Le procès historique à Paris d'un responsable rwandais accusé de complicité de génocide va poursuivre en deuxième semaine l'audition de "témoins de contexte", chargés d'éclairer le jury populaire sur des faits commis il y a deux décennies à des milliers de kilomètres.
Universitaires, journalistes ou militants des droits de l'homme viendront déposer devant la cour d'assises qui juge Pascal Simbikangwa, ex-officier rwandais, pour son rôle dans les massacres où périrent en cent jours 800.000 personnes, principalement des Tutsi, d'avril à juillet 1994.
Plusieurs films seront également projetés, et la cour entendra, si son état de santé le permet, René Degni-Segui, qui fut rapporteur de la commission des droits de l'homme de l'ONU sur le Rwanda dès juin 1994, ainsi que Speciosa Mukayiranga, auteur de l'ouvrage "Sentiments de rescapés".
Témoignera également le colonel Michel Robardey, en poste au Rwanda au moment des faits, et qui fut avec d'autres militaires français accusé en 2008 par Kigali d'avoir participé au génocide.
Dix officiers, dont le colonel Robardey, avaient répliqué par une plainte en diffamation, en France, dont l'instruction avait, selon leur avocat, achoppé sur le silence de Kigali, qui a invoqué l'immunité de juridiction.
En fin de semaine les jurés entendront les experts psychiatres et psychologues, dont l'un a estimé dans son rapport que l'accusé présentait "une personnalité organisée autour du déni".
Pascal Simbikangwa rejette en tout cas toutes les accusations contre lui. Capitaine dans la garde présidentielle jusqu'à un accident de la route qui le laissa paraplégique, en 1986, reversé ensuite avec titre de directeur au Service central de renseignement de la police, il ne cesse depuis le début du procès de minimiser son propre rôle, assurant n'avoir été qu'un "simple agent", un "bureaucrate" sans pouvoir décisionnaire.
"Les massacres et le chaos"
Et tant pis si dès avant le génocide des ONG internationales des droits de l'homme le mettaient en cause comme réprimant violemment opposants au régime du président hutu Juvénal Habyarimana et journalistes, ce qui lui avait valu d'être surnommé "le tortionnaire". Il n'y a là selon lui que simple propagande de l'ex-rébellion tutsi du FPR, qui mit fin au génocide en prenant le pouvoir et y est toujours aujourd'hui.
Il reconnaît avoir été un partisan du président Habyarimana, dont l'assassinat le 6 avril 1994 fut le point de départ des massacres, mais réfute toute implication dans la planification ou la réalisation du génocide, préférant évoquer un pays "tombé dans les massacres et le chaos".
Et s'il veut bien admettre qu'un génocide "réel et incontestable" des Tutsi - et de Hutu modérés - a eu lieu, c'est pour aussitôt affirmer "qu'il ne peut effacer le génocide (des) Hutu, beaucoup plus étendu", reprenant à son compte la théorie du "double génocide" jugée négationniste par de nombreux historiens.
Arrêté pour trafic de faux papiers dans l'île française de Mayotte, Pascal Simbikangwa est jugé en France au titre de la "compétence universelle" conférée par des accords avec le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la justice ayant refusé de l'extrader vers le Rwanda, comme elle l'a jusqu'à présent toujours fait pour les suspects de génocide.
Accusé d'avoir organisé des barrages, où étaient filtrés les Tutsi, et armé les miliciens qui les tenaient, à Kigali et dans sa province natale de Gisenyi (nord-ouest), il risque la perpétuité. Le procès est prévu jusqu'à mi-mars.
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