte, ou tout au moins, ne lui a pas dit toute la vérité. A cet égard, je tiens à dénoncer ses omissions et à regretter son intolérance incompréhensible.
- Des omissions coupables, synonyme d’ingratitude: Pourquoi dans son discours Dr. Nyiramilimo s’est appesantie sur le fait qu’elle a survécu par chance, elle-même, son mari et ses enfants sans daigner révéler à ses auditeurs comment et par qui ils ont été sauvés?
Pourquoi le Dr. Nyiramilimo n’a pas osé révéler au Président Bill Clinton que l’homme qui leur a sauvé la vie s’appelle Georges Rutaganda, ancien Vice-Président des Interahamwe za MRND, actuellement détenu du TPIR à Arusha? Pourquoi Mme Nyiramilimo n’a-t-elle pas osé révéler à ses convives de la Maison Blanche que leur sauveteur, Georges Rutaganda en prison, a lui aussi une femme et des enfants rescapés, actuellement en exil pour échapper aux exécutions sommaires du nouveau régime de Kigali et qui ont besoin de son travail pour vivre.
Une intolérance incompréhensible: Dr. Nyiramilimo estime que les rescapés et leurs bourreaux ne doivent pas cohabiter dans un même pays. Elle supporte mal de côtoyer les Hutu qui sont, globalement, considérés comme des génocidaires. Malheureusement, elle n’a pas indiqué clairement ce qu’on devrait en faire ni où les rescapés souhaiteraient s’installer pour ne plus côtoyer les génocidaires.
Pourquoi n’a-t-elle pas, au préalable, réfléchi sérieusement avant de faire une telle déclaration qui va à l’encontre de la propagande du régime de Kigali sur la Réconciliation des Rwandais. S’il en est ainsi dans l’esprit du Dr. Nyiramilimo, où se trouveraient les lueurs de la Réconciliation nationale dont on parle tous les jours?
Si je peux encore vous faire une recommandation, je vous suggère de méditer cette réflexion du Professeur Filip REYNTJENS que vous connaissez très bien. N’a-t-il pas déclaré que: "Ce qui s’est passé au Rwanda n’est pas l’affaire des bons contre les mauvais, c’est l’affaire des mauvais contre les mauvais".
4.4 Le mot de la fin.
En guise de conclusions, je me permets de soumettre à votre réflexion les points suivants:
- Le Procureur a demandé à Dr. Nyiramilimo de venir confirmer devant les Juges son témoignage recueilli par les enquêteurs et consigné dans les P.V du 27 février 1996. Après avoir fait défaut à deux reprises, elle a définitivement refusé de comparaître comme témoin du Procureur. Par la suite, elle opposa une fin de non recevoir à ma demande tendant à la citer comme témoin à décharge.
Au lieu de venir aider la Justice à découvrir la vérité sur ce qui s’est passé au Rwanda en avril-juillet 1994, le Dr. Nyiramilimo a préféré me calomnier dans la presse, dans des publications tendancieuses ou lors de ses multiples déplacements à travers le monde.
Pourquoi et pour combien de temps, Dr. Nyiramilimo continuera-t-elle à abuser de mon nom sans rapporter correctement les événements auxquels elle m’associe?
- Jusqu’à présent, le Procureur ne semble avoir rien prouvé qui puisse justifier ma condamnation. Il a essayé de déduire de mes interventions en faveur des personnes en danger comme vous, que j’étais un"Homme tout Puissant", alors qu’il n’en était rien. De là, je me demande si le fait d’être fort est en soit un crime! Soit. Je vois que, je suis accusé pour avoir fait du bien; de quel type d’accusations serais-je entrain à faire face si vous aviez été abattus à ma présence? Je remercie Dieu de m’avoir privé de cette catastrophe.
Dans tous les cas, il n’a pas démontré, au delà de tout doute raisonnable, que j’ai pris part à des actions criminelles. Puisque j’ai risqué ma vie pour sauver la vôtre, qu’est-ce qui vous empêche de le reconnaître et de sortir de ce comportement de haine pour lequel vous êtes devenus des otages politiques et ceci, avant que les Juges ne décident.
- Si Dr. O. Nyiramilimo a des preuves attestant ma participation dans les massacres, pourquoi ne les révèle-t-elle pas aux Juges du TPIR? Je crains que Dr. Nyiramilimo n’ait agi que par haine injustifiée à mon endroit. Ceci ne peut s’inscrire que dans le mouvement de délation générale qui a été récemment dénoncée par le Secrétaire Général du FPR, dans son communiqué du 10 mai 1999, en réaction contre le montage des charges par l’Association IBUKA dans l’affaire du Mr. Elysée Bisengimana, Hutu accusé de génocide parce qu’il était retenu candidat député du FPR!
Qu’est-ce qui a poussé le Dr. Nyiramilimo à livrer une information tronquée à ses interlocuteurs? Peut-elle expliquer pourquoi elle a caché à Mr. Gourevitch la vérité sur les événements de SOPECYA-Kanogo.
Par ailleurs, je relevé que Dr. Nyiramilimo n’a pas du tout informé le Président Bill Clinton sur les circonstances de leur sauvetage et particulièrement sur leur convoi vers la zone sous contrôle du FPR. Pourquoi a-t-elle omis de révéler l’identité de la personne qui l’a sauvée, elle et sa famille, et les risques encourus par ce dernier? A vous de donner la réponse appropriée.
Ma démarche actuelle vise à vous rappeler tous les risques que j’ai pris pour rester fidèle à notre amitié de longue date et à ma propre conscience qui me dictait d’intervenir pour sauver des vies humaines. Vous n’êtes pas les seuls pour qui j’ai fait tout mon possible pour éviter l’irréparable. Je suis sûr que vous connaissez beaucoup d’autres exemples même si vous ne voulez pas les citer.
Je souhaite simplement que vous ayez toujours à coeur la chance exceptionnelle que vous avez eue de survivre à ces tragiques événements du Rwanda qui ont emporté beaucoup de personnes pour la plus part, innocentes. Je n’ose pas vous signaler qu’il y a actuellement au Rwanda et dans les pays d’asile beaucoup d’autres victimes innocentes qui ont besoin de votre engagement en faveur de la vraie justice et de la vérité. La Réconciliation est à ce prix.
Je ne doute pas que après la lecture de cette longue lettre, vous aurez remarqué que nous avons beaucoup de choses à nous dire. C’est pour cela que j’attendrai patiemment votre réaction. Que Dieu vous bénisse.
En vous souhaitant une bonne réception et un examen attentif de la présente; veuillez agréer, Chère famille, l’expression de mes sincères salutations.
N. Georges Rutaganda* (sé)
cc: - Son Excellence Monsieur Bill Clinton, Président des Etats Unis d’Amérique, USA ; - Honorable Madame la Présidente du TPIR, Arusha ; - Honorables Juges du TPIR, Chambre I, Arusha ; - Monsieur Elie Wiesel, Prix Nobel de la Paix, USA ; - Maître Tiphaine Dickson, Conseil de la Défense, Canada ; - Amnesty International, Londres ; - Madame la Procureur du TPIR, Kigali ; - Mr. Paul Rusesabagina, Belgique ; - Mr. Philip Gourevitch, USA ; - Famille Ambroise Murindangabo, Kigali ; - Famille François Habiyakare, Kigali ; - Famille Védaste Rubangura, Kigali ;
Part V: The unsaid about Georges Rutaganda and The "Hôtel Des 1000 Collines", during 1994 Rwandan tragedy.[81]
After what has been said around the "Hôtel Des 1000 Collines" activities during 1994 Rwandan tragedy, especially about how people who got refuge there were looked after and saved, I, Georges Rutaganda, as having played a paramount role, find it essential to inform the Humanity about the other side of the story because the latter is not at all told to anyone, particularly in the recent movie titled "Hotel Rwanda". The only motivation of such an attitude is that in most cases, if not from being partisans, it makes some people squirm to talk positive things about those who unfortunately are taken by the international community as evil ones while they have assisted and helped people in danger. This statement is a typical illustration in respect to Georges Rutaganda who is now convicted for life by the International Criminal Tribunal for Rwanda, in Arusha.
In 1994, I. Georges Rutaganda was a business man dealing with importations of foodstuffs mainly beers from Denmark such as Carlsberg and Tuborg; I was their exclusive representative in Rwanda. In addition to this, I was involved in politics whereby I occupied the post of 2nd vice president of Interahamwe za (of) MRND, an informal and fledgling structure of the MRND youth that practically ended on 06 April 1994, with the war resumption by RPF when they killed the Rwandan President, Juvénal Habyarimana.
Paul Rusesabagina was Director of the "Hôtel Des Diplomates", in Kigali, in which the Interim Rwandan Government had settled its head-quarters just after being launched. At the same time, he was an important activist member of MDR political party in Gitarama and national-wise. When the Government moved on to Gitarama, on 12 April 1994, Rusesabagina shifted to the "Hôtel Des 1000 Collines" where he acted as its new director because the one in charge had been evacuated by foreign troops. He took with him a group of refugees who hadn’t decided to go along with the Government.
I and Rusesabagina were good friends for a very long time. We are both Seventh Day Adventist Church members and are from the same area named Masango-Murama, now called Akabagari, in Gitarama prefecture.
Already, in the earliest days of April 1994, after having been informed that my shop had been looted, I attempted to sell off all the stocks we had, particularly those of beers as they were the most in demand in Kigali because the only factory of beers was unfunctional because of the war in the North of the country. As any one would imagine, consumers paying cash were no longer to be tamed!
Rutaganda and the refugees at the "Hôtel Des 1000 Collines", in Kigali.
Among thousands of people who stood in the queue before Rutaganda’s warehouse, was the acting director of the "Hôtel Des 1000 Colline", Paul Rusesabagina, struggling for a solution to feed thousands of refugees who were in his Hotel. When he reached me, he used our good relationship to ask me for a loan of quantities of beers and other foodstuffs to help him take care of those refugees. To tell the truth, although I was willing to help him, it was not easy for a business man to grant such a loan while people were anxiously waiting to pay cash and above all, during a war for which no one knew its ending.
At first, I refused him this kind of credit not only because of the reasons mentioned above but also from the fact that although Rusesabagina was my friend and a manager of big hotels, he was not among our big customers because of political purposes. In fact, his party, MDR and its allies had given a watchword to their members not to buy Rutaganda’s products!
Having no other way out, Rusesabagina went up to beg for my good hand and promised me that he was going to leave behind a cheque as a surety. During normal situations, it was common practice to leave a cheque as security for a loan; it was not a payment.
He said, and I quote: "Most of my people don’t easily swallow water and if even they wanted to, we don’t have proper drinking water". I felt deeply moved and conceded that credit to Rusesabagina and gave him the first delivery which he hurriedly took in his Hotel’s minibus, despite not having brought the said cheque with him. He was not only provided with beers but also with bags of rice and cartons of toilet papers. According to him, sanitary conditions had become bad because of the lack of piped water.
The following day, I went to "Hôtel Des 1000 Collines" to collect the promised cheque and got the opportunity to visit its compound where I met and talked at length with many of my acquaintances among the fugitives. I noticed that they were from both Tutsi and Hutu ethnic groups, like: Rubangura Vedaste, Mutalikanwa Félicien, Dr Gasasira Jean Baptiste, Kamana Claver, Kajuga Wicklif, Rwigema Celestin, Kamilindi Thomas, and many others. The UNAMIR soldiers were around but I didn’t observe any special protection except a roadblock manned by gendarmes, at the main plot entrance.
The next day, Rusesabagina came again to me requesting for another credit. Asked if he had brought me the amount for the first cheque he said that the collected money was being used in purchasing other items they needed such as potatoes, vegetables, beans, etc, at the local market. This was really unbelievable for me since I was expecting the payment as soon as Rusesabagina got paid by his customers! But after a long discussion as at the previous occasion, I again accepted to help him as long as he left another cheque as guarantee.
The same transaction was repeated many times and the amount went up to the equivalent of about 15.000 US dollars. Even if it seems to be insignificant, the most important thing to seize through this gesture is that by allowing such a credit to the "Hôtel Des 1000 Collines" at such a high risk, Rutaganda’s Company indirectly, but knowingly and willingly, financed the struggle for the survival of these refugees at that Hotel. Had he categorically refused to lend Rusesabagina those goods, the latter wouldn’t have been able to feed these people! Why and how no one wants to take in consideration the devotion shown by Rutaganda in assisting these refugees but, instead prosecute and persecute him?
This walking side by side with Rusesabagina made me free to frequently visit the "Hôtel Des 1000 Collines" and to talk to refugees to whom sometimes, I used to bring them those foodstuffs when they had asked me to and had paid the required amount. For instance Kajuga Wicklif, Kamana Claver and others used this means to get their private food and drinks without passing through the Hotel’s Director, Rusesabagina. Amazingly for that maelstrom period, Kamana’s sister celebrated her wedding inside the "Hôtel Des 1000 Collines" and the beers that they drunk were from Rutaganda’s Company! In the end, this walking side by side with Rusesabagina in these difficult times, also developed a big mutual trust between these people and me that they entrusted me with countless personal assignments.
These relations also put me in better position to take some people who had found refuge in my compound, Ex-AMGAR, to the "Hôtel Des 1000 Collines", after having discussed the matter with Rusesabagina but also, sometimes without his knowledge. I recall having taken there Butera Anaclet’s family (wife, his daughter, two sons, the maid), Gashayija Justin alias Rutuku and on Rusesabagina request a Libyan Embassy agent’s family (his wife, two daughters), from two different areas.
When banks re-opened at Gitarama, I deposed all Rusesabagina cheques at the "Banque De Kigali" bank. They were on the name of CRHT-Compagnie Rwandaise d’Hôtelerie et du Tourisme, the Rwandan biggest organization, which was in charge of hotels’ management. At the present moment, I don’t know if these cheques have been cashed.
Rutaganda and UNAMIR’s refugees convoy towards RPF zone.
Rutaganda’s relationship with the "Hôtel Des 1000 Collines" refugees didn’t just end there. A part from individual contacts, I again met some of them at Sopecya-Akanogo place which was very dangerously risked. They were taken by UNAMIR’s convoy to RPF zone; decision by which, considering the prevailing situation, they had signed their death decree because of their choice to favor the enemy camp. What then happened?
One morning, at the end of April, a Senegalese UNAMIR officer, Captain Amadou Démé, accompanied by Kajuga Robert-a Tutsi, President of Interahamwe za MRND, came to take me to a meeting at the "Hôtel Des Diplomates". I reluctantly attended that brief meeting because its agenda concerned neither our organization nor I personally. The UNAMIR wanted us to help them on roadblocks while transferring the "Hôtel Des 1000 Collines" refugees to RPF zone. I made it clear that this was not our task since manning roadblocks was not our responsibility. I admonished them that if they wanted to go ahead, they should go through the Administration and to avoid any catastrophe, not to push their project without having a prior approval of each of the roadblock authority they were intending to pass through. The meeting spanned almost 20 minutes and they took me back home.
About one (1) hour later, Captain Amadou Démé, came again to me, highly troubled, earnestly requesting me to quickly get in his jeep. When I asked him to explain the situation to me first, he somehow forced me by saying that since it was very urgent, he was going to do so in his jeep. In fact, I was ensnared by his concern because by the time I got in his car, he had driven off and without delay found myself in a mess at Sopecya-Akanogo roadblocks. Surprisingly, they were the same refugees for whom we had to intervene for their transfer that were blocked there! It was afterwards that I came to realize that we were taken as hostages by UNAMIR officers at the "Hotel Des Diplomates" meeting!
The climate found on the spot is indescribable because I, myself, nearly had a brush with death as a result of the folk’s anger. Thousands of people were shouting around, armed with traditional weapons and mixed with soldiers properly armed as we were almost at the war front against RPF. RFP shootings were reaching us, on a nearby slope. No one wanted to listen to what was said, that at one point I was about to quit and leave everything behind. But instead, I decided not to and proceeded with that ordeal of convincing those furious people to let these fugitives continue.
On the refugees’ side, the group was the real elite cream of Tutsi ethnic tribe. Had one been really spurred by bad intentions this would have been a great occasion to decapitate the Tutsi ethnic group. Families of former ministers, doctors, lawyers, big business men, highly educated men and women, professors, etc, were among them. Instead of taking the staged evidence, this should have been a proper test to evaluate each one who intervened in the negotiations and a way to see if really that person had any malicious intent to destroy Tutsi ethnic group. It is practically implausible to protect such a group of Tutsi elites and then after to go and attack just commoners!
Describing the refugees’ conditions, they were squeezed at the bottom of UNAMIR trucks trembling all over and urinating carelessly because of the fear.
Many families were among refugees: Rusesabagina Paul, Rubangura Vedaste, Murindangabo Ambroise, Habiyakare François, Nkusi Gilbert, Gasasira Jean Baptiste, Kamilindi Thomas, etc. On the whole, there could be about eighty families.
Contrary to what they simply say on radios and TVs that they freely went back to the "Hôtel Des 1000 Collines", it took a lot of energy to convince these people who apparently just wanted the darkness to come and to finish with these refugees. Providentially, things went nicely and all refugees happened to go back to the "Hôtel Des 1000 Collines", before dark, using any type of vehicle around because the tyres of UNAMIR’s trucks had already been punctured.
The refugee properties were simultaneously looted, something that any reasonable person would not mind but, I did what I could to avoid the worst and thank only to God. I paid money, promised cartons of Carlsberg, even said things I wasn’t sure about; all means were allowed and used, to calm down the chaos that prevailed. Kamilindi Thomas, a prominent ICTR Prosecutor’s witness, gave in his statement about Sopecya-Akanogo incident, I quote: "My wife noticed Georges Rutaganda, who had arrived on the scene in the meantime. …… Each roadblock was organized and had to palaver with those in charge to pass through. Georges Rutaganda pleaded our cause to the Interahamwe and asked that we be allowed through, but he did not succeed", (Kamilindi statement to the Prosecutor on the 27th February 1996).
The situation was so hectic that even Captain Amadou Démé, after seeing these refugees released, never remembered that he had brought me there! He just rushed and left with them, leaving me behind and never came to pick me up.
What deeply struck me and about which I will never forget was the way a young girl left behind got saved. In fact, she had locked herself in one of the UNAMIR’s truck cabin and didn’t know that the others had left. When wandering around waiting for a lift to take me home, I realized that a little girl was hidden there and when I tried to take her out, one soldiers nearly shot me claiming that I should not touch his prey. Fortunately, a high ranking soldier, Colonel Muberuka, emerged and handled the situation until this young girl was also taken to the "Hôtel Des 1000 Collines". I was really scared to death.
The day after this incident, I visited the refugees at the "Hôtel Des 1000 Collines" some of whom I had just saved their lives. I met Mulindangabo Ambroise, Dr Gasasira Jean Baptiste, Habiyakare François who were together having a chat. I noted that a few of them were slightly injured but in spite of that, they welcomed me as a hero and thanked me very much. When Rusesabagina later heard that I was around, he invited me in his office to also thank me and to tell me how grateful he was because I had saved his family which was among the refugees at Sopecya.
Before we left Kigali, exactly on 27th May 1994, I went lastly to say good bye to my new friends at the "Hôtel Des 1000 Collines" and the separation was emotionally painful. A group of more than twenty people walked me out of the building and most of them couldn’t prevent themselves from breaking down. During their farewell’s words, they promised not to forget what I had done for them and their entire families.
In April 1999, during my trial, although I had told the whole story to the Court, I did my best to have Rusesabagina come testify for me. In fact, when contacted by my defense team, he wrote as follow: "My name is Rusesabagina Paul, nationality: Rwandese, marital status: married (4 children), resident in Bruxelles; profession: Hotelier (former General Manager of Hotel Des Diplomates in Kigali and General Manager of Hotel Des Mille Colline as from April the 10th 1994 to July 1994. I have known Rutaganda Georges for many years and during the genocide he did beer business with me. The type of beers were Carlsberg and Tuborg ", (Signed before Rutaganda’s investigator, Phillip Taylor, on 1st March 1999 at Av Baron Albert d’Huart 124, 1950 Kraainem).
But, Instead of standing up for the truth and at the very least be grateful, as he had told me in 1994, for what I had done to him personally and to many refugees at his former hotel, "Hôtel Des 1000 Colline", he chose the side of looking a gift horse in the mouth. He used all the pretexts of the world to wave aside his obligation to come until the Court dismissed him. Paradoxically, the reality was that he didn’t want to lose the pending American award of having fed, protected and saved the same refugees we have discussed herein! In meantime, I wrote him a letter in which I mentioned to him that: "If something awful happened to me, God will hold you accountable for my blood; that is sure", (Rutaganda’s letter to Rusesabagina, on 14 July 1999).
It is also important to be informed that during their previous meetings, before he agreed to become my defense witness, Rusesabagina had confided in my investigator that he knew Rutaganda Georges was innocent but, that there was something he will never forgive him. That thing was Rutaganda having chosen to be member of MRND political party and much more, member of Interahamwe organization. He added that if Rutaganda hadn’t any other choice, he would have just early fled from Kigali. I simply replied to him that, hadn’t I been in MRND or member of Interahamwe za (of) MRND, most of the refugees at the "Hôtel Des Mille Collines", including his own wife and children, would have died whether from hunger or killed at Sopecya roadblock. I referred him to the Bible story of Joseph in Egypt whereby he fed his relatives who had sold him as a slave! At the time I thought maybe it was from this explanation that he changed his mind and accepted to be my witness. Now I can see that I was utterly wrong.
Regarding other "friends" of mine, they are in Rwanda, the country in which I haven’t yet accessed. What I did, on 20th June, 1999, I called up their conscience by writing a 20 pages open letter to Dr Gasasira Jean Baptiste’s family and informed those listed hereafter: Mr. Bill Clinton-President of USA, ICTR’s Judges, Mr. Elie Wiesel-Nobel Peace Price, Me Tiphaine Dickson-Counsel, Amnesty International, ICTR Prosecutor, Mr. Paul Rusesabagina, Mr. Philip Gourevitch and families of Ambroise Murindangabo, François Habiyakare, Védaste Rubangura. Up to now, no substantial reaction has been registered. I only received one from the late Judge Kama, for reception and detected another one through a comment made about the anonymity of witnesses by Ibuka, "Association of the genocide survivors". It is highly unfortunate but at the same time, it is never too late to do good things because as one said: "The only thing necessary for the triumph of evil is good men to do nothing".
I therefore plead with you to do something good. "Don’t be afraid of those who want to kill you. They can only kill your body; they cannot touch your soul. Fear only God, who can destroy both soul and body in hell", Jesus said. (Matthew 10:28, NLT).
Partie VI : Conclusion Générale.
Dès sa création et plus concrètement après mon transfert à Arusha, j’avais tous les motifs d’avoir confiance dans le TPIR. Le mandat du TPIR, tel que consigné dans ses Statuts (cf. Résolution 955), ne laissait aucun doute sur la volonté de la Communauté Internationale de faire la lumière sur les évènements tragiques d’avril-juillet 1994 au Rwanda. Avec les témoins, tels que Dr Odette Nyiramilimo, Capitaine Amadou Démé et Paul Rusesabagina, pour ne citer que ces trois là, j’avais toutes les raisons d’espérer que la vérité allait éclater au grand jour et que je serai innocenté.
Malheureusement, avec les obstructions qui ont prévalu tout au long de mon procès, le constat ne pouvait être qu’amère puisque la vérité n’était pas la priorité du TPIR. Avec le temps, il s’est avéré que la Justice rendue par ce Tribunal onusien était une justice à deux vitesses, sélective et discriminatoire au détriment d’une partie au conflit rwandais.
Contrairement à ce que l’Histoire a hérité du philosophe grecque Aristote qui disait, en définissant le droit, que : « The Law is reason free from passion »[82], le TPIR a sacrifié son indépendance et sa neutralité au profit des vainqueurs de la guerre d’agression lancée contre le Rwanda, la guerre déclenchée le 01 octobre 1990. Il a cédé aux multiples pressions exercées sur lui par les parrains du Régime FPR en général et par le Gouvernement de Kigali lui-même en particulier. Ainsi, par exemple, le TPIR a favorisé l’éloignement d’Arusha du Capitaine sénégalais Amadou Démé au moment où il devait déposer en ma faveur.
Par ailleurs, il y a lieu de noter qu’aucun parmi les transfuges membres du Comité provisoire des « Interahamwe za MRND » n’a été cité dans mon procès, le procès du 2ième Vice-Président des « Interahamwe za MRND ». Même le fameux Jean Pierre censé avoir été l’informateur top niveau à l’origine du fax envoyé à New York, le 10 janvier 1994, par Roméo Dallaire, n’a pas été cité à comparaître, nonobstant l’interpellation de mon avocate à se sujet. « Où sont les d’ailleurs les Interahamwe à la barre ?…Où est Jean Pierre Turatsinze ? … Nous avons l’impression de confronter des fantômes.», s’est étonnée Me Tiphaine Dickson, lors de sa plaidoirie finale.
Malgré l’ampleur et la gravité des faits qu’il est appelé à juger, le TPIR semble avoir opté pour la globalisation dans ses accusations, la présomption de culpabilité des personnes poursuivies devant ce Tribunal et la condamnation systématique de tous les accusés à de lourdes peines malgré l’insuffisance, pour ne pas dire l’absence de preuves des allégations portées contre elles.
En effet personne, même pas le Procureur, ne peut plus mettre en doute que, jusqu’à date, tous les accusés ont été condamnés, soi-disant pour un génocide planifié avant que l’Accusation n’ait prouvé la planification alléguée. Dans plusieurs affaires déjà jugées par le TPIR, le Procureur a tout le temps prétendu que la planification du génocide sera établie lors des procès impliquant les responsables politiques et militaires au niveau national. Jusqu’à date aucun de ces « grands procès » n’est encore terminé. Ne doit-on pas conclure, avec regret, qu’avec ces condamnations antérieures, le TPIR a mis la charrue avant les boeufs?
Les Juges semblent avoir considéré que l’ampleur des massacres à elle seule justifie la condamnation d’une poignée de bouc émissaires, arrêtés sur indication du vainqueur de la guerre d’agression contre le Rwanda. Aucun signe ne fait croire qu’ils seraient prêts à changer d’avis. Pour eux, les Hutu sont mauvais donc condamnés d’office tandis que les Tutsi sont de pitoyables victimes à protéger par tous les moyens. Mais, tout le monde sait aujourd’hui que la réalité est tout autre : l’agresseur et l’agressé sont connus. Les responsabilités dans la tragédie rwandaise sont bien documentées mais, personne ne veut regarder la réalité en face et agir en conséquence.
Mon amertume a une autre justification beaucoup plus personnelle. J’ai été trahi par l’égoïsme de certains de mes collègues du Comité national provisoire des « Interahamwe za MRND » qui se sont vendus au Procureur en racontant des mensonges pour s’assurer des avantages personnels et/ou familiaux. J’ai été traîné dans la boue par ceux-là mêmes auxquels j’ai sauvé la vie, souvent au prix de la mienne, à l’instar de Odette Nyiramilimo et son mari, Jean Baptiste Gasasira. De ceux là qui me doivent d’être toujours en vie, j’ai vu Rwigamba Ezéchias à la barre, pour m’accuser faussement. J’ai été trahi par des amis de longue date et partenaires dans les affaires, à l’instar de Paul Rusesabagina.
Tout cela, les Juges qui m’ont condamné à la prison à vie, feu Président Laïty Kama en tête, le savaient. Pourtant, ils m’ont rangé parmi les pires criminels, animés d’intention génocidaire malgré la faiblesse notoire des éléments de preuve apportés par le Procureur pour soutenir de telles allégations contre ma personne. La vérité est que j’ai sauvé beaucoup de Tutsi. Le tableau en Annexe I en donne une idée à quiconque songerait à en douter.
Mais, je ne demande rien en retour, sinon la reconnaissance des ces actions humanitaires accomplies, souvent au risque de ma vie, pour sauver de nombreuses vies humaines. Je souhaite que l’on cesse de m’attribuer l’intention d’avoir voulu éliminer le groupe ethnique Tutsi puisque c’est tout à fait faux. Je revendique que Justice me soit rendue. Je continuerai à clamer mon innocence et à tout faire pour qu’un jour, toute la vérité, rien que la vérité sur le drame rwandais éclate au grand jour. Le Procureur n’est pas fondé à me l’empêcher en me prenant arbitrairement en otage.
…………………………..
Les Annexes
Annexe 1 : Tableau Synoptique des actes humanitaires posés par N. Georges Rutaganda, durant les évènements d’avril-juillet 1994, au Rwanda.
#IdentificationActe posé et les circonstances
A. Catégorie de personnes que Georges Rutaganda a rencontrées par la force des choses :
01Muhaturukundo Norbert, Hagumagutuma Anastase, les deux d’ethnie Hutu et d’autres dont l’ethnie est inconnue ;Dans la nuit du 06 avril 1994, Rutaganda en compagnie d’Ananie Dusabumuremyi, a été arrêté et gardé par les militaires, au Rond Point de Kimihurura. Lorsque le Chef militaire viendra, vers le petit matin, il les reconnaîtra et avant de les libérer, leur demanda d’identifier d’autres personnes parmi la foule retenue, chose que Rutaganda a faite sur base de ses simples relations antérieures. Il identifia un certain Muhaturukundo Norbert, Hagumagutuma Anastase et d’autres, juste connus de figure. Je les ai fait sortir de la masse et le chef militaire nous laissa partir avec eux.
02Trois familles récupérées à la paroisse Kicukiro : Boyi JMV (4 personnes : Boyi JMV, Hutu et son épouse Bemeriki Jacqueline+ 2 enfants); Ndindabahizi Emmanuel, Hutu (5 personnes : Epouse + enfants + domestique) ; Une dame avec ses deux enfants d’ethnie inconnue.Dans la soirée du 08 avril 1994, rendu à la Paroisse Kicukiro pour m’approvisionner en nourriture, j’ai rencontré une foule de réfugiés fuyant le FPR, en provenance de Remera. Trouvant que le Père Peters leur avait refusé l’accès aux salles de classes propres et que l’endroit leur indiqué pou passer la nuit était insalubre, surtout pour les mamans qui avaient à peine accouché ainsi qu’à leurs bébés, j’ai proposé à nos voisins de nous partager ces personnes vulnérables afin de passer au moins cette nuit dans nos familles. Ceux qui étaient près de moi se sont immédiatement accrochés à moi (cf. colonne à gauche). Ils passeront la nuit chez moi. La famille Boyi JMV est même restée avec la mienne jusqu’à Masango où nous nous sommes séparés vers fin mai 1994.
B. Catégorie de personnes menacées qui sont venues chercher refuge à « Amgar » [83]:
03Kajuga Robert, Tutsi et sa compagnie : Ndayisaba, Kajabo, Tarza, Petit, John, Emmanuel…, environ 15 personnes, Tutsi et Hutu confondus;De retour de Masango, le 14 avril 1994, j’ai trouvé plusieurs personnes qui avaient trouvé refuge chez-moi, dans l’enceinte du complexe « Amgar », dont Kajuga Robert, Président des Interahamwe za MRND et son entourage d’environ 15 personnes. Après l’assassinat de son père et de la famille de son grand frère Houssi et vu les menaces qui pesaient sur sa personne, Kajuga s’est cherché une cachette à « Amgar » dans un hall discret dont la seule entrée était du côté du garage Tomini. Lui et son groupe ne vont effectuer de sorties que vers le 16 avril après que j’eus négocié pour eux avec les militaires en charge de la patrouille des environs.
04Famille Butera Anaclet, Tutsi, 6 personnes : Butera, Mme Butera, leur fille-Béatrice, deux grands garçons et leur domestique;Toujours le 14 avril 1994, je vais décompter la famille Butera Anaclet parmi les gens qui avaient trouvé refuge dans le complexe « Amgar ». Ils ont d’abord habité le même hall que le groupe Kajuga et plus tard ils vont occuper le bâtiment « Hindi Mandal ». Ils vivront sous mon toit et seront totalement pris en charge par moi-même. Je vais les soigner, leur prêter ma Radio et leur donner tous ce dont ils avaient besoin, y compris les médicaments, jusqu’à l’arrangement coûteux de leur évacuation. M. Butera a été conduit à l’Hôpital de la Croix Rouge à Kiyovu tandis que le reste de sa famille était acheminé à l’Hôtel des Milles Collines.
05M. Nzungize (Tutsi) ;Parmi les gens que j’ai trouvés chez moi à « Amgar », à mon retour de Masango, il y avait un garçon nommé Nzungize, fils Enos, natif de Rwoga-Masango sur la même colline natale que moi. Selon ses dires, Nzungize avait choisi de se réfugier chez son « Grand-frère », quel que soit son sort. Nzungize a vécu comme tous les autres qui étaient à « Amgar ». Il mangeait et dormait avec eux ; il participait dans l=équipe chargée de la préparation du manger pour tout le monde. A mon départ définitif, Nzungize sera l’un des trois personnes à qui j’ai confié la garde de notre propriété.
06Gashayija Justin, alias Rutuku, Tutsi; Gashayija est originaire de la même région que moi, en commune Murama-Gitarama. Dès la reprise de la guerre et de façon spontanée, je l’ai vu chez moi, à « Amgar ». La manière qu=il a utilisée pour y entrer, le mobile de son choix, restent toujours à sa discrétion. A l=intérieur du complexe, il opta pour le profil bas, sans trop se cacher ni trop se faire remarquer. Toujours en train de lire sa Bible, on le surnommera « Pasteur ». Comme tous les autres, il circulait à son gré dans l’enceinte, mangeait et dormait avec eux. D’ailleurs, je lui ai prêté de l’argent pour envoyer à sa femme qu’il avait laissé derrière. Lors de la fameuse évacuation du 27 mai 1994, sur sa demande, j’ai arrangé le détour de notre convoi afin de le déposer, personnellement, à l=Hôtel des Milles Collines, sauvant ainsi sa vie.
07Famille Bomboko Emmanuel, Hutu.Beau-frère de Mr. Silas Majyambere, grand bailleur de fonds du FPR, Nkunduwimye et sa famille, ont vécu de sérieuses menaces, paradoxalement, en provenance de deux côtés. Ils prirent refuge à « Amgar » d’autant plus que Nkunduwimye était co-propriétaire du AGarage Centre Ville Auto@ qui se trouvait au sein dudit complexe. Ils ont partagé les mêmes conditions de survie avec les gens qui étaient sous notre toit jusqu’à l’évacuation de la Famille vers la Commune de Murama-Gitarama. Bomboko resta avec moi et nous collaborerons dans les actions d’approvisionnement et d’évacuation de personnes réfugiées à « Amgar », jusqu’au départ de la ville, le 27 mai 1994.
08Mme Ndagijimana Gloria, Tutsi.Abandonnée par son mari au Centre Hospitalier de Kigali (CHK), avec une grossesse très avancée, Gloria a délibérément choisi de se réfugier à « Amgar » où elle a rejoint plusieurs autres réfugiés dont moi-même. Accueillie à bras ouverts, elle s’intégra parmi d’autres femmes mais, tout le monde était préoccupé par ses conditions doublement précaires. Son traumatisme s’accentuera lorsque, à ma première tentative de les sortir avec mes proches, nous avons été refoulés sur la barrière de Joseph Setiba, à Gitikinyoni, après de sérieuses menaces. Mes soeurs s’occuperont d’elle jusqu’à son accouchement à Bukavu, en ex-Zaïre.
09Zahara Mimy, Zaïroise avec sa copine, Charlotte Burundaise, Tutsi.Menacées de mort et de viol, selon leurs dires, elles ont opté pour se joindre au groupe vivant à « Amgar », parce que des voisins. Bien accueillies sous notre toit, elles vivront dans le climat qui y régnait. Elles mangeaient, dormaient avec leurs collègues et participaient également à la cuisine commune. Elles étaient libres de leurs mouvements du fait même d’être des étrangères. Après l=enterrement de Mme Eméritha Mukangarambe, à Masango, le 20 mai 1994, le lendemain, je me suis risqué à les conduire jusqu’à Cyangugu, ensuite, chez elles à Bukavu, en ex-Zaïre.
10Rudasingwa Théophile, Tutsi.Employé du Groupe Rutaganda s.a.r.l, Rudasingwa était chargé du gardiennage du complexe « Amgar » où se trouvaient nos bureaux et dépôts. A mon retour de Masango, je l’ai retrouvé là-bas avec d’autres personnes sérieusement menacées parce qu’elles n’avaient pas leurs pièces d’identités. Etant donné cette source de menaces pour lui, je lui ai arrangé une attestation de service avec laquelle il pouvait circuler. Il a vécu, mangé, dormi avec les autres jusqu=à mon départ en exil. Il est resté maître du complexe « Amgar », ensemble avec Nzungize et Rwigamba Ezéchias.
11Autres personnes toutes ethnies confondues qui ont trouvé refuge au complexe « Amgar ».Il s’agit de familles ou de personnes qui ont bénéficié de mon assistance, à partir du complexe « Amgar » : Petit Frère Bomboko, Hutu ; Alias Petit, Fils Moussa, Hutu ; Emmanuel Sokolov, d’ethnie inconnue ; Ngendahayo Ezéchias, sa femme, Musoni Olive et leurs 3 enfants, Hutu ; Mutaganzwa Jean Bosco, Hutu ; Nduwayezu Jean, agent de société Rwanda-Paint, d’ethnie inconnue ; Kiganahe Paul, sa femme M. Ntaganda Rose et 2 enfants, Hutu ; Mme Mpamo A., Hutu ; Mme Gasingire Agnès, « Gérante » avec ses 2 enfants, Tutsi ; Sheba, d’ethnie inconnue ; Mme Sheba Mayimuna et ses 3 enfants, Tutsi ; Mlles Grâce, ses petites Soeurs et Gisimba Danielle d’ethnie inconnue ; Mlle Jeanne, cousine de Grâce, Hutu ; Mlle. Ngiruwonsanga Judith avec son fiancé d’ethnie inconnue; Mudahinyuka J.M.V, Hutu ; Mlle Rekeraho Fidela, Hutu ; Mme Sezibera Elaste, Tutsi, avec ses enfants.
C. Catégorie des gens qui ont sollicité l’aide de Georges Rutaganda:
12Famille Kamegeri Samuel (Trois personnes : Mme Kamegeri Lydie-Tutsi, deux filles et un garçon, Eric-Hutu) ; Samuel Kamegeri qui était un Hutu.Samuel Kamegeri, Hutu, était le grand frère de Silas Majyambere, bien connu pour être le grand bailleur de fonds du FPR. Kamegeri fut tué dans les premiers jours qui ont suivi l’assassinat du Président Habyarimana, laissant derrière lui les personnes listées dans la colonne à gauche. Menacées, elles allèrent se cacher dans la brousse qui environnait les maisons abandonnées de Kiyovu. C’est après un certain nombre de jours que je suis allé les récupérer sur demande de leur beau-fils, Mukwikwi Jonathan. Une fois arrivée à « Amgar » et après s’être rendue compte de déboursements que j’avais faits sur les barrières, la Maman me proposa une somme d’argent que je refusai. Je me suis ensuite occupé de leur évacuation chez eux en Commune Murama et, de passage sur le chemin d’exil, je leur ai rendu la dernière visite.
13« Inconnu natif de Kigoma-Gitarama », plus tard identifié comme étant Rwigamba Ezéchias, Tutsi.Avec la reprise de la guerre, Rwigamba, selon ses dires, s’était caché dans les faux plafonds. A bout de résistance, il a été obligé de sortir de sa cachette afin de se chercher à manger. Sa carte d’identité étant falsifiée, Rwigamba fut vite interpellé par la ronde des bas fonds de Gakinjiro-Cyahafi et, pour sauver la face, Rwigamba prétendit être le parent de Rutaganda. Devant cette confusion, il fut conduit chez ce dernier, pour confirmation. Surpris par cette intempestive entrée matinale, j’ai voulu d’abord mieux connaître cet individu qui m’était amené et suis parvenu à convaincre les gens qui l’escortaient de me le laisser. Après leur départ et une série de questions, Rwigamba s’est confié à moi et m’a précisé tout en jurant qu’il n’avait aucun lien avec FPR. Plutôt, il m’a décrit nombreuses relations qu’il entretenait avec mon oncle lointain, pour qui il avait travaillé, à Ruhango. Je le confiai à un autre garçon Tutsi, Nzungize, membre de l’équipe chargée de la cuisine, pour d’abord le soigner. Je lui conseillai de simuler des travaux de jardinage pour éviter de s’attirer l’attention des passants. Lorsque les gens de la ronde sont revenus, je leur ai expliqué comment le dossier était clôturé et ils sont partis. Rwigamba trouva un abri de fortune dans les véhicules garés au garage où il vivra toute la durée des évènements, jusqu'à notre évacuation du 27 mai 1994. Il fut inclus dans le trio chargé de garder mon complexe « Amgar ». A titre de « reconnaissance », Rwigamba est venu témoigner faussement à charge contre moi devant le TPIR !
14Intervention dans le drame ASebagenzi John@, Hutu.Sebagenzi est un parent indirect à Rutaganda. Dans la nuit du 7 avril 1994, la famille Sebagenzi a été attaquée et presque toute décimée, à Kacyiru ; y était incluse une voisine qui y avait cherché refuge. Ont été tué : Thamar Sebagenzi, Tutsi ; un enfant de Sebagenzi ; deux frères à Sebagenzi : Ismaël Kagabo, Hutu ; Nzeyimana, Hutu ; Mme Alias Obasanjo, (ethnie : ?) et leurs employés. Le 09 avril 1994, je fus informé et sollicité par mon père, Esdras Mpamo, afin de m’occuper, à tout prix, de leur enterrement. Dans des conditions extrêmement difficiles (les barrières, les fouilles, le creusement des tombes par nous-mêmes), le 10 avril 1994, moi et d’autres membres de la famille avons procédé à leur enterrement, au cimetière de Nyamirambo-côté Butamwa. Nous sommes rentrés la nuit tombée et la guerre faisait partout rage. Dans la suite, je me suis occupé de l’évacuation de Sebagenzi et ses enfants en commune Murama, chez eux, ensuite dans la grande évacuation familiale vers Cyangugu pour finir à Bukavu, en ex-Zaïre.
151er Communiqué du Comité National provisoire des Interahamwe za MRND, signé par Kajuga Robert (Tutsi), Président et Rutaganda Georges (Hutu), 2ième Vice Président ; sur l’instigation de la Croix Rouge, appelant à la pacification.Durant la semaine du 17 au 24 avril 1994, Kajuga Robert et Rutaganda, ont été contactés par la Croix Rouge, représentée par Dr. Placide Ngendahayo, Secrétaire Général et Dr. François Nkurunziza, Directeur du Centre de Transfusion sanguine, afin de donner leur contribution en sortant un communiquée appelant la population, bien entendu les membres des Interahamwe za MRND, à s’investir pour la paix. Après un long débat sur l’opportunité de ce genre de communiqué eu égard à l’absence d’autorité sur la population, nous nous sommes convenus que l’important était la finalité dudit communiqués dans les circonstances qui prévalaient. Avec Kajuga, nous avons signé et sorti un communiqué lançant un appel à la population et aux membres des Interahamwe za MRND, dans ce sens. Toute la logistique entourant sa publication i.e les frais et les contacts auprès des radios, a été assurée par la Croix-Rouge. Il sera largement radiodiffusé sur les antennes de Radio Rwanda ainsi que sur celles de la RTLM.
162ième Communiqué du Comité National provisoire des Interahamwe za MRND, signé par Kajuga Robert (Tutsi), Président et Rutaganda Georges (Hutu), 2ième Vice Président ; sur l’instigation de la Croix Rouge, appelant à la pacification et la facilitation de transfert de blessés vers des hôpitaux.Vers le 25 avril 1994, dans le même contexte que celui du 1er Communiqué et par les mêmes Représentants de la Croix-Rouge, Kajuga et moi-même avons signé et sorti un 2ième communiqué lançant un appel à la population, y compris les membres des Interahamwe za MRND, qui seraient sur les barrières de faciliter le transfert des malades et des blessés vers les Centres de soins (Hôpitaux, Centres d=accueille, etc...). Les frais et les contacts nécessaires à sa publication seront pris en charge par la Croix Rouge et le communiqué passera sur les antennes de Radio Rwanda ainsi que celles de la RTLM. Plus tard, cette circulaire m’attirera de forts ennuis lorsque un chauffeur de la Croix Rouge, brandissant ce document à une barrière à Gikondo, sera trouvé avec de faux blessés. La rumeur m’attribua la qualification d’agent double. Prenant la menace au sérieux, je décidai de quitter Kigali, le 27 mai 1994.
17Opération: A72 ADULTES: Transfert des Réfugiés de l=Hôtel des Mille Collines vers la zone FPR, par la MINUAR@,Début mai 1994, lorsque le convoi de la MINUAR qui transportait les réfugiés de l’Hôtel des Milles Collines vers la zone du FPR a été bloqué à l’endroit dit Sopecya-Akanogo, à environ à 3km de « Amgar », le Capitaine Amadou Démé est venu me solliciter, m’impliquant ainsi dans leur opération très risquée. Devant ce fait accompli, j’ai utilisé tous les moyens possibles et dans des conditions extrêmement difficiles pour arriver à une issue heureuse pour ces réfugiés, à majorité de l’élite Tutsi. On notera pour illustration, les familles: Védaste Rubangura, un grand industriel ; Dr. Jean Baptiste Gasasira ; François Habiyakare, ancien ministre ; Ambroise Murindangabo, ancien ministre ; Gilbert Nkusi, chimiste ; Paul Rusesabagina, Directeur de l’Hôtel des Milles Collines ; Kamilindi Thomas, journaliste et plusieurs autres personnes connues par la MINUAR. Les détails relatifs à cet évènement sont repris spécialement dans les paragraphes 3.1.3, 4.2.4 et la partie V de ce témoignage.
18Une jeune fille dans la cabine du camion de la MINUAR (identité et ethnie : inconnues).Simultanément à l’intervention baptisée : « Operation : 72 Adultes… », après avoir été abandonné à Sopecya-Akanogo pas Démé, je jetai un coup d’oeil dans l’un des camions de la MINUAR où je trouvai une jeune fille cachée et enfermée à l=intérieur de la cabine et, qui, malheureusement n=avait rien su du départ des autres réfugiés. Lorsque, à travers la vitre, j’ai tenté de la convaincre de sortir afin d’arranger son retour, ma tête fut redressée de derrière par le bout du canon. Heureusement, le Préfet Renzaho qui revenait de l’Echangeur eut sont attention attirée par ce nouvel attroupement. Son intervention n’avait pas réussi à dissuader le soldat qui menaçait de brûler le véhicule qui prendrait cette fille. Par chance, est apparu le Chef militaire du Secteur de Kigali, le Colonel Félicien Muberuka qui a remis les choses en place, nous permettant ainsi de sortir la fille et de l’embarquer dans le véhicule du Préfet qui l’a conduite auprès des autres. C’est avec l’escorte du Colonel Muberuka que j’ai pu rentrer chez moi, à « Amgar ».
19Famille Mubumbyi, agent de la BCR d’ethnie inconnue.Dans ce cas, j’ai été sollicité et j’ai fourni ma Peugeot 505 pour transporter la famille Mubumbyi. Le détail peut être fourni par Emmanuel Nkunduwimye qui a exécuté cette mission.
20Famille Gasamagera Wellars, Tutsi, agent de l’ambassade de Libye à Kigali.Lors de ma recherche de la famille Kamegeri, je me suis retrouvé avec Mme Gasamagera qui se trouvait, avec une partie de leurs enfants, sur le portail de la maison occupée par l=Ambassade de Libye à Kigali, maison jouxtant l’ancienne villa de mon père, à Kiyovu. Elle me parla uniquement de son mari qui avait cherché refuge à l’Hôtel des Milles Collines. Suite à cette rencontre, et par l=intermédiaire du Directeur de l=Hôtel, Paul Rusesabagina, Gasamagera m’approcha et me demanda de l’aider à récupérer leurs fillettes abandonnées à elles-mêmes dans leur habitation, près du Mont Kigali. Ne pouvant rien refuser à Rusesabagina, je marquai mon accord. Cependant, comme leur habitation était trop loin de l’Hôtel (~10 km), dans un coin particulièrement dangereux, j’ai associé Robert Kajuga à ce projet et sommes allés les trouver. Nous avons rencontré une forte résistance de la part de la population locale et des militaires qui gardaient l’endroit mais, après de longues négociations, ils nous ont laissé prendre ces fillettes que nous avons conduites auprès de leurs parents qui réfugiés à l’Hôtel des Milles Collines. Devant Rusesabagina, leur Papa nous proposa une somme d=argent, geste nous avons refusé de prendre.
21Ambassadeur Amri Suwedi, Hutu ; Kanyarwanda Cléophas, Directeur de la MAGERWA, Hutu et leur chauffeur, d’ethnie inconnue.
Un midi, Amri Suwedi en compagnie de Kanyarwanda Cléophas, Directeur de la MAGERWA (Magasins Généraux du Rwanda), dans une camionnette blanche Peugeot appartenant à cet office, a été bloqué à la barrière qui se trouvait devant « Amgar ». Les tenants de cette barrière avaient relevé, lors de leur contrôle, que seul Amri n=était pas en ordre, chose qui rendait toute l’équipe hautement vulnérable. Le Directeur avait plaidé la cause de Amri, mais en vain. Dans cette confusion est née un vacarme, devant le portail de « Amgar » raison pour laquelle je suis venu constater l’incident. Me voyant sortir, ils m’on vite sollicité afin d’intervenir en leur faveur en aidant à convaincre au sujet de l’identification de Amri. Ce dernier tremblotait sur ses pieds et n’arrivait plus à contrôler ses petits besoins. J’ai spontanément appuyé l’intervention du Directeur et dans ce cafouillage, je lui ai proposé de faire demie tour puisqu=au moins là-bas, on les avait laissé passer. Quand le FPR prendra le pouvoir, Amri Suwedi qui avait contribué à sa victoire sera nommé ambassadeur en Ethiopie et, ensuite, Minaffet à Kigali.
D. Catégorie des gens que Georges Rutaganda a assistés sur l’unique effet du hasard:
22M. Jérémie alias Rutinkwa, Tutsi.De passage au centre de négoce de Buhanda-Murama, au début de mai 1994, je me suis arrêté pour saluer les gens de chez moi et, par coïncidence, il y avait un grand attroupement de gens furieux qui, selon leurs indications, étaient à la recherche d’un nommé Jérémie alias Rutinkwa pour sa collaboration avec le FPR. Ayant fait les affaires avec lui dans les années 70-80, je connaissai très bien Jérémie. J’ai douté de cette grave accusation. Je me suis mis directement à sa recherche et l’ai trouvé dans sa cachette, dans le marais des environs, sur l’indication de Mme Nkunduwimye qui, comme indiqué ci-avant, avait transité à « Amgar » avant leur évacuation de Kigali par mes soins. Étant donné la confiance que Jérémie avait en moi, je l’ai conduit auprès de ses détracteurs avec lesquels nous avons discuté de son cas et je suis parvenu à leur faire comprendre que Jérémie n’était pas un élément dangereux pour eux. Après ces négociations, j’ai offert un verre pour sceller cette réconciliation et la population exigea de lui qu’il s’associe désormais à leurs initiatives pour éviter toute suspicion.
23Les enfants du Docteur Gasasira Jean Baptiste, Tutsi et leur chauffeur, d’ethnie inconnue.Un jour, alors que je venais de Nyamirambo, j’ai vu sur la barrière d’entre Gitega et Gakinjiro, près de l'école postale, que l’on était en train débarquer deux fillettes d’une camionnette pour des fins douteuses. A l’approche de la barrière, je réalisai qu’effectivement ces enfants étaient sérieusement menacés. Alors que les autres voitures passaient sans s'en soucier, j’ai reconnu les deux fillettes comme étant les enfants du Dr Gasasira Jean Baptiste et me suis porté à leur secours, en certifiant que je les connaissais très bien et, qu'elles ne causeraient aucun mal. Ce fut dans cette situation confuse, que je profitai pour les re-embarquer dans leur véhicule en leur enjoignant de déguerpir vite, pendant que je poursuivais les négociations. Avec leur chauffeur, elles ont repris leur chemin vers l=Hôtel des Milles Collines où, à ma première rencontre, leur Papa, Dr Gasasira, m’adressa des remerciements. Tous les détails à ce sujet sont repris dans la partie IV, § 4.2.2 du présent témoignage.
24Bomboko Nkunduwimye Emmanuel, Hutu ; Gatorano Marcel, Hutu, fils Gatorano Gad et deux fillettes d’ethnie inconnue. Dans la soirée du 24 mai 1994, de retour de Cyangugu, alors que je traversais la barrière tenue par les militaires à Rugobagoba-Musambira, Gitarama, j’ai entendu des voix qui m’appelaient et criaient « au secours ! », à partir du talus, à droite de la route vers Kigali. Je me suis arrêté brusquement pour constater que c’était Nkunduwimye, Gatorano et deux petites filles qui étaient sur le point d’être tués. Nkunduwimye était reproché d’avoir des connexions compromettantes avec son beau-frère, Silas Majyambere, le fameux bailleur de fonds du FPR. Idem pour Gatorano, le neveu de Majyambere. Quant aux deux filles, leurs pièces d’identité affichaient des irrégularités. J’ai usé de tous les arguments possibles pour convaincre ces militaires afin de les relâcher mais, ils ne m’ont cru que partiellement. Seul Gatorano fut relâché et autorisé à poursuivre son voyage vers Gitarama. Tous les autres furent conduits par les militaires à leur quartier général où je les ai suivis et suite à une discussion avec leur Chef, Colonel Nzabanita, il finit par concéder et m’autorisa à prendre les deux filles sur Kigali et promit de relâcher Nkunduwimye le lendemain d’autant plus qu’il ne pouvait pas continuer son voyage avec son camion chargé. Les choses se passèrent ainsi.
E. Catégorie des gens immobilisés dans leurs cachettes :
25Groupe de réfugiés, Tutsi et autres, dans l’immeuble appartenant à Bugirimfura Augustin, à Gakinjiro.Entre la parcelle de Bugirimfura Augustin et celle de « Amgar » se trouvait le seul bâtiment de feu Gafuku Pierre. Dans l’un des annexes appartenant à Bugirimfura avait pris refuge un groupe d’environ une quinzaine de personnes, parmi lesquelles se trouvaient des Tutsi. Etant au courant de leur présence, j’ai contribué à leur survie en aidant à leur approvisionnement auprès des camions qui amenaient des vivres.
Vers fin avril, les pilonnages du FPR sur la ville de Kigali se sont intensifiés et le quartier de Gakinjiro-Cyahafi était sa cible privilégiée. Durant ce pilonnage, le FPR a lancé un obus sur leur bâtiment, détruisant ainsi leur cachette qui avait longtemps été gardée secrète. De là, ils se sont retrouvés dans la rue, sans savoir où aller. Je les ai vus couverts de sang mélangé du ciment et, pratiquement méconnaissables. Les blessés comprenaient également ceux atteints devant « Amgar».
Dans ce cafouillage, en association avec les gens qui se trouvaient sur la route devant « Amgar », nous avons vite chargé toutes les victimes, vivantes ou mortes, dans le premier véhicule qui s=est présenté, vers le Centre Hospitalier de Kigali (CHK).
26Groupe de réfugiés de chez Mme Gafuku Pierre, Nyirabugingo Thérèse, Tutsi, à Gakinjiro. Le bâtiment de la veuve de feu Gafuku Pierre, Mme Thèrese Nyirabugingo, jouxtait la parcelle « Amgar », juste avant celui de Bugirimfura, devant la barrière dite de « Amgar ». Nyirabugingo y avait réuni beaucoup de membres de sa famille ainsi que des amis. A cause de bonnes relations d’affaires que j’entretenais avec Nyirabugingo, à mon retour de Masango, durant les évènements, elle m’ a envoyé un message, exprimant leurs inquiétudes quant leur sécurité et aux moyens de survie.
Je me suis occupé de leur situation, notamment en persuadant les des alentours, spécialement ceux de la barrière qui étaient informés de leur présence et en déjouant toutes tentatives d=attaque qui se dirigeraient contre cette famille. Par le biais de notre gardien, Théophile Rudasingwa également Tutsi, je leur ai fourni des vivres notamment, des sacs de riz et de sucre, les quantités de viande et les sacs de pomme de terre qu’on passait discrètement au dessus de la clôture. La situation fût gérée comme telle jusqu=à notre évacuation de mai 1994.
27Groupe de réfugiés, Tutsi et autres, dans l’immeuble Shyirakera Michel, près de la Brigade de sécurité routière, à Nyarugenge.L’immeuble de Shyirakera Michel se trouvait en amont de « Amgar », sur la route vers le quartier commercial. Comme dans le cas Bugirimfura, un groupe de personnes, Tutsi et autres, avaient pris refuge dans les annexes du bâtiment Shyirakera, devant les bureaux de la Brigade de sécurité routière. Apparemment, ils étaient sous la protection du Commandant de la Brigade, le Lt. Pascal Kayihura. Je ne m’étais jamais rendu compte de leur présence jusqu’à l’arrivée du groupe de « messagers » venus de Gitarama pour reprocher au quartier de Gakinjiro d’abriter les complices et pour exiger une fouille généralisée.
Ce fut le Lt Kayihura qui m’a informé de la situation et m’a prévenu d’une fouille éventuelle à « Amgar » puisqu’il connaissait son contenu. Je l’ai persuadé de refuser toute fouille qui serait faite par des étrangers au quartier et lui ai proposé de prendre l’affaire en mains d’autant plus qu’il était en charge du quartier et savait tous les endroits sensibles.
Lt. Kayihura m’a demandé de le soutenir et a pris la responsabilité de la fouille. Il a ainsi réussi à éviter les endroits vulnérables i.e, ceux qui abritaient les réfugiés. Même quelques fugitifs qui ont été dénichés ont été remis à la gendarmerie pour le suivi et le dossier fut ainsi clos. Lt. Pascal Kayihura a rejoint le FPR, après la prise du pouvoir et, paraît-il, a été emprisonné puis tué en prison.
28Approvisionnement des réfugiés de l’Hôtel des Milles Collines (élite Tutsi).En avril 1994, dans plusieurs opérations que j’ai effectuées avec Paul Rusesabagina, j’ai fourni, à crédit, divers produits vivriers principalement la bière importée, le riz et le sucre, à l’Hôtel des Milles Collines, reconnu pour avoir abrité des centaines de réfugiés membres de l’élite tutsi. Les détails relatifs à cet évènement sont largement développés dans la partie V du présent témoignage.
F. Catégorie dite « autres » :
29Exode massif de Masango vers Cyangugu via Gikongoro, du 29 au 31 mai 1994, toutes ethnies confondues.Fin mai 1994, j’ai décidé d’évacuer ma famille vers une zone plus sécurisée, notoirement Cyangugu. Une fois mises au courrant de l’idée de cette évacuation, beaucoup de personnes qui s’étaient accumulées à Masango et dans les environs se sont associées à notre convoi. Il y avait aussi les personnes que j’avais réussies à sortir de Kigali. Nous avons procédé aux lourds préparatifs, notamment, la fixation de la date de départ, le choix de la route à emprunter puisque certains avaient des itinéraires qu’il ne voulaient pas emprunter et les provisions nécessaires, etc. A plus de 150 personnes, nous étions répartis dans une vingtaine de véhicules.
Mon intervention fut d’organiser et de superviser ce vrai exode, de Masango vers Cyangugu via Gikongoro. J’ai assuré la coordination mais surtout, servi d’interlocuteur partout où nous avons rencontré les difficultés soit de passage sur les barrières, soit logistiques. Nous avons quitté Masango le 29 mai 1994, sommes passés par Musange pour atteindre Gikongoro en évitant les zones des combats. Là-bas, nous avons fait une escale obligée de 2 jours suite à des exigences de passage imposées par l’autre côté et aux véhicules qui étaient tombés en panne. J’ai effectué les contacts nécessaire auprès du Préfet Bucyibaruta afin d’obtenir les documents de passage sur les barrières, notamment celle de Gasarenda. Nous avons quitté Gikongoro le 31 mai 1994 et sommes arrivés à Cyangugu dans la soirée après avoir été longtemps bloqués sur la barrière de Mwaga. Il a fallu que j’intervienne au niveau des autorités de la Sous préfecture de Kesha et, ensuite, auprès du Préfet Bagambiki pour que nous soyons autorisés de continuer sur Cyangugu.
Outre les membres de ma famille élargie, le groupe comptait beaucoup de personnes hautement vulnérables dont notamment : Mme Agnès Gasingire et ses enfants (Tutsi) ; Mme Gloria Ndagijimana (Tutsi) ; M. Sheba (?) ; Mme Maimouna et ses enfants (Tutsi) ; Famille Hakizimana Mathias, leurs enfants et ceux de Marc Rugenera (Hutu) ; John Sebagenzi et ses enfants (Hutu). Les conditions de ce voyage furent très pénibles mais, tout le monda arriva sain et sauf.
Annexe 2: Carte de membre du MRND.
Annexe 3: Carte de membre des Interahamwe za MRND.
Annexe 4: Lettre du Comité national provisoire des « Interahamwe za MRND » ã Monsieur le Premier Ministre, Dr Dismas Nsengiyaremye.
Annexe 5: Lettre du Comité national provisoire des « Interahamwe za MRND » ã Monsieur Jacques Roger Booh Booh, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Rwanda.
Annexe 6: Communiqué du Comité national provisoire « des Interahamwe za MRND » du 02 février 1994.
Annexe 7.A : Copie de la copie manipulée du fameux fax du 11 janvier 1994[84].
Annexe 7. B : Copie manipulée du Fax du 11 janvier 1994, versée dans le dossier onusien à New York, le 28 novembre 1995, mais dont l’original s’est avéré introuvable.
La documentation utilisée
1. Résolution du Congrès extraordinaire du MRND, Kigali, le 28 avril 1992 ;
2. « La violence politique au Rwanda de 1991-1993 » : Témoignages sur le rôle des organisations des jeunesses des partis politiques par James Gasana. Bussigny-près-Lausanne, Juin 1998 ;
3. Témoignage d’Abdul Ruzibiza, Norway, 14 mars 2004 et celui du Lt. Aloys Ruyenzi. Norway, 05 juillet 2004 ;
4. « Rwanda, le Génocide, l’Eglise et la Démocratie », par Bernard Lugan, Editions du Rocher, Paris 2004;
5. Le Fax du 11 janvier 1994 de Roméo Dallaire à Maurice Baril ;
6. Câble de Kofi Annan à Roger Booh Booh, UNAMIR 100 du 11 janvier 1994 ;
7. Câble de Roger Booh Booh à Kofi Annan, MIR 95 du 13 janvier 1994 ;
8. « J’ai serré la main du diable », par Roméo Dallaire, Editions Libre Expression, Québec 2003, Chapitre 7;
9. « Rwanda : La descente aux enfers », par Luc Marchal, Editions Labor, 2001, pages 165 à 180;
10. « Aucun témoin ne doit survivre », par Alison Des Forges, Editions Karthala, Paris, 1999, pages 169 à 209 ;
11. « Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali », par Robin Philpot, Editions Les Intouchables, Québec 2003, pages 81 a 113 ;
12. Interview de Roger Booh Booh par Collette Braeckman publiée dans le Quotidien « Le Soir », le 19 avril 2004 ;
13. Interview de Faustin Twagiramungu publiée dans la Revue « Diplomatie Judiciaire » N0 83 de mars 2002, page 14 à 16 ;
14. Interview d’André Guichaoua parue dans le Quotidien « Le Monde » du 06 mai 2004 : « L’Assassinat du Président Habyarimana a été programmé dès 1993 » ;
15. Lettres du Conseiller Juridique du Secrétaire Général de l’ONU, Ralph Zacklin, en date du 27 janvier 2003 et du 6 juin 2003 ;
16. Déposition du Professeur Filip Reyntjens dans le Procès Georges Rutaganda, Audience du 13 octobre 1997 et dans l’affaire Bagosora et alii, Audience du 15 au 22 septembre 2004 ;
17. Déposition de Roméo Dallaire dans l’Affaire Bagosora et alii, audience du 19 au 27 janvier 2004 ;
18. Le contrat de collaboration entre le Procureur et Omar Serushago du 4 décembre 1998 ;
19. Lettre du Procureur du 5 février 2002 adressée à Dieudonné Niyitegeka ;
20. Le contrat de collaboration entre le Procureur et Ephrem Nkezabera du 28 avril 2004.
Liste de certaines abréviations utilisées
ONU-Organisation de Nations Unies ;
MINUAR/UNAMIR-Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda, 1994 ;
MONUC-Mission de l’ONU pour le Congo ;
TPIR/ICTR-Tribunal Pénal International pour le Rwanda ;
MRND-Mouvement Républicain National pour le Démocratie et le Développement ;
MDR-Mouvement Démocratique Républicain ;
PSD-Parti Social et Démocrate ;
PL-Parti Libéral ;
FPR/RPF-Front patriotique Rwandais ;
FDC-Forces démocratiques pour le Changement (MDR, PSD, PL et FPR) ;
GTBE-Gouvernement de Transition à Base Élargie ;
FAR-Forces Armées Rwandaises ;
AMGAR-Atelier Ménuiserie Garage ;
PVK-Préfecture de la Ville de Kigali ;
PETRORWANDA- Société Pétrolière du Rwanda ;
SOPECYA-Societé Pétrolière de Cyangugu ;
ELECTROGAZ-Régie de distribution d’Electricité, d’Eau et du Gaz ;
UNDF-United Nation Detention Facilities;
[1] « Nos Perpétuels Retour », Odette Barat, 1993.
[2] Lettre OPJDR au Président du TPIR, No 15/S/PK/705 du 06 septembre 2005.
[3] Lettre OPJDR au Président du TPIR, No 15/S/PK/705 du 06 septembre 2005.
[4] Romains 12: 19, La Sainte Bible, Nouvelle Version Second Révisée, 1998.
[5] Analyse faite et terminée, à Arusha, en décembre 2004.
[6] Procureur, CD : KV00-0061C, Recommandations du Congrès extraordinaire du MRND tenu le 28 avril 1992.
[7] Dans les faits, les commissions comme telles n’étaient pas encore constituées. Les conseillers assistaient le Comité National Provisoire de façon générale, chacun s’appuyant du domaine pour lequel il avait été désigné.
[8] Des procès faisant intervenir les militants du MRND et du MDR ont vu ces derniers condamnés en masse alors que les premiers étaient purement et simplement relâchés. C’était le cas pour les événements de Gishyita-Rwamatamu (Kibuye) en août 1992, les événements de Birenga (Kibungo), les événements de Gikondo (PVK) et ceux de Kagano-Kirambo (Cyangugu).
[9] Les leaders de l’opposition ont unanimement applaudi ces actes de vandalismes sous prétexte que c’était la seule formule d’effacer les actions tangibles du MRND.
[10] Témoignage Abdul Ruzibiza, Norway, du 14 mars 2004, pp. 18-19.
[11] Point numéro 5 du Communiqué publié par le Comité National provisoire des « Interahamwe za MRND » en date du 1/02/1994 relativement aux problèmes cruciaux auxquels le Pays faisait face.
[12] La déposition des témoins de l’Accusation, Alison Desforges et Roméo Dallaire dans le procès Bagosora et consorts, le témoignage du Capitaine Abdul Ruzibiza et le dernier livre du Professeur et Historien français Bernard Lugan ont définitivement ruiné les certitudes affichées jusque très récemment par l’Accusation.
[13] Tous ces anciens premiers ministres issus du MDR espéraient ainsi s’assurer de l’immunité contre les poursuites tout en compromettant irrémédiablement leurs adversaires politiques d’hier. Malheureusement pour eux, les Procureurs du TPIR ne les ont pas suivis et, surtout, le FPR ne s’est pas du tout montré reconnaissant ni à leur égard ni vis à vis de leur parti MDR. Il est vrai que seul Jean Kambanda a été poursuivi mais pourrait bientôt toucher les dividendes de son aveu de culpabilité.
[14] Affaire le Procureur C/Jean Paul Akayesu, Audience du 13 février 1997. A l’époque déjà le Procureur Pierre Richard Prosper avait déposé une copie caviardée et refusé d’en montrer l’original ou la copie non caviardée à la Défense.
[15] Voir transcrits d’audience du 17 juin 1999 dans le procès Rutaganda, p. 119.
[16] Lettres réponses de Monsieur Ralph Zacklin, Assistant du Secrétaire Général des Nations Unies aux Affaires Juridiques, en date du 27 janvier 2003 et du 6 juin 2003, aux Conseils de Joseph Nzirorera et d’Aloys Ntabakuze.
[17] Il s’agit des pièces à conviction de la Défense: DNT 21 ; DNT 23 ; DNT 24 ; DNT 26 et DNT 27.
[18] Communiqué N° 6/94 du 9/01/1994 émanant du Bureau d’information, d’Education et de presse (BIEP) de la MINUAR ; communiqué du FPR du 8/01/1994 ; Lettre du 19/01/1994 adressé par le Comité National Provisoire des "INTERAHAMWE ZA MRND" à M. Roger Booh Booh, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies à la MINUAR, notamment.
[19] Le 05 janvier 1994, lors des cérémonies de la mise en place des Institutions du GTBE, les Représentants du FPR ont boycotté la cérémonie de prestation de serment du Président de la République qui a eu lieu dans la matinée. Ils se sont absentés à celle des députés qui était prévue le même jour à 15 heures. Le Président de la Cour Constitutionnelle, Joseph Kavaruganda, le Premier Ministre, Agathe Uwilingiyimana et le Premier Ministre désigné, Faustin Twagiramungu, les Représentants des factions pro-FPR au sein des partis MDR et PL, ainsi que les Représentants du PSD dans les Institutions de Transition à base élargie ont, tous, boycotté les cérémonies de prestation de serment reportées à 15 heures, le 5 janvier 1994. Depuis, ils vont tenter sans succès d’organiser les cérémonies de mise en place de ces Institutions à l’insu du Président comme ce fut le cas le 08 janvier.
[20] André GUICHAOUA, témoin-expert du Procureur l’a récemment confirmé lors d’une interview dans le Quotidien Le Monde du 6 mai 2004 en ces termes : "Le scénario de l’assassinat du président Habyarimana a été programmé dès la fin de l’année 1993 comme préambule à la reprise de la guerre".
[21] Extrait du Câble 126 du 11 janvier 1994 de Général Roméo Dallaire à Baril reçu le 10 janvier 1994 à New York à 20h15, heure de New York : Request for protection for informant.
[22] Roméo Dallaire : "J’ai serré la main du diable", pages 198-199.
[23] Câble de Maurice Baril au nom de Kofi Annan pour le Général Roméo Dallaire daté du 11 janvier 1994 : Contact with informant.
[24] Câble de Kofi Annan à Roger Booh Booh daté du 11 janvier 1994 : Contacts with informant.
[25] Câble Mir 79 de Booh Booh à Kofi Annan : Contacts with informant.
[26] M. Ntazinda Charles était le conseiller au MINAFFET, originaire de Nyanza (Butare), voisin de Jean Pierre Turatsinze à Kanombe devant l’aéroport.
[27] Câble Mir 95 de Roger Booh Booh à Kofi Annan daté du 13 janvier 1994 et ayant pour objet : Initiatives undertaken relating to latest security information (§1).
[28] ibidem, §8.
[29] Draft du Fax adressé le 12 janvier 1994 par Roméo Dallaire à Kofi Annan avec copie au général Baril relatif aux renseignements obtenus de l’informateur. Lors de sa déposition dans le procès Bagosora et alii, Roméo Dallaire a reconnu ledit draft et confirmé son envoi à New York.
[30] Ibidem, §1.
[31] Alison Des Forges : "Aucun témoin ne doit survivre", pages 176 à 209; spécialement les bas de pages car révélatrices d’informations inédites.
[32] Roméo Dallaire : "J’ai serré la main du diable", pages 187 à 205.
[33] Luc Marchal : "La descente aux enfers", pages 165 à 176.
[34] Aux pages 203 à 204 de son livre: "Aucun témoin ne doit survivre", Alison Des Forges donne une version étonnante sur le trajet du fax de Roméo Dallaire et sa disparition des archives onusiennes.
[35] Le nouveau fax fabriqué a été publié dans les journaux à Londres, par le Journal "The London Observer, November 1995"; à Bruxelles, par le Quotidien "La Dernière Heure, du 06 décembre 1995" et à New York, dans "The New Yorker, May 1998".
[36] Les enquêtes menées par Me Peter Robinson dans les archives de l’ONU ont permis de découvrir que l’original du fax de substitution fabriqué ne se trouve non plus dans les archives et que la copie classée y a été déposée le 28 novembre 1995, selon Lamin J. Sise. Le Procureur Pierre Richard Prosper a pris soin de gommer l’entête qui indiquait la date de dépôt de cette copie dans les archives de l’ONU.
[37] Ce communiqué du 1er février 1994 a été déposé par la Défense de Georges Rutaganda comme pièce à décharge N° GAR 00853-GAR 00854.
[38] Roméo Dallaire ne l’a jamais rencontré, tandis que Faustin Twagiramungu a dit de lui que c’était un escroc attiré par l’argent qu’il espérait toucher de la MINUAR. Dans la Revue Diplomatie Judicaire No83, mars 2002, page 16 : « Faustin Twagiramungu n’accorde donc aujourd’hui pas de crédibilité à Jean Pierre Turatsinze qu’il qualifie de ‘petit bandit’ ».
[39] En effet, en avril-juillet 1994, les populations civiles innocentes ont été ciblées par les soldats du FPR ou ses infiltrés très actifs partout dans le Pays. En légitime défense, ces populations ont installé des barrières pour contrôler les mouvements de l’ennemi et ses complices. Il serait totalement faux d’affirmer que seuls les militants du MRND ont supervisé les barrages et, abusif de poursuivre les dirigeants du Parti MRND sous prétexte qu’ils exerçaient un quelconque pouvoir hiérarchique sur ces gens. Si tel était le cas, qu’en était-il des régions où le MRND était très peu représenté, comme à Kibuye, à Gitarama, à Butare et ailleurs !
[40] - Témoignage d’Abdul Ruzibiza du 14 mars 2004 (Kinyarwanda), p. 18, §6 à §9: Aucun Tutsi né au Rwanda ne pouvait susciter la confiance du FPR, si sa mort pouvait facilement être attribuée à Habyarimana, il n y avait rien à déplorer (il faut sacrifier le Tutsi de l’intérieur). Le Tutsi intellectuel qui pouvait ne pas adhérer spontanément à l’idéologie du FPR comme Landoald [Ndasingwa] que nous avons raté plusieurs fois. Les Tutsi qui en général résidaient dans des lieux isolés étaient assassinés collectivement, et ce genre de crimes était immédiatement imputé au MRND, par exemple les militaires du FPR ont fait ça à Kabatwa à Gisenyi, sous le commandement de Gashayija Bagirigomwa, Moses Rubimbura du service de renseignement. Ce ne sont pas des rumeurs, cela s’est passé au début de l’année 1994. Même après la guerre, le FPR n’a pas hésité à sacrifier les Tutsi pour trouver le prétexte d’aller piller au Zaïre - il a sacrifié les Bagogwe à Mudende, celui qui en doute peut en demander les preuves, nous les lui fournirons - il a sacrifié les Banyamurenge à Biura et ailleurs, et cela n’est un secret pour personne. - Les techniciens de la Ville de Kigali (Network) ont commis d’innombrables crimes.
- Déclaration de Jean Pierre Mugabe du 21 avril 2000 sur l’attentat contre l’avion dans lequel les présidents Habyarimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi trouvèrent la mort, le 6 avril 1994.
- Lettre de Hakizabera adressée au Président de la Commission d’enquête sur les responsabilités de l’ONU dans le génocide rwandais de 1994, pages 5 à 7.
- Déclaration de Paul Kagame citée par Roméo Dallaire dans son livre, "J’ai serré la main du diable", page 451 : "Si les réfugiés doivent être sacrifiés pour la bonne cause, on considérera qu’ils étaient inclus dans ce sacrifice".
[41] Affaire ICTR-97-20, le Procureur C/Semanza, paragraphe 3.5, de l’acte d’accusation modifié du 2 juillet 1999.
[42] ICTR-96-3-T, déposition du Professeur Filip Reyntjens dans le procès Rutaganda, transcrits d’audience du 13 octobre 1997, page 159.
[43] ICTR-96-3-T, déposition du Professeur Filip Reyntjens dans le procès Rutaganda, transcrits d’audience du 13 octobre 1997, pages 161 à 162.
[44] ICTR-96-3-T : Déposition de M. François-Xavier Nsanzuwera dans le Procès de Rutaganda, transcrits du 24 mars 1998, pages 97 à 98.
[45] Interrogatoire de Jean KAMBANDA, cassette No 7 en Français.
[46] Jean KAMBANDA, "Rwanda 1994: L’Apocalypse et après", p. 112.
[47] Alison Des Forges, témoin-Expert du Procureur dans : "Aucun témoin ne doit survivre, page 263, footnote # 4. "
[48] Note confidentielle du 8 novembre 2001 établie par le Senior Trial Attorney, Stephen Rapp, pour la Chambre I dans le Procès des Médias.
[49] Voir déposition de Roméo Dallaire à l’audience du 26 janvier 2004 dans le procès Bagosora et alii et celle de Frank Claes dans la même affaire, à l’audience du 7 au 8 avril 2004.
[50] Jugement du 4 septembre 1998 dans l’affaire KAMBANDA ( ICTR- 97-23- T), celui du 2 septembre 1998 dans l’affaire AKAYESU (ICTR-96-4-T) ainsi que celui du 15 mai 2003 dans l’affaire NIYITEGEKA (ICTR –96- 14- T) ainsi que dans celui du 15 juillet 2004 dans l’affaire Ndindabahizi.
[51] Les témoins experts de l’Accusation, Alison Des Forges et André Guichaoua n’ont pas hésité à affirmer que le MRND était confiné dans les préfectures du Nord (Gisenyi, Ruhengeli particulièrement).
[52] Bernard Lugan : "Rwanda, le Génocide, l’Eglise et la Démocratie", page 143.
[53] Capitaine RUZIBIZA Abdul, Témoignage du 14 mars 2004, p. 22.
[54] Roméo Dallaire : "J’ai serré la main du diable", page 276.
[55] Analyse faite et terminée à Arusha , le 31 juillet 2004.
[56] "J’ai serré la main du diable", Général Roméo Dallaire, page 434.
[57] Ibidem, page 436.
[58] Ibidem, page 436-437.
[59] Ce dernier n’est pas cité par Roméo Dallaire mais, accompagné de Robert Kajuga, il est venu me chercher à mon Bureau à AMGAR pour m’inviter à la réunion tenue avec les officiers de la MINUAR à l’Hôtel des Diplomates dans la matinée du 03 mai 1994. Ce même jour, il est revenu me chercher dans l’après-midi suite à l’incident survenu au carrefour SOPECYA-Kanogo et dont parle Roméo Dallaire à la page 441 de son livre. A la même page, toujours selon Roméo Dallaire, le major Don MacNeil se trouvait également au carrefour SOPECYA-Kanogo avec l’ordre d’utiliser la force pour sauver les réfugiés, chose qu’il n’a pas osé faire, comme confirmé par le Capitaine Amadou Démé qui m’en donna une explication à lui quand je lui ai posé la question.
[60]"J’ai serré la main du diable", Général Roméo Dallaire, page 441.
[61] Ibidem, page 442.
[62] Extrait de la déposition du témoin AWB, audition du 08/03/1996, par Melissa Craw, page 3.
[63] Le chiffre de " 72 adultes" provient de ma propre estimation du nombre de familles dans le convoi de la MINUAR vers la zone FPR, à Kanogo, près de la station d’essence SOPECYA. Il est surprenant que ce nombre coïncide avec celui avancé par le Général Roméo Dallaire, à la page 441 de son livre "J’ai serré la main du diable" où il parle de "soixante-dix membres de l’intelligentsia tutsi". Mais, il est certain qu’un décompte actualisé afficherait un nombre beaucoup plus important, car il s’agissait de familles et non des individus pris isolément.
[64] Extrait de la lettre écrite par M Rutaganda à M. le Greffier du TPIR, en date du 4 juin 1996, référence Case File, Volume I, pièce # 16.
[65] Annotations sur le fax m’adressé par Me Luc De Temmerman, en date du 17-06-1996 et me remis à partir du Greffe par les soins de M. Hugues Verita.
[66] Voir signature conforme sur une lettre de Hugues Verita, Case File, Volume I, pièce # 17.
[67] Dans l’affaire Karemera et autres (ICTR 98-44-I), paragraphe 5.37 des pièces justificatives, le Témoin du Procureur ZE, Luc Marchal, indique bien que le Capitaine Amadou Démé et Jean Pierre Turatsinze sont à la base des informations manipulées qui ont été utilisées par le Général Roméo Dallaire pour rédiger son fax du 11 janvier 1994. On ne retrouve pas de trace de son original dans les archives de l’ONU ou de la MINUAR ; mais des copies aux contenus divers sont toujours en circulation pour attester de la prétendue planification du génocide.
[68] Lettre du 22 juin 1999 adressée par Rutaganda à la famille du Dr Jean Baptiste Gasasira. La version originale est en Kinyarwanda.
[69] http://carm.org/parablesamaritan.htm.
[70] "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families", Stories From Rwanda, par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998, page 130.
[71] Ibidem, page 120, par.2.
[72] TPIR, Affaire N0 ICTR-97-20-I, point 3.5 du Premier Acte d’accusation modifié, du 17 juin 1999.
[73] "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families", Stories From Rwanda, par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998, page 127.
[74] "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families", Stories From Rwanda, par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998, page 130, par. 3.
[75] "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families", Stories From Rwanda, par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998, page 130, par. 3.
[76] Ibidem, page 131, par. 2.
[77] "We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families", Stories From Rwanda, par Philip Gourevitch, May 1995-April 1998, page 142, par. 4.
[78] The White House, Remarks At Millennium Evening, The Perils Of Indifference: Lessons Learned From a Violent Century. The East Room, from 7: 37 P.M - 9:25 P.M.
[79] Ibidem.
[80] The White House, Remarks At Millennium Evening, The Perils Of Indifference: Lessons Learned From a Violent Century. The East Room, from 7: 37 P.M - 9:25 P.M.
[81] Done at Arusha on 16th December 2004 by N. Rutaganda Georges.
[82] Film « Legally Blonde », par Mrs Reese Witherspoon.
[83] Le complexe Amgar est situé à Gakinjiro-Nyarugenge, parcelle No 2270 d’une superficie d’environ 35 ares. Propriété de la famille Mpamo Esdras, depuis mie-1993, « Amgar » servait de bureaux et de dépôt pour la société Groupe Rutaganda s.a.r.l et une partie, de Garage Centre Ville Auto, exploité par Nkunduwimye E. et Mudahinyuka J.M.V.
[84] Cette copie versée dans le dossier onusien le 28 novembre 1995 a été déposée par le Procureur du TPIR, pour la première fois, dans l’affaire Akayesu le 13 février 1997, comme pièce à conviction après l’avoir amputée de certaines indications utiles pour la Défense, éléments repérables sur l’Annexe 7.B.
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